Une lettre d'introduction.

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Ce matin, en m'éveillant de bonne heure, j'avais surpris une lettre décorée, installée sur le bureau de ma chambre. C'était la première fois que j'en recevais une. J'avais énormément envie de l'ouvrir, mais la sonnerie m'avait fait entendre sa mélodie au moment où j'avais pincé le bout de l'enveloppe.
À présent, je n'arrête pas d'y songer, assis maladroitement sur la chaise inconfortable de la salle de classe.
Je ne peux pas m'abstenir de fixer les aiguilles. Pour une fois, je ne prête même pas l'oreille au cours. Quand cette même sonnerie s'annonce trois fois, je suis le premier à émerger de la classe. Hâtivement, je fonce en direction de ma chambre étudiante et je bondis sur la lettre toujours aussi magnifiquement décorée. Et c'est là que débute une ribambelle de questions intérieures.
Devrais-je l'ouvrir maintenant ? Peut-être est-ce une farce, après tout ?
Si s'en était vraiment une ?
Je serais tellement déçu que je n'ouvrirai plus jamais de lettres, peut-être même que je ne toucherais plus jamais de papiers... Mes doigts tremblent à l'idée de découvrir, de savoir. Mes yeux restent figés sur le blanc de l'enveloppe. Ma respiration se bloque, mon souffle ne passant plus à travers mes lèvres. Ma peau me picote. Malgré ces sensations dérangeantes, mes mains guidées par l'impatience déchirent l'enveloppe d'un seul coup.

Cher Thomas,
Je suis désolée de ne pas pouvoir te raconter cela en face. Si tu lis cette lettre, c'est que tu as atteint tes 16 ans.
C'était le seizième anniversaire que j'écoulais seul... merci.
Wow, tu es déjà si grand...
Je me suis toujours trouvé petit pour mon âge...
Qui est cette personne ?
Qu'est-ce que tu dois être beau !
Je ne sais pas trop. J'ai les cheveux bruns, assez courts, avec des lunettes carrées noires. Mes yeux sont de la même couleur que ma tignasse et tout le monde dit que je suis fin comme une brindille.
Tu dois te demander pourquoi tu n'as plus de famille, et pourquoi je ne suis plus là pour te dire ces choses. C'est certain.
Il y a un grand espace, comme si l'auteur reprenait son souffle.
C'est ce que je m'apprête à te dire. Tu as le droit de savoir comment tout ceci est arrivé. En détail. Tu sais, ce n'est pas simple de te parler comme ça, devant un bout de papier... Surtout que tu me rends pas la tâche facile ! Tu signifies ta présence en me donnant des coups de pied dans le ventre, maintenant.
Est-ce que c'est ma... mère ?
J'ai même l'étrange impression que tu essayes de communiquer parfois.
C'est impossible...
Enfin, cette histoire dure bien trop longtemps, voilà pourquoi je l'ai scindé en plusieurs parties.
Ce ne peut pas être ma mère... Je veux dire, pourquoi ? Comment...
Installes-toi et... lis.
Ma mère est morte. Morte, et je ne l'ai jamais connu, comme le reste de ma famille.
Je vais te raconter l'histoire de notre famille, de ta famille.
Ce ne peut pas être elle...
Membre par membre.
Commençons par le début après tout, ton arrière arrière-grand-père, Édouard Cleton.

L'encre ne continue pas. L'enveloppe m'offre plusieurs papiers, chacun nommé, gardant un récit à chaque fois. Je ne sais pas combien de lettres s'y trouvent, et, à vrai dire, je ne veux pas le savoir. Je crois que je ne veux plus rien savoir en fin de compte.
Cette situation me fait ressentir quelque chose d'inexplicable. Mon ventre est bizarre et, des tas de questions se bousculent dans mon esprit.
Était-ce vraiment ma mère ?
Si oui, pourquoi vouloir me raconter l'histoire de ma famille ?
Qu'a-t-elle de spécial ?
Et pourquoi ne l'a-t-elle pas fait en face ? Pourquoi, pourquoi et pourquoi ? Devrais-je vraiment toutes les lire?
Savoir la vérité ?
Est-ce que je le veux vraiment ? 
Savoir pourquoi je passe tous mes anniversaires seul ?

Ces sentiments et hypothèses qui se créer dans ma tête me coupent l'appétit, ce midi à la cantine.
Je touille dans mon assiette sans même être concentré.

« -Allez, mange Thomas, me lance Emile, Tu vas avoir faim après.

-Je n'ai pas faim, Emile.
Rétorqué-je après lui.

-Tu as toujours faim ! Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Je me contente d'hausser les épaules, de m'excuser et d'apporter mon plateau dans le chariot. D'un pas rapide, je retourne dans ma chambre en loupant tous les cours. Je peux utiliser l'excuse des parents morts de toute façon. Mon regard se concentre sur la lettre. Je me demande si je devrais la relire, encore.
C'est ce qu'elle voudrait, et moi?
J'ai toujours voulu connaître la vérité mais quand elle est enfin devant moi, je suis effrayé. Effrayé à l'idée de savoir le "pourquoi". De savoir si je l'ai mérité cette solitude. 
Mais en fin de compte, au fond... j'ai toujours voulu cocher la case du "pourquoi". Et répondre « parce que ».

Alors je me redresse, je récupère la seconde lettre et je... lis.

Mon arrière-arrière-grand-père : Édouard Cleton.

Cher Thomas... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant