Beyond the flames

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Dans l'âtre, le feu crépite. Les flammes rouges et or dansent, au rythme absurde des craquements du bois.

Invité à ce bal improvisé, un vieux journal se consume. L'encre devenue illisible confond désormais titres et articles, tandis que la rubrique mode disparaît dans les flammes, à la suite des faits divers. Personne sûrement pour se rappeler ce pauvre chat abandonné, ou encore ce vol dont on retrouvera le coupable seulement quelques heures plus tard...

(On s'est bien amusé mais...)

Face au spectacle, le cuir usé par le temps, un vieux fauteuil se dresse. Le feu a depuis longtemps eu raison de sa couleur, et le rouge bordeaux qu'il arborait autrefois avec fierté n'est plus aujourd'hui qu'un pâle souvenir, fantôme de jours meilleurs.

Au dehors, le ciel se déchaîne. La pluie échoue sur la vitre, finissant sa course en longues traînées transparentes. Quelques gouttes tentent de résister, mais elles aussi dégringolent, s'amenuisent, disparaissent.

(La fête est finie !)

Au milieu de la pièce, rien n'a changé. Même commode vermoulue. Même nappe jaunie par le temps, son vase de fleurs fanées sur les épaules, vestige d'un temps révolu où les enfants couraient à travers le salon, renversant tableaux et bibelots sans s'arrêter une seconde, une fausse arme à la main.

(Reviens ici, mécréant !

-Vous n'm'aurais jamais !

Souvenez-vous de ce jour comme de celui où vous avais failli capturer le capitaine Jack... Sparrow !)

A présent, le feu se meurt. La tête enfoncée dans de vieux coussins fatigués, le vieil homme contemple les flammes, le regard vide. Sa main ornée de bagues repose sur l'accoudoir, inerte.

En face de lui, le feu agonise, silencieux. Près de l'âtre, le tas de bois semble attendre. Dans quelques instants, le feu ronronnera de nouveau.

Mais le vieil homme ne bouge pas. Dans sa veille tenue d'aristocrate, rien ne semble pouvoir le tirer du sommeil. Sa veste strictement fermée par d'épais boutons de métal lui serre la bedaine, mais il ne bouge toujours pas...

Une odeur âcre se répand dans la pièce. Mais lui ne frémit pas. Ses narines, comme anesthésiées, ne sentent plus rien.

Sur le parquet, la flammèche grandit. La fumée lui brûle les yeux, qu'il ne ferme pas. Ses pupilles sont fixement dirigées vers les flammes grandissantes, mais ne semblent pas les voir. Un filet de bave s'échappe de sa bouche, qu'il a grande ouverte, mais rien ne bouge. A ses pieds, le feu crépite.

Sa peau est blanche, flasque. Usés par le temps, ses traits se sont marqués, triste caricature de sa jeunesse. Une touffe de cheveux d'un noir de jais tombe en cascade sur la fraise de son habit. Derrière son voile immaculé, un collier d'hématomes encore frais orne son cou.

Au fond de la pièce, la commode disparaît, engloutie par les flammes.

Un léger filet de sang coule d'une de ses tempes. Par terre, le métal du pistolet se reflète sur le sol, seul éclat métallique, jurant avec le décor. Le parquet noircit, la charpente craque.

Dehors, un homme passe, ne s'arrête pas.

Ça doit faire 3 jours maintenant que le vieil homme est mort.

Beyond the flames - Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant