"..."- Sofia Maria Martinez de Garcia! No es possible, llevantate ! (Ce n'est pas possible, lève toi). Il est déjà midi petite marmotte.
J'ouvre peu à peu les yeux qui commencent à me bruler tellement la lumière du soleil est puissante. Plus puissante que moi. Plus puissante que mi pequeño corazón (mon petit coeur). Je me réveille ainsi depuis toujours, avec ces ondes négatives qui m'entourent constamment, et cet aura maléfique qui ne me quitte plus; depuis mon enfance, une enfance volée, une enfance que je n'ai pas méritée. Je me lève avec difficulté du petit lit crasseux qui m'est donné. Je regarde cette femme qui a maintenant la cinquantaine et qui m'a accompagnée dans mon parcours si pathétique , qui n'est autre que ma vie minable. Elle commence à avoir des ridules sur le visage mais elle est très charmante, même peut être plus que moi. Elle porte son inévitable tablier rouge et noir. Il commence à se trouer un peu mais elle ne s 'en sépare même pas. Il l'accompagne chaque après midi, et aujourd'hui il est un peu taché de farine. Oh je sais exactement ce que cela signifie. Elle a préparé des gâteaux, MIAM. Ses gâteaux sont la meilleure chose que je n'ai jamais eu la chance de goûter. Voilà une bonne raison pour me lever et apprécier cette journée qui tant bien que même va sûrement rester pathétique. Je lève une nouvelle fois les yeux vers cet être qui est arrivé à renter dans mon coeur d'une facilité si troublante et si déroutante; et je ne m'en suis même pas rendu compte.
Zoela est la seule à qui je me confie ici, la seule avec qui je parle. De plus c'est la seule qui me comprend vraiment. Je préfère l'appeler Zoe pour qu'elle se sente aussi jeune que moi, ou même bien plus jeune. C'est aussi la seule qui parle un tout petit peu espagnol, alors j'aime bien lui parler en cette langue si unique et si belle, qui est ma langue d'origine, la seule chose qui me relie à mon passé. Et je ne sais même pas si je peux vraiment appeler cela passé. Pour ma part, dans ma soit disant vie, passé et présent sont mêlés, je vis dans le passé qui semble être mon présent désormais et je n'ai pas de futur. Mon futur signifie la mort, et je pense qu'il est déjà existant dans cet instant du présent et du passé à la fois. Je me perd dans mes pensées mais finis par me réveiller de cette somnolence si on peut l'appeler ainsi. Zoe me regarde avec frustration, ça fait longtemps qu'elle tente de me réveiller c'est sûr et certain. On ne change pas quelqu'un en un jour. J'ai besoin de mes dix heures de sommeil obligatoirement. Sinon je ressemblerais à un zombie tout droit sorti de THE WALKING DEAD ou encore à une momie qui vient de s'échapper d'une tombe égyptienne dans la grande et célèbre pyramide de Gizeh. Ah quand je commence à sombrer dans mes idées aussi farfelues les unes que les autres personne ne m'arrête.
La fenêtre est grande ouverte devant moi, le vent doux et froid à la fois me fait frissonner. Je baille sans aucune gêne et me frotte une seconde fois les yeux. Je met les pantoufles bleu nuit que tout le monde ici a, et je me dirige vers la petite cabine des toilettes; non sans saluer Zoe. Elle avait l'habitude avec moi. Il ne faut pas vraiment me parler quand je me réveille, je suis désagréable; enfin je le suis toujours, mais je suis beaucoup plus chiante au réveil. La salle de bain ici est la plus hygiénique, il y'en a une dans chaque dortoir mais personne ne veut utiliser celles ci; parce que je suis trop près, parce que je leur fais peur ou que je leur donne envie de vomir. Ça me convient en quelques sortes. Mais ça me fait putain de mal. Je scrute des yeux la cabine, simple; à droite se trouve le petit espace douche: un pommeau de douche, un gel pour la peau et un shampoing qui est presque vide. Juste à côté il y a le siège blanchâtre des toilettes. Et à gauche au coin se trouve le lavabo et un petit miroir où sont inscrites toutes les grossièretés du monde, des grossièretés qui me sont adressées : pute, salope, enfant délaissée, cruche, petite merde, moins que rien, sale connasse, pouffiasse, dégage d'ici, tu ne mérite pas la vie, suicide toi. Le suicide ... c'est vrai que j'y ai pas mal penser. De toutes façons je suis destinée à périr alors pourquoi pas abréger ma vie et mes souffrances, je serais enfin libre. Mais je ne peux pas le faire pour Zoe sinon elle en mourrait et c'est ce que je désire le moins au monde. Alors je prends sur moi et je continue de me battre en sachant que je me bats pour une cause perdue d'avance: moi même. Après avoir fait ma petite toilette et m'être douchée je me regarde dans ce miroir qui pour eux reflète ce que je suis réellement. Malgré les inscriptions j'arrive à distinguer les traits de mon visage et mon corps. Je suis toute nue et je ne ressemble pas à grand chose. Je suis si mince qu'on pourrait croire que je suis anorexique. Mon visage est pâle, mes lèvres sont pulpeuses mais elles ont perdues leur couleur, on dirait que le sang n'y passe plus. Mes yeux aussi ont changé; ils étaient brillants auparavant, et leur couleur dépendaient de mon état. Maintenant ils sont gris et le peu de gaieté qu'ils montrent semble être bouffé par les cernes qui les entourent. Mon petit nez se retrousse et je commence à ressentir le froid dans chaque millimètre de mon corps que je n'aime pas. Je ne suis ni grande ni petite de taille. Je n'ai ni de grands ni de petits seins. J'ai un corps simple mais à la fois qui me dégoute, un corps aux nombreuses cicatrices qu'elles soient visibles ou cachées au fin fond. J'esquisse un semblant de faux sourire que je vais certainement ressortir à Zoela pour qu'elle pense que je vais bien. Je sors enfin de la salle de bain, une serviette autour de mon corps. Je m'habille à la va vite de vêtements trop grands pour moi. Et je descends enfin à la cantine pour affronter la réalité en face, pour les affronter eux, mes pires cauchemars.
Ils me regardent tous avec cruauté, ce sourire démoniaque scotché sur leurs visages. Ah oui c'est encore ma fête aujourd'hui, comme tous les autres jours d'ailleurs. Il y en a qui me lancent des regards compatissant, de pitié. Joder, joder, joder (putain, putain, putain) ; je ne veux pas de votre pitié. Je me dirige vers la vieille femme qui nous distribue à manger depuis trop longtemps. Je prends un plateau et lui désigne ce que je veux prendre comme nourriture, la purée ne me donne pas tellement envie, on dirait que quelqu'un l'a mâché juste avant. Alors je lui demande de me donner des frites, un soda, un yaourt et une barre de céréales. Elle s'exécute en moins de deux et je me tourne enfin faisant face à ceux qui m'attendent. Je dois faire vite et m'en aller d'ici. Allez prend ton courage à deux mains, tu peux le faire ! Sans attendre, la tête baissée et je remonte les escaliers menant à mon dortoir. J'entends leurs rires, ils se moquent encore et toujours : "elle s'enfuit encore la petite garce". Je me loge sur le matelas et dépose mon plateau sur mes genoux repliés. Mes mains tremblent et je n'arrive même pas à ouvrir correctement le yaourt, je laisse tomber et mange tranquillement les frites si huileuses qu'on ne reconnait même pas le goût des pommes de terre. Je regarde le plafond qui contrairement au sol au carrelage noir est si blanc. Je n'ai rien d'autre à faire. J'attends que Zoe vienne, elle me manque, sa présence aussi me manque. Elle arrive quelques temps après que j'aie grignoté ce qui me restait. Elle était là devant moi, un sourire si franc et si innocent étirant ses lèvres. Elle tenait dans ses mains les fameux gâteaux. Elle savait pour ce qui s'était passé et c'était sa façon à elle de me réconforter. Je lui sautais dans les bras sans attendre une minute de plus. Et je ne pouvais plus arrêter mes larmes qui coulait en dizaines, puis en centaines. J'aurais tant aimé être sa fille, sa propre chair. Elle si extraordinaire, mais même si elle tente en vain de remplacer ma génitrice, celle que j'aurais du appeler "madre" (maman), elle ne pourra jamais arrêter mon coeur de saigner.
Maintenant que j'y pense, celle qui m'a donnée la vie aurait du m'appeler Regret :
R pour rejetée,
E pour égarée,
G pour guerrière,
R pour rabaissée,
E pour empotée ou écervelée,
T pour tourmentée.
Parce que ces quelques mots me représentent, je suis rejetée depuis que je suis née, je suis une adolescente rabaissée dans tous les sens du terme, ce qui a fait que je me suis égarée ne sachant différencier entre le bon et le mauvais, tout le monde me prend pour une moins que rien, une écervelée; ma vie est si tourmentée que je ne suis même pas sûre d'avoir un coeur, et enfin malgré tout je suis vivante, je suis une guerrière. Et c'est bien Zoe qui m' a ouvert les yeux sur ce dernier trait. Je dois continuer de me battre pour elle, ma seule vraie famille.
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R.E.G.R.E.T.
RomanceSofia et Lucas. Deux êtres différents qui se sont retrouvés au mauvais moment , au mauvais endroit; ensembles. Derrière chacun une vie difficile et dure. Tous deux voulaient lâcher prise, abandonner et mourir. Après un seul regard échangé, une seul...