Chapitre 1

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Ils sont différents de nous. Leur organisme est - je crois - fait de la même façon à quelques détails près, mais il y a un changement flagrant ; leur absence de sentiments. Les habitants de la planète Hrôza sont des êtres certes joueurs et qui peuvent paraître pacifistes, cependant leur civilisasion a vécu bien pire que nous.
La jalousie. La guerre. La destruction.
Chacun a contribué à cette "fin du monde", comme on la nommerait ici. Et aujourd'hui, évidement, ils regrettent.

Le problème, c'est que le regret n'arrange pas tout. Et dans leur cas, la naïveté qui les a conduit à cette perte de leurs ressources leur a coûté cher. Les Hrôvans ne ressentent plus rien, et même si cela peut paraître impossible... eh bien c'est le cas. Ils ont tout essayé : la torture pour ressentir la peur et la souffrance, la tristesse fut invoquée grâce à des tueries d'enfants face à leurs parents, les choses les plus infectes du monde ont été créées pour ressentir le dégoût, ils se sont même mis à la recherche des plus belles femmes de leur peuple afin de ressentir une once de désir, ou d'amour ; mais rien. Le plus désastreux, dans cette histoire, c'est que ce peuple n'a rien retenu de ce cette horreur ; au lieu de s'entraider, ils se sont voués une haine intranchable, le but étant de trouver un coupable.
Et au milieu de cette guerre incontrôlable, de ce monde proche du néant, un seul être a compris que personne n'était coupable. Ou plutôt, que tout le monde l'était. Il sait que son peuple va mourir, que le destin de sa planète est de s'effondrer, tôt ou tard. Mais il sait aussi que les autres civilisations finiront de la même façon ; et ça, il en ai hors de question.

Ж

Sur Terre, il y a de nombreuses causes qui peuvent amener à combattre "le mal". Le terrorisme, le racisme, la cause féministe, la défense animale, la pollution... le problème, c'est qu'il faut choisir celle pour laquelle on veut donner de son temps. Et parfois, le choix s'avère difficile... alors Mary les a toutes choisies. Parfois dans des centres, certains jours dans des écoles, elle concentre sa vie à essayer de sauver le monde, sans se rendre compte qu'elle court à sa propre perte.

Ce jeudi, ce sont les classes de primaire qu'elle gère : elle cherche à les sensibiliser à la sur consommation. A cet âge là, ils ne se rendent pas bien compte de ce qui les entoure, en tout les cas ils préfèrent encore rêver à des choses qui les intéressent, eux, alors ce que leur dit cette jeune fille aux airs de scientifique déjantée... ça leur passe un peu au dessus.
Au fond de la classe, il y a un homme. Il est grand, brun, sa peau tourne à l'orangé, ses yeux au violacé, et ses vêtements sont assez... différents. Depuis le début, il la fixe. Et elle, ça la dérange. Elle a l'impression qu'il fouille dans son esprit, qu'il transpercent ses organes pour trouver ses hontes et ses secrets. Elle ressent des picotements dans les mains quand elle essaye de soutenir son regard durant quelques rares secondes, et ça la contrarie. Habituellement, elle s'en fou un peu, des autres. Mais quand il est arrivé ce matin dans cette école sans y être invité, avec son air un peu affolé, et que le directeur l'a laissé entrer, elle n'a pas pu s'empêcher de le regarder. Ou devrais-je dire, de carrément l'inspecter du plus profond de ses yeux. Et là, maintenant, la cause pour laquelle elle était présente n'était plus si importante que ça...
Il lui faisait peur, et elle le détestait pour ça.

À la fin de l'heure, elle hésita à l'éviter. Peut-être qu'en fait, il n'était pas si cinglé. Elle marche, s'arrête à quatre pas de lui, le regarde... elle a l'impression qu'il dort. Il paraît effondré, comme s'il avait tout perdu. Il avance ; plus que trois pas. Elle essaye de lui sourire, de lui ressortir un de ses discours qu'elle énonce d'habitude si bien, mais les mots sont bloqués. Il avance encore ; deux pas les séparent. Elle hésite toujours, perdue entre son orgueil de femme forte et indépendante et son désir de le connaître, de savoir d'où vient-il. Il avance encore un peu, un pas l'écarte de lui... et Mary le griffe. Littéralement. Elle lève le bras, plante ses ongles blancs dans la chair de son cou d'une couleur si spéciale et lui arrache la peau, emplie d'une colère noire. Parm ne lui en veut pas ; il sait ce qui la ronge. Avant, il pouvait la ressentir, lui aussi, la douleur... alors il la laisse agir, et il sait au fond de lui que c'est la bonne. Il sait qu'avec elle, il pourra trouver ce qu'il cherche, même si pour l'instant tout est flou dans son esprit. Il sait que bientôt, sa tâche pourra commencer à être accomplie...

Quand elle se rend compte de son geste, elle se retire brusquement, honteuse. Ce n'est pas sa violence le problème, c'est ce qu'elle ressent en le voyant. Elle déteste le fait de ne pas comprendre, de ne pas savoir ce qu'il est. Mais elle s'en veut ; naturellement.
"Je... hum... je sais pas ce qu'il m'a prit, excusez-moi...
-Faut qu'on parle. T'as quelques heures à m'accorder ?"
Elle est surprise de sa question, surprise qu'il ne l'a sermonne pas comme n'importe qui l'aurait fait.
Est-il n'importe qui ?
Elle le regarde encore une fois, se balançant maladroitement sur ses jambes, puis descend son regard vers sa blessure. Son cou commence à rougir à vu d'œil, ce qui la conforte dans l'idée que cet "homme" est étrangement calme.
Elle va lui dire oui, elle le sait. Même si elle n'en n'a pas envie, son regard la pousse à le faire. Elle se sent ridicule à penser tout ça, les mots se mélangent dans son esprit et forment un arc-en-ciel d'émotions qui la laissent perplexe sur le choix  à prendre. Puis...                                                        "Ce sera un oui."                                         Il esquisse un faible sourire, se retourne vers la sortie de l'école, et attend Mary devant ce grand portail aux ornements dorés qui lui rappelle les arbres de sa planète qu'il a dû quitter.

ParmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant