Terreurs nocturnes

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La nuit est devenue oppressante. Le noir uni du ciel qui me réconfortait et m'émerveillait me terrorise. La Lune que je prenais pour mon tuteur semble maintenant me narguer de son sourire phosphorescent. L'éclat des étoiles dont j'étais amoureuse est devenu terne et inintéressant. Le cri du hibou lointain qui me faisait sourire m'irrite à présent. Le bonheur que j'avais à voir le soleil disparaître s'est évaporé, me laissant bras ballants. Pourtant, je les ai aimées ces douceurs nocturnes. A m'en rendre folle. Je vivais pour et à travers elles. Combien de fois avais-je abandonné la chaleur de mon lit pour me réfugier dans le froid hivernal avec comme seul vêtement le manteau céleste ? Combien de nuits d'été avais-je passé à tenter de dénicher les étoiles filantes parmi les constellations ? Combien de fois avais-je essayé de représenter le feu qui brûlait en moi, la lueur qui vibrait dans mes yeux, la flamme qui faisait trembler ma voix, lorsque la nuit tombait ? Doux souvenirs. J'arrive à peine à me rappeler cet enthousiasme que je ressentais. Ça remonte à tellement longtemps... Toute lumière est morte à présent. Mes joies se sont éteintes en même temps que mes utopies de jeune adolescente. Avant même de plonger la tête la première dans le monde trop grand et trop effrayant des adultes, j'étais déjà fixée. J'avais pris la décision de rester moi-même jusqu'au bout. Je voulais être nomade, libre comme le vent, ne jamais rester attachée à des gens ou à des lieux. Si la petite fille que j'étais me voyait à présent... Elle aurait honte, probablement. Mais qu'y puis-je ? J'ai succombé. Malgré tout ce que je m'étais promis. Je me rappelle encore aujourd'hui d'une discussion que j'avais eu avec mes amies alors que je n'étais qu'une jeune fille. "Qu'est-ce qu'on sera devenu dans dix, vingt, trente ans ? Comment on aura évolué ?" Chacune y était allée de ses espérances, et j'avais promulgué mon souhait d'une vie d'errance. "On se retrouvera. Quand on aura accompli notre vie, quand tout cela sera fini. Peut-être sur notre lit de mort. Et là, on verra." Bien sûr, cela fait bien longtemps que je ne les ai pas revues. Et fort heureusement, elles n'ont pas pu voir le désastre que j'ai fait de mon existence. Existence ? D'ailleurs, est-ce que j'ai réellement existé durant toutes ces années, à vivre enfermée dans un bonheur artificiel qui n'est pas le mien ? Mariée, mère accomplie, chef d'entreprise, vie bien tracée, femme modèle. Comment ce profil qui m'a toujours rebutée peut être le mien à présent ? Comment ? Comment se fait-il que je sois encore debout alors que je ne connais plus la joie authentique qui était ma marque de fabrique ? Ne suis-je pas entrain de mourir ? Enfin, bien sûr, je sais déjà quelles sont les réponses. Je suis entrain de succomber, de mourir à petit feu. Comprenez-moi, je n'en peux plus. J'ai l'impression d'avoir trébuché, d'avoir tout gâché. Je n'avais qu'une seule vie, et je n'ai pas réussi à la mener à bien. Pour quoi devrais-je encore survivre ? Je n'ai rien en commun avec ceux qui évoluent à mes côtes. La personne juste à côté de moi dans le lit n'est qu'une forme humaine à qui j'ai pourtant juré fidélité à vie. L'enfant dans la chambre d'à côté ne me fait tirer aucun sourire, aucun éclat de rire, c'est juste un futur adulte en devenir. Plus rien ne me rattache à cette endroit. Alors quant à faire...
Oui, je me lève. Désolée de ne plus te servir de couverture humaine, jeune personne qui occupe le lit. Ce brusque courant d'air ? Ce n'est rien, j'ouvre juste la fenêtre, ne t'inquiète pas. Je ne t'entends plus à présent, rendors-toi, il ne sert à rien de me parler. Le vent est glacial tu sais. Les étoiles ne sont même pas venues me dire au revoir. J'ai dû trop les négliger... Oui, ce sont elles que j'aime. Tu as beau avoir le même nom que moi, tu ne représentes pas grand chose dans mon esprit. Oh, ne pleure pas, tu aurais dû t'en douter. Il fait vraiment froid dehors, je tremble. D'ailleurs, je vacille. C'est drôle de voir à quel point je peux passer d'une seconde à l'autre d'un appui stable sur le rebord de la fenêtre à un envol mortel du huitième étage. D'ailleurs, ne t'ai-je jamais dit quel était mon rêve ultime lorsque j'étais enfant ? Non ? C'était de m'envoler. Comme un oiseau. Je voulais fendre les cieux et sentir les bourrasques caresser ma peau. Oh, j'arrive encore à ressentir cette envie. Peut-être qu'il est temps d'essayer ? Après tout, je ne risque rien. Je sais bien que mes ailes ne se déploieront pas ce soit. Mais j'aurais réalisé au moins un de mes rêves, après toutes ces années à vivre ceux des autres. Bon... Je dois me lancer. Je suis excitée comme jamais. Il ne me reste plus qu'une chose à te dire...
Adieu.

La nuit et ses astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant