Me voilà enfin en haut des marches. Ma main pousse l'imposante porte en bois. Je gonfle ma poitrine, j'y suis.
Les murs à l'intérieur de l'immeuble vêtu de blanc se parent de quelques tableaux aux couleurs vives posés en cascade, faisant de ces artifices une pluie d'illuminations.
Mes yeux se baladent un peu partout sur cette entrée qui ne ressemble en rien à un hall de bureau, mais plutôt à mon salon... En plus chic. Avec des tapis orientaux et des canapés en cuir marron, en supplément.
Et puis en face de moi, un comptoir en bois, fermé des deux côtés, emprisonnant dans son bocal une standardiste, qui tout en parlant dans son mini micro fixé à un casque sur sa tête, bouge sa souris d'ordinateur et me fais signe d'avancer.
A distance raisonnable, juste assez pour qu'elle voie le bout de mes chaussures, j'attends sagement qu'elle s'occupe de moi. Elle finit par lever les yeux, me sourit et m'adresse la parole.
- Bonjour jeune fille, que puis-je pour vous ?
- Bonjour, j'ai rendez-vous avec Monsieur Sullivan.
- Vous êtes Madame ?
- Je m'appelle Méghan...
La dame t'a demandé ton nom, par ton prénom. Je sens mes joues qui s'enflamment.
- Méghan Sébastini
- Monsieur Sullivan n'est pas encore là, je vous prie de patienter, vous pouvez vous asseoir en attendant, je le préviens.
Un sourire forcé, un regard détaché, là voilà qui se replonge dans son écran, probablement en train de faire un message interne à Monsieur SULLIVAN qui ne va pas être à l'heure. Elle ne cherche pas à faire la conversation. Ça m'arrange, il vaut mieux que je garde ma salive pour tout à l'heure.
Je n'arrive pas à savoir si je suis déçue de ne pas enclencher cet entretien directement ou soulagée de disposer encore un peu de temps afin de me préparer mentalement, toujours est-il que je me dirige vers les sièges.
Le cuir frais sous mes cuisses me surprend, mais très vite, il se réchauffe de ma température corporelle. La table basse placée juste entre les canapés déborde de magazines bien rangés les uns au-dessus des autres. Une des piles attire plus particulièrement mon attention.
Cette couleur reconnaissable entre toutes, caractéristique de cette plante méditerranéenne...
Comme un fumeur en manque, j'attrape rapidement le livre, et me retiens d'inhaler la couverture.
Ce champ de lavande est magnifique, majestueux et bien aligné, les bosquets sont tous en fleurs, sous un ciel bleu sans nuages d'une clarté que j'avais presque oublié ici. J'ai le sentiment que les cigales pourraient entamer leur chant amoureux à travers ce papier glacé.
Page après page, je me délecte des couleurs que dévoilent les photos. J'ai hâte les prochaines vacances que j'ai prévues chez papa. Avec un programme digne de ce nom. Cure de vitamines D, farniente, fête, revoir les amis, refaire la fête... Me gaver de bonne humeur pour le retour !
La porte d'entrée s'ouvre derrière moi. Un courant d'air chaud s'infiltre dans l'allée, accompagné d'une autre odeur... Une espèce d'effluve marine qui me chatouille agréablement les narines.
Je n'ai pas encore redressé la tête, j'attends que la personne soit dos à moi pour enfin satisfaire ma curiosité et surtout me conforter dans mon idée.
- Bonjour, Monsieur Sullivan,
- Bonjour, Elysabeth, comment allez-vous ce matin ?
- Bien je vous remercie.
Je lève les yeux, et tombe sur une Elysabeth rouge pivoine, se dandinant sur sa chaise.
- Votre rendez-vous est arrivé, Monsieur.
Lui dit-elle tout en arrangeant sa coiffure, pour finir par me désigner de sa main.
Il pivote vers moi, m'obligeant à stopper ma contemplation de son côté pile, en remontant doucement mes pupilles, je me retrouve face à deux iris ébène scrutant mon visage.
Je me sens toute petite, cet homme dégage une prestance déroutante. Quel âge doit-il avoir ? Au moins la trentaine, sinon plus.
Je fais quoi là ? J'attends qu'il s'approche ou je dois faire le premier pas ? Le temps que mes neurones se reconnectent, mon corps parle pour moi, car je me lève et m'avance vers lui main tendue afin de me présenter.
Il ne bouge pas, m'observe sans retenue jusqu'à ce que je sois près de lui, me mettant davantage mal à l'aise, d'autant plus qu'il ne semble pas vouloir me rendre la pareille.
C'est lui qui rompt le silence en premier, soulageant momentanément mon malaise.
- Je vous demande encore un peu de patience, je m'installe et je suis à vous.
Si je n'avais pas pris un râteau avec ma main en l'air qui s'abat d'un seul coup, comme un poids mort sur ma jambe, j'aurais pu l'admirer plus longuement, et certainement faire en sorte de prononcer au moins un mot, comme "bonjour".
- Elysabeth, vous accompagnerez cette jeune fille jusqu'à mon bureau s'il vous plaît, dans cinq petites minutes.
Lui confirme-t-il sans la regarder, ses yeux ne me lâchent pas.
- Bien monsieur.
Il s'adresse de nouveau à moi.
- Ça ira, Mademoiselle, vous tiendrez tout ce temps ?
Et c'est encore la douche froide. A-t-il remarqué mon malaise ? Je suis tétanisée, trop inquiète de ce qui est en train de se jouer, ma bouche reste toujours scellée, de peur d'en dire trop ou pas assez.
Je boue intérieurement. Tous les mecs beaux sont aussi imbus de leur personne ? J'hallucine. Se moquerai-t-il de moi ? Je suis déjà en transe, et là il faut qu'il en rajoute une bonne couche.
Il se dirige vers le couloir et disparaît de mon champ de vision. J'ai beaucoup de mal à réaliser ce qui vient de se passer.
J'ai deux solutions. La première, soit je m'enfuis, consciente que ce serait une terrible erreur, soit...
Je choisis la deuxième , en récupérant mon mobile dans la poche de mon sac, mes doigts prennent d'assaut les touches et commencent à pianoter frénétiquement.
Moi : Ma Lily, je suis dans la merde !
La réponse ne se fait pas attendre.
Lily : Pourquoi ?
Moi : Mon interlocuteur et sûrement mon supérieur direct est un connard.
Lily : Tu es sorti de rendez-vous ?
Moi : Non pas encore rentrée.
Lily : Mais qu'est-ce que tu racontes alors ?
Moi : Je ne le sens pas.
Lily : Détends-toi bon sang, tu es trop stressée.
Moi : T'es marrante toi, si tu savais.
Lily : C'est toi qui n'es pas marrante là ! Et comment veux-tu que je le sache !
Moi : J'ai visé trop haut, Lily, je n'ai aucune expérience, je vais me faire bouffer toute crue.
Lily : Hum, ça dépend qui te dévore, ça peut être sympa.
Moi : Justement, il est beau, mais antipathique aux premiers abords.
Lily : Ne te fie pas aux apparences ma puce. Profite du paysage, si tu vois ce que je veux dire... De toute façon, tu y es. Va donc jusqu'au bout.
Elle a raison, je suis là pour une seule chose et je ne vais pas me laisser déstabiliser. Ce travail, il me le faut, c'est mon salut.
Moi : Merci ma Lily, à tout à l'heure.
Lily : Bisous ma chérie.
Je suis ici pour une bonne raison, non ? Trouver du boulot. Et donc, sortir de la merde dans laquelle je suis. Je squatte chez mon amie depuis 2 mois maintenant, il est temps pour moi de me bouger et de prendre ma vie en main.
A nous deux, Monsieur Sullivan !
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TOUT PRES D ICI
RomanceSans doute une histoire banale. Mais peut-être pas. Ils ne sont pas du même monde, mais pas si éloigné que ça. Elle a besoin de ce job pour se reconstruire. Mais c'était sans compter son supérieur, qu'elle ne supporte pas. Tous les opposes. Ne d...