Armando, le vieux marteau

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Armando alluma une cigarette et fitsauter la capsule de son énième bière de la journée. Il en étaità la combientième là ? Quinzième, trentième, aucune idée. Il arrêtait de les compter à le cinquième. Soit à huit heures dumatin environ. Il s'installa sur son tabouret en bois d'un autre âge,régla son transistor d'une autre époque sur sa station préférée,radio Panamericana, puis se rendit compte que le paquet de canchitasqu'il avait laissé sur la table était vide. Connard, éructa-t-ilavec la délicatesse que le caractérisait après une nouvelle gorgéede cerveza Cristal.

Armando était gardien de parkingprivé. Un petit parking à ciel ouvert de 21 emplacements destinésaux habitants du coin. Quatre murs en briques et un toit irrégulierdélimitaient son logement attenant. À chaque fois qu'il voulaitquitter son poste, il demandait à son ami José de venir leremplacer. Moyennant quelques soles bien entendu. On ne laissait pasles voitures sans surveillance. À défaut d'élégance, Armandoavait une certaine conscience professionnelle. Et puis, si parmalheur il arrivait quelque chose à l'une d'entre elle, les gens nevoudraient plus payer plein tarif. Ou pire, ils ne se gareraient plusici. Il veillait donc avec détermination sur ces véhicules. Prenaitsoin de les laver tous les jours. Aussi bien par amour des autos quedes pourboires qui en découlaient. Petits plus non négligeables quilui permettaient de faire quelques extras, de maintenir à flot sonstock de boissons ou encore,comme ce fut le cas aujourd'hui, de serendre à l'hippodrome de Monterrico, au nord du District, aussi bienpour se changer les idées que pour essayer d'empocher quelquesgains. Il avait l'habitude de parier sur les outsiders, les favorisça ne rapportait pas assez disait-il. Dans la 4ème course, il avaitmisé sur Burrito, un cadasson inconstant, capable du meilleur commedu pire. Avec une tendance à privilégier le pire tout de même.Début de la course, Burrito resta dans le box de départ quelquessecondes. De longues secondes ressassait Armando. Trop longues.Prenant un retard certain sur les autres concurrents. Ca commençaitbien. Puis, Dieu seul savait pour quelle raison, Burrito s'envolaenfin. Accéléra jusqu'à rejoindre l'arrière du peloton à lami-course environ. L'espoir d'une remontée fantastique avait ravivéla flamme d'Armando pour son poulain. Espoir de courte durée quiprit fin lorsque Burrito vint percuter le postérieur d'un autrecheval, trébucha, se rétama comme une merde, et manqua d'écraserson crétin de jockey dans sa chute. Imbéciles pesta Armando. Pariersur les outsiders. Ouais. Le vieil homme était de moins convaincupar cette stratégie. En tout cas, Burrito pouvait aller se fairefoutre, on ne l'y reprendrait plus à parier ne serait-ce qu'uncentime sur ce clown.

Il laissa passer les deux coursessuivantes sans jouer, trop occupé qu'il était à ruminer surl'échec cuisant que cet âne de Burrito et cet incapable de jockeyvenaient de lui infliger, maudissant Burrito qui, en dehors la piste,recevait les premiers soins pour une de ses pattes apparemment bienamochée.


La 7ème course par contre, il l'avaitbien sentie. Une bonne intuition. Il doubla sa mise. Generaldel...était une évidence. Encore jeune, les turfistes locauxavaient quelques réticences à le jouer. La côte était parconséquent intéressante. L'occasion était belle. C'était un futurcrack à n'en pas douter. Une pépite à l'état brut. De la dynamitece cheval. Le jockey qui le allait le monter était expérimenté,fin tacticien, pas comme le guignol de Burrito. En plus, le favori ,blessé, ne prendrait pas le départ. Tous les ingrédientssemblaient réunis pour qu'Armando le mette gagnant sans hésitation.Tout avait bien débuté, un bon départ, un course à l'abri au seindu peloton, sans efforts superflus bref un déroulement idéal. A500mètres de l'arrivée, General del... profita d'un trou de sourislaissé par Inaya pour venir se placer dans les premières places àla corde. Il avait l'air facile. Souple et puissant à la fois.Relâché, on sentait qu'il en avait encore sous le sabot. Le jockeyfaisait du beau boulot. Bravo jeune homme s'enthousiasma alorsArmando. Madrigal avait pris quelques longueurs d'avance sur legroupe mais rien de rédhibitoire. D'ailleurs, il commençait àpeiner. Parti trop tôt se réjouit-il. General ...dont l'élégancede la foulée n'avait rien à envier à personne. Subrepticement,Armando se remémora la 4ème course, et cette gamelle mémorable deBurrito. Non, effectivement, General n'avait rien à envier àpersonne, et surtout pas à Burrito. C'était maintenant que lesmeilleurs allaient sortir du lot. Que General allait faire ladifférence. A 300 mètres de la ligne. General allait leur montrertoute sa classe. Le jockey s'excita. La cravache fouettant de plus en plus fort et deplus en plus rapidement le flanc de General. Celui-ci prit la têtedu groupe de chasse. Madrigal allait se faire reprendre, c'étaitcertain. Le fait que Rocoto s'était calé dans le sillage de Generaln'inquiétait pas Armando. Toujours pareil avec Rocoto, un boncheval, toujours placé, mais jamais gagnant. Il arrivait à suivreles meilleurs, mais jamais à les dépasser. Et le meilleur danscette course ce serait General. Aux 200 mètres, General rattrapa leleader, sous les cris de la foule, les encouragements d'Armando et augrand désespoir du parieur sur sa droite qui avait joué Madrigalvainqueur. Le même qui s'était fendu de rire dans la 4ème, lorsqueBurrito s'était ramassé, il allait voir ce con.

Armando, el viejo martilloWhere stories live. Discover now