Dans la gueule du loup

Chapitre 2

Je retroussais à nouveau mes babines et dévoilais des crocs aiguisés comme des couteaux. Un horrible grognement sorti du fond de mes entrailles, faisant pratiquement trembler le sol sous mes pattes, retentit. Je me redressai de toute ma hauteur et laissa mon pelage se gonfler. Je dominais le garçon d'une bonne quinzaine de centimètres. Malgré l'impressionnante louve que j'étais il n'a pas tressaillit un seul instant. Il continua même d'avancer vers moi. Son visage ne trahissait aucune émotion. Il se remit à parler doucement.

- Calme toi, je ne suis pas là pour te tuer, je suis moi même un loup... chuchota-t-il, sachant pertinemment que je l'entendais.
- Je sais, qu'est ce que tu veux alors ? Mon territoire ?! Criais-je, ma voix lupine résonnant dans ma tête.
S'il était vraiment un Alpha il pourrait lui aussi entendre cette voix.
- Non, je veux juste te parler. De vive voix.
- Tourne toi. Lui ordonnai-je sèchement.

Et il explosa de rire. Un rire franc mais avec une pointe de malice.
En une fraction de seconde je redevins humaine. Je me suis rapidement habillée en surveillant du coin de l'oeil le jeune Alpha.

- C'est bon tu peux te retourner, lui lancai-je de façon peut agréable.
Son visage auparavant fermé s'illumina d'un seul coup et ses yeux s'écarquillèrent sous l'étonnement.
- Y'a un problème ?
- Euh non, répondit il l'air gêné en se passant une main dans les cheveux. C'est seulement que tu n'es pas du tout comme je l'imaginais en te voyant en louve...
- Ah mais on s'est déjà vu tout à l'heure aux casiers non ?
- En fait pas vraiment tout est allé très vite.
- Et tu m'imaginais comment ? Lui demandais-je curieuse.
- Plus grande et plus euh... fine ?
- Super merci !

J'étais un peu déçue. J'ai quelques formes certes mais je suis musclée, je fais beaucoup de sport pour pouvoir me battre. Au moins j'ai réussi à garder mon calme, c'est déjà ça.

- Bon tu voulais me dire quoi qu'on en finisse ? Repris-je les yeux dans le vide.
- Je voulais savoir pourquoi t'as agressé mon pote ce matin dans le bus et aux casiers ?
- QUOI ?! Mais c'est lui qui m'a agressé aux casiers ! Et il avait pris ma place dans le bus !
Et me revoilà dans une crise d'impulsivité. J'en fais régulièrement au lycée, je n'arrive pas à contrôler ce mélange de haine et de passion.

-- Une passion si ardente qu'elle nous brûle et nous consume sans qu'on ait le temps de s'en rendre compte. Elle nous transforme et peu à peu la haine va prendre les devants pour dominer notre conscience, nos moindres faits et gestes. Le vert pomme de la confiance va rapidement céder sa place à un rouge profond, un rouge qui rappelle la couleur du sang et le goût des larmes, ces substances que l'on va tant faire couler... --

Et sous le coup de la colère je me transforme à nouveau. Explosant au passage ma dernière tenue de rechange. Mais cette fois mes yeux ne sont pas d'un bleu Ocean pur et profond. Non. Ils ont prit une teinte plus chaude, qui rappelle pourtant la froideur du marbre. La froideur de la mort. Et l'excitation du danger : Le rouge.

Le garçon, dont je ne connais toujours pas le nom, n'a pas bronché d'un seul centimètre face à ma transformation soudaine. Il a seulement changé de forme lui aussi. Et c'est avec surprise que je découvre son pelage blanc, immaculé. Il se fond dans le paysage. C'est magnifique. Je me calme instantanément tant je suis perturbée par sa couleur.

- Au fait je ne me suis pas présenté, je m'appelle Matthias.
- Řeka...

Un malaise majestueux retentit au milieu du silence bruyant de la forêt.
Je me remémorais les paroles de Matthias. Et aussitôt le sang pulsa dans mes veines et le rouge dans mes yeux redoubla d'intensité. J'allais lui balancer des insultes dans sa belle gueule mais il me devança.