II. Le goût

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Tu parviens enfin à t'asseoir à une table vide, au fond de la grande et bruyante salle à manger de l'établissement. Tu retires ta veste et commences ton déjeuner. Tu n'attends personne.

Le repas aujourd'hui est des plus basiques, et pourtant tu savoures chaque bouchée de ton plat de pâtes. Tu fermes les yeux et visualises le paquet de coquillettes, l'emballage de plastique rouge, en y ajoutant des inscriptions humoristiques, des dessins mouvants. Tu souris, sans te préoccuper de tous ces gens qui doivent te prendre pour une folle. Qu'ils aillent se faire voir ! Ce petit jeu est un rituel depuis des mois. C'est la seule chose qui égaie tes repas, ces moments que tu passes seule chaque jour. Non pas que la solitude te pèse, mais disons qu'elle est parfois désagréable...

Tu es habituée à être seule. C'est comme ça depuis trop longtemps maintenant pour que ça change à un moment donné. Et puis, tu préfères encore être à l'écart que de tenir compagnie à des idiots sans cervelle - c'est-à-dire la majorité de la population du lycée - que tu ne comprends jamais. Il vaut mieux être seul que mal accompagné, comme dit le proverbe.

Mais, parfois, il t'arrives d'imaginer que quelqu'un est là pour rire avec toi, pour te changer les idées. Tu te prends à espérer que ça arrive, avant de te ressaisir. C'est un rêve sans espoir. Inutile de te faire du mal avec ça.

Sitôt ton repas terminé, tu remontes attendre le début du cours de philo en classe. Tu gravis quarante-six marches avant d'atteindre le second étage. Cinquième porte à gauche. Tu t'y engouffres. Tu t'installes à ta place. Tu sors l'enregistreur que tu connectes à ton téléphone. Et tu attends. Sept-cent-quatre-vingt-deux secondes.

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