Une simple nouvelle fantastique.

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Je hais les clowns. Et je ne pense pas être la seule, loin de là. Toutes les affaires sur eux, les films,ainsi que leur physique, ne jouent pas en leur faveur aussi. Cela ne m'a jamais empêché de vivre normalement, d'aller au cirque ou d'en rencontrer. Enfin, cela aurait été vrai s'il n'y avait pas eu ce clown. Cet. Odieux. Clown. J'ai fait sa rencontre lors d'un vide-grenier, où mes parents m'avaient emmené en disant :

« Ce sera vraiment sympa tu vas voir. »

« Sympa » n'est pas le premier mot que j'emploierais pour définir cette journée. Enfin,cette fin de journée....


Ce jour-là, le vide-grenier avait simplement été banal, sans réelle perle, ni déception. Mais, sur le chemin du retour, alors que l'on passait devant les derniers stands, nous le vîmes. Je ne saurais pas vraiment qualifier ce que j'ai ressenti en le voyant. Je fus d'abord désintéressée, mais mes parents se dirigèrent directement vers le stand. Ils le considéraient probablement comme la perle qu'ils recherchaient durant cette journée, et je fus donc bien obligée de m'y intéresser.


Le clown semblait taillé dans le bois, avec sa bouche qui pouvait s'ouvrir grâce à un bouton dans son dos, et qui se refermait aussitôt qu'on le relâchait. Il était réaliste, très réaliste, voire même trop. Le seul détail qui m'interloqua réellement fut ses yeux. Ses yeux, inhumains, qui vous sondent dès que votre regard croise le leur. Ces yeux qui faisaient tâche sur ce corps de bois. Lorsque j'ai croisé leur regard, j'ai cru voir un sourire, un sourire diabolique sur sa bouche incapable de bouger.


Malgré cela, mes parents semblaient n'avoir rien vu, puisqu'ils discutaient en rigolant avec le vendeur qui tenait le stand, et qui avait décidé de leur offrir pour cette fin de journée, car il avait fait, selon lui, un très bon chiffre d'affaire. Nous repartîmes donc tous les quatre en voiture, le clown posé à côté de moi, semblant me fixer. Je me convainc que c'était faux, et je détournai le regard jusqu'à la maison.


Avec les jours, les semaines, les mois, j'avais fini par m'habituer au clown, et il commençait déjà à tomber dans l'oubli, avant d'être mis dans un carton, déposé à la cave. J'avais réussi, grâce au temps, à me convaincre de sa normalité. Mais alors que je descendis un jour au sous-sol pour prendre je-ne-sais-plus quel objet, j'entendis une sorte de claquement répété, un bruit gênant et répétitif. Je me mis alors en quête de la provenance de ce bruit.


Je ne me souviens plus clairement de ce qui s'est passé à ce moment-là. Il me semble que j'ai vu le clown en hauteur, puis me sauter dessus. Puis le noir total. Tout ce dont je suis sûre, c'est qu'à mon réveil, il était retourné à sa place, dans le salon, et mes parents n'y prêtèrent aucune attention. Et j'aurais été traumatisée à vie, si je n'avais pas eu le doute, cette incertitude, que ce n'était peut-être qu'un cauchemar.


Depuis ce « cauchemar »,j'évitais à tout prix le clown, et par extension, le salon. Mais chaque nuit, peu importe le temps ou les événements, j'entendais des claquements en provenance du salon, ne sachant que trop bien d'où il provient. J'eus l'impression qu'il se faisait plus proche chaque nuit, car le son était plus fort, plus distinct. Mais chaque nuit, je faisais semblant de ne pas l'entendre et de dormir.


Alors que l'hiver, qui avait commencé deux mois plus tôt, s'intensifiait, et que le bois dans la cheminée émettait son craquement caractéristique, un autre bruit perturbait le silence de la nuit. Ces claquements, ces claquements de bois répétés, qui s'étaient encore rapprochés, maintenant très proches. J'essayais de toutes mes forces de me convaincre que c'était faux, que je n'entendais rien, que le clown n'était pas là, au pied de me lit, à me fixer de son air inhumain, mais je devais me rendre à l'évidence, il était là, près de moi, j'en étais sûre. Alors que j'enfonçais ma tête dans l'oreiller, je n'entendis plus aucun claquement. Plus rien, le silence complet, en dehors du bois de la cheminée, qui craquait en rythme avec les flammes. Je relevais petit à petit la tête de l'oreiller, légèrement apaisée.Mais en ouvrant les yeux, je ne vis que les deux yeux du clown qui se trouvaient juste devant moi, me fixant de leur regard diabolique.


Je sursautai, criant de toutes mes forces, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Le claquement reprit instantanément, beaucoup plus rapide, juste sur moi. Je me débattis,mais le clown en bois semblait avoir une force surhumaine,m'empêchant de bouger librement. Il porta une main à mon cou, et commença à m'étrangler avec une puissance phénoménale. Je respirai mal,mais la force du désespoir, cette force redoutée mais bien souvent oubliée, vint me porter secours. Je réussis à déplacer le clown,puis à l'envoyer valser dans la chambre, grâce à son poids, qui sembla redevenir celui d'un véritable pantin.


Je courus dans le salon, convaincue qu'il me poursuivait. Et prit le premier objet qui me passa sous la main. Le tisonnier de la cheminée, pour remuer la cendre. Parfait. Je me retournai, prête à affronter le clown, brandissant mon tisonnier à la façon d'une batte de base-ball. Mais je ne vis rien. N'entendis rien. A la lumière de la cheminée, je cherchais partout où il pouvait se cacher. Mais plus rien. Il était resté dans ma chambre. Je m'en approchai lentement, brandissant mon tisonnier, prudente. Lorsque j'arrivai sur le palier de ma chambre, je le vis,au sol, inerte, bouche grande ouverte, le bouton probablement enfoncé à cause de sa position.


Je m'approchai lentement, pas à pas, prête à détruire le pantin, pour en finir. J'aurais probablement dû aller voir mes parents, mais je savais qu'ils n'auraient rien fait. Ils n'avaient jamais rien remarqué. Ils auraient pu mourir étranglés par le clown qu 'ils n'y croiraient pas. Je devais me battre seule. Alors que j'étais toute proche de lui, prête à lui envoyer un coup de batte improvisée, il se retourna à une vitesse inouïe,et se mit à quatre pattes, avant de s'accrocher à ma jambe pour remonter le long de mon corps. Je me débattis, me cognant aux murs,traversant la maison, pour le combattre, alors qu'il me déchirait la peau, envoyant du sang partout où je passais. Je tombai au sol, alors qu'il prenait l'avantage. J'étais juste en face de la cheminée, en train de me débattre, et je pouvais sentir la chaleur des flammes qui faisaient danser nos ombres. J'eus alors enfin une idée. Je réunis le peu de force qu'il me restait, resserrai ma prise sur le tisonnier, et j'attendis que le clown soit au dessus de moi, avant d'envoyer le coup de toutes mes forces sur le clown, le projetant sur la cheminée, et brisant le verre de protection. Je vis son corps entrer dans les flammes, et il commença à danser avec elles. Il tenta de sortir, mais son corps était déjà enflammé. Il voulait m'emporter avec lui. Il rampait sur la moquette, l'enflammant avec lui, et je reculais en rampant, utilisant tout ce qu'il me restait de forces. Et je m'évanouis enfin.


Le juge est en face de moi, et me regarde, perplexe. Il n'avait jamais entendu pareille histoire. Tout ce qu'il sait, c'est que les pompiers, en arrivant dans la maison enflammes, avaient trouvé mes parents morts étranglés, et moi évanouie, blessée sur tout le corps. Son regard se porte sur la corde avec laquelle j'enroule et défais des nœuds, la seule chose qui m'évite de sombrer dans la folie. J'ai peur que chaque objet m'attaque désormais. Et le juge donne la sentence.


« Hôpital psychiatrique. »


Je suis alors amenée en hôpital psychiatrique, sur ordre du juge. Mais je le sais. Tout ceci est bien réel. Mais le clown n'a pas brûlé. Non. Je le sais. Toutes les nuits, il revient. Le cauchemar ne s'est jamais fini, et n'a jamais commencé, car c'est la réalité. Tous les soirs je l'entends. J'entends ce claquement répété, alors que les autres "malades"semblent ne rien entendre. Il vient pour moi. Il se rapproche chaque jour un peu plus. Comme avant. Comme toujours.

Une simple nouvelle fantastique.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant