R-0 ; taegi

deux

La vanille est un parfum d'altruisme, une senteur qui imbibe autrui vers une bonté inconsciente, une disposition à déguiser l'intérêt à travers une bienfaisance factice. C'est une épice suave et alcoolisée, qui enivre de sa beauté sensorielle.

Ces particules séchées entraînent la profusion d'une caresse chatouilleuse, douce et chaude. Elle représente de part ses pouvoirs, une philanthropie aussi patiente que désintéressée, qui supporte les défauts du monde sans les éprouver.

Min Yoongi détestait la vanille.
Min Yoongi détestait Kim Taehyung.
Min Yoongi détestait se sentir impuissant.

Min Yoongi détestait un grand nombre de choses, mais celles-ci étaient les trois principales à cet instant. Le fait d'avoir perdu quelques-uns de ses sens le contraignait à se sentir impuissant. Une impuissance cheminée par les murs que bâtissait Kim Taehyung entre lui et vie extérieure. D'ailleurs, Kim Taehyung dégageait un constant parfum vanillé.

     ─ Je ne compte pas vous garder éternellement avec nous, commença Taehyung.

     ─ N'essaie pas de me rassurer si tu ne sais pas le faire.

     ─ Je ne cherche pas à vous rassurer, mais à vous dire la vérité.

     ─ Tiens, souffla Yoongi, moi qui pensais qu'au moins une de tes soi-disant qualités était réelle.

Genoux au sol, il relevait la tête sans même savoir où regarder, tentant de faire paraître un soupçon d'autorité dans ses paroles. L'endroit était silencieux, et il ne semblait qu'aucun autre invité ne soit convié à la petite conversation qu'avait débuté le jeune homme. Même les deux gros bras qui portaient auparavant Yoongi semblaient s'être envolés.

     ─ L'ironie ne vous va pas au teint, plaisanta Taehyung.

     ─ Dit-il... Je vous conseille de brûler mon corps après vos foutues expériences.

─ On y pensera.

Même si Yoongi était dépourvu de sa vision, il pourrait parier sur le fait que Taehyung souriait en ce moment même, debout devant lui, le jugeant de toute sa splendeur. Ce désagréable sentiment d'infériorité soulignait son impuissance, vulgairement ligoté et mît a genoux devant l'autre, faisant de sa voix le seul outil capable de fausser son angoisse.

La panique de l'un se lisait à travers ses gestes, des gestes qu'il n'arrivait apparemment pas à contrôler, contrairement à ce que son ton confiant pourrait faire croire. Les mains tremblantes, la lippe constamment mordillée...
La confiance qu'il lui restait s'évaporait dès que son assaillant osait défier les quelques centimètres qui séparaient leurs corps.

     ─ Le grand Min Yoongi aurait-il peur ? murmura le jeune prodige.

Yoongi mentirait s'il disait qu'il n'avait pas senti le souffle de chacune de ces syllabes s'échouer contre sa peau. Il suffit d'un simple toucher, juste là, sur son torse, pour le surprendre et faire naître en lui un frisson indiscret. Cette grande main, délicate et chaude, qui s'était déposée sur son corps écoutait les battements de son cœur. Elle ressentait, palpait, caressait ; Yoongi demeurait immobile, même si il aurait aimé lui tordre le poignet.

Aussi délicats qu'un voile de soie, les fins doigts du prodige frôlèrent son épaule pour remonter jusqu'à la nuque chatouilleuse du plus petit.

La peur de se faire trancher la gorge à n'importe quel instant l'inquiétait, oui. Et les lents mouvements qu'esquissait le brun n'arrangeait pas la chose ; de patientes caresses languissantes qui ne faisaient qu'accentuer son angoisse étouffante.