Aidan

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Le silence m'étouffe. Il est partout, lourd et glacial comme une nuit d'hiver. Je peine à respirer, chacune de mes inspirations se bloque dans ma gorge et je dois forcer l'air hors de mes poumons. Mon petit corps d'enfant tremble, transi par le froid. Impossible de me réchauffer un tant soit peu, mes dents claquent ensemble et bientôt je crains de ne plus sentir l'extrémité de mes doigts, ni de mes orteils. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. L'obscurité se faufile sournoisement, le soleil disparaissant à l'horizon fait monter des larmes à mes yeux. Je suis seul. Seul, affamé et gelé.

Un bruit me fait sursauter. Appuyé contre un arbre, j'essaie de m'enfoncer encore plus dans son tronc qui me laboure déjà le dos. Et si c'était un animal sauvage? À présent, de grosses larmes mouillent mes joues et je sanglote bruyamment, incapable de rester silencieux. Il n'y rien dans ces bois en ce moment. Il n'y a que le vent et moi.

Un autre craquement. Pour me protéger, je ramène mes genoux contre mon torse et j'essaie de me faire le plus petit possible. Le visage de mon père, ma mère et ma sœur me viennent à l'esprit tandis que je lutte pour ne pas succomber au désespoir. Je suis seul. Ma famille m'a abandonné...

Un autre craquement sinistre. Une voix m'interpelle dans la noirceur:

- Aidan?

- Papa!

***

[ Musique en cours >> ... ]

J'ouvre subitement les yeux. Des frissons me parcourent l'échine, alors que je dois me dégager de mes couvertures, mon corps nu complètement recouvert de sueurs. Quelque chose cloche... Mon cœur se débat dans ma poitrine. Je me redresse d'un coup, réveillant au passage la masse endormie à mes côtés. Je reconnais les signes d'une énième attaque de panique : augmentation de mon rythme cardiaque, oppression thoracique et ce foutu sentiment que je ne contrôle plus rien, que je perds rapidement le fil de la réalité. Calme-toi. Plus facile à dire qu'à faire... Qu'est-ce qui se passe, merde? Soudain, je réalise que tout est trop calme. Je n'entends plus rien.

Le silence.

- Fuck, fuck, fuck! m'alarmé-je.

Je me retourne promptement vers ma radio – fermée. Ma vaillante amie n'émet plus aucune lumière, ni musique. Je presse le bouton ON avant de laisser aller un énorme soupir quand une mélodie familière s'échappe du speaker.

[ Musique en cours >> I Am - James Arthur ]

Un grognement mécontent me rappelle soudainement que je ne suis pas seul cette nuit. Hé merde, c'est vrai. J'ai ramené ce type du bar. Génial, Aidan!

- Peux-tu éteindre la musique? marmonne-t-il dans mon oreiller. J'essaie de dormir.

Enfin, je comprends. Mon angoisse se mue instantanément en colère. Cette espèce d'enfoiré a osé toucher à ma radio! J'ouvre la lampe de chevet et alors qu'il tente de se cacher le visage sous la couverture, je la lui arrache de ses mains: son visage devient cramoisi.

- Fuck! C'est quoi ton foutu problème?

- Mon problème? répété-je d'un ton irrité. Je t'avais spécifié avant qu'on s'endorme de ne pas toucher à rien. Surtout pas à ma musique!

- Tu dormais... Et ça m'empêchait de dormir, explique-t-il en haussant les épaules comme si c'était une raison des plus banales.

- Mais je m'en fous que tu peux pas dormir avec MA musique! C'est chez moi ici! Tu respectes mes règles ou fuck off!

- Calme-toi, mec! C'est juste de la musique...

Je vois rouge. Juste de la musique...

- Get the fuck off!

- Quoi? T'es sérieux là? me demande-t-il surpris.

Je me lève du lit, nullement embarrassé par ma nudité et je lui pointe la porte d'entrée. Les traits de celui-dont-j'ai-oublié-le-nom se durcissent, ses mâchoires se contractent sur le coup de la colère.

- J'aurais dû savoir que tu me ferais ce genre de coup! Freak!

- Et toi, tu baises comme une merde. Sans regret, mec, ajouté-je d'un ton sarcastique.

Il attrape ses vêtements au sol, les enfile sans me regarder et claque la porte d'un geste rageur. Bon débarras... Je passe une main dans mes cheveux en jetant un coup d'œil tour à tour vers mon lit défait, l'heure sur mon cadran et mon ordinateur. Impossible de me rendormir après toute cette galère. Assis devant mon ordinateur, j'ouvre le lien pour accéder à l'un de mes sites internet favoris et j'entame la lecture d'un autre chapitre de mon manga préféré. Au fil de ma lecture, je me calme peu à peu, savourant le soulagement que m'apporte la solitude.

Je suis bien, ainsi, seul avec mes petites particularités comme le dirait ma mère. À quoi bon essayer de garder quelqu'un dans ma vie? Je suis bon à rien selon certains. Un vrai cinglé. Un geek, un otaku, un zombie de la musique, un solitaire... Et j'en passe. Je suis moi, malgré tous ces beaux sobriquets. Et mon moi ne va pas bien avec un nous. Cette merde d'un soir me l'a bien rappelé.

Merci, celui-dont-je-me-fous-du-nom.

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