Arrivée à l'académie

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Ce jour-là, il ne neigeait pas, mais le brouillard givrant avait envahi tout le village. J'étais sortie du médaillon de Céleste. Je me sentais suffisamment ressourcée pour passer une journée avec la gardienne. Une journée tranquille, enfin pas si tranquille que ça finalement. Nous étions sorties de la maison et nous nous étions engouffrées dans la rue brumeuse. Le goudron était recouvert d'une plaque de glace et les arbres étaient parsemés de givre. L'épais brouillard régnait en maître dans ce paysage silencieux. Aucune âme qui vive, ni promeneur qui errait devant les maisons, ni oiseau qui annonçait l'arrivée du jour, juste le bruit des pas de Céleste qui glissaient sur le sol gelé. Nous étions sereines, je sais dorénavant que ce calme apaisait Céleste. Nous nous avancions vers l'arrêt de bus dans un état de plénitude absolu.

— Est-ce la princesse aux rubans qui se dessine à travers cette brume  ?

Une nouvelle fois, la sérénité fut de courte durée. Ce jeune homme brun aux yeux noisette qui semble guetter toutes les sorties de Céleste, c'est Lucas, son voisin. Il est toujours là quand il faut pour casser ses moments de quiétude. Par contre, même si je sais très bien qu'elle ne voit que son cher Oliver, je soupçonne Céleste d'éprouver un semblant d'affection pour son voisin. Lui qui ne peut ni nous voir, ni nous entendre car il n'est pas sensible aux ondes magiques.

— Que fais-tu ici  ? Tu as perdu la trace de ta troupe de joyeux lutins  ? lui demanda hargneusement Céleste.

— Très drôle princesse, s'amusa Lucas, et toi, tu es à la recherche de ton royal château  ?

Elle fixa les horaires du bus, comme s'ils avaient changé pendant la nuit. Je savais très bien ce qu'elle était en train de faire, elle essayait juste de mettre en application le mode «  Ignorer mon voisin  ». Visiblement, ce plan ne fonctionnait absolument pas.

— Que va faire la princesse aujourd'hui  ? Prier une servante de faire ses courses  ? Demander à un chevalier de protéger ses quartiers  ? Appeler une duchesse d'une ville voisine pour profiter d'une journée entre amies  ? Sommer son père d'organiser un bal princier  ? Ou encore mieux, passer du bon temps avec son prince  ? finit Lucas dans un clin d'oeil coquin.

— T'es pas sérieux  ! Tu n'as pas mieux à faire sale lutin  ?

— Je te l'ai déjà dit, rien de mieux que d'être ici, sourit-il.

Céleste soupira. Et c'était reparti  ! Ces deux là étaient comme chien et chat. J'étais consciente que cette relation épuisait Céleste, mais de là où j'étais, je trouvais ça très amusant. Céleste ferma les yeux, elle semblait incanter une prière pour que le bus arrive. Oui, elle en était là  ! Elle était prête à voir passer n'importe quoi, un passant, une souris, un zèbre, qu'importe tant qu'on l'extirpait de là. Elle me lança alors un rapide regard. Je savais très bien ce qu'elle pensait, elle implorait l'aide des séraphins, même si c'était mal venu. D'ailleurs, elle savait très bien que j'avais le pouvoir d'endormir son agaçant voisin pour la journée ou de le figer dans le temps jusqu'à l'arrivée du bus. Les idées fusaient alors dans sa tête et elle ne prenait même plus la peine d'écouter Lucas, qui bien évidemment, le remarqua et s'empressa de la harceler de questions.

— Hé oh princesse, tu m'écoutes  ? Tu penses à quoi  ? À t'acheter de nouveaux rubans pour tes cheveux  ? Ou à ton beau prince charmant  ? Ou peut-être... Penses-tu à moi  ? Du genre...

— Mais arrêtes ça  ! s'emporta Céleste. T'es pas croyable  ! Je pense juste au moyen de me débarrasser de toi.

Lucas éclata de rire, de ce rire doux et sincère dont il avait l'habitude. Ce garçon était tellement imprévisible et semblait désarçonner mon amie.

— Tu sais princesse, si jamais...

— Le bus arrive  ! remarqua Céleste gaiement en repérant les phares du véhicule se frayer un chemin à travers le dense brouillard.

Mais qu'est-ce que  ? Des runes étranges apparurent soudainement au sol, juste sous leurs pieds et une lumière commença à nous aveugler... Mais ces phénomènes anormaux ne semblaient absolument pas perturber Lucas qui entamait un discours.

— C'est fou, c'est toujours pareil avec toi, tu refuses de...

Soudain, tout sembla s'obscurcir, les phares s'éclipsaient, la rue disparaissait, les maisons s'évanouissaient, même le brouillard laissa sa place au vide. Mes sens m'échappaient. Brusquement, la lumière revint. J'entendis des cris, je sentis des présences. Je n'étais plus devant l'arrêt de bus, j'étais... dans une salle de classe  ?

— T'amuser, conclut Lucas qui ne semblait absolument pas perturbé par ce qu'il venait de nous arriver, tu restes toujours...

— Lucas  ? l'interpella Céleste.

— Très sérieuse, poursuivit Lucas sans prêter attention ni à Céleste, ni aux gens qui nous observaient, c'est à cause de ton statut de princesse  ?

— Lucas  ? répéta Céleste tremblante.

— Quoi  ? s'énerva-t-il.

— Regarde...

Lucas commença à inspecter les lieux et afficha un regard stupéfait. Nous étions dans une salle de classe où huit enfants nous inspectaient de la tête aux pieds. Oui, nous, car ils pouvaient me voir aussi  ! Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais pas faite dévisager par des humains. Ils n'avaient absolument pas l'air choqué par notre présence, juste un peu surpris.

— Voilà donc la fameuse gardienne, s'éleva une voix masculine depuis la porte.

Note de l'auteur: Voilà Céleste est enfin arrivée dans le monde de Scyllia :) Elle est n'a pas été transportée toute seule et a la (bonne) surprise d'être accompagnée de Lili et de Lucas. Qui les a mené jusqu'ici? Où se trouvent exactement nos amis? Qui sont ces enfants? Et à qui appartient cette voix masculine? Vous aurez toutes les réponses dans le prochain chapitre :)

Céleste et ScylliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant