Yakoutie

24 3 0
                                    


Creepypasta from the Crypt


Dans le paysage des creepypastas russes, la Yakoutie constitue tout simplement une sorte d'El Dorado. La quasi-totalité de la république est recouverte d'épais massifs forestiers dont 99% n'ont jamais été foulés par le pied de l'Homme. La Yakoutie est aussi grande que l'Inde, ou que six fois la France. Quand on doit voyager pendant pas moins de six jours en traversant d'interminables forêts pour se rendre d'une zone habitée à une autre, il y a forcément de quoi alimenter les légendes. De manière générale, les histoires de cette région valent le détour, et les creepypastas occupent une place de choix dans le folklore local.


NdT : Certains passages traduits ou rajoutés contiennent quelques explications nécessaires pour des lecteurs européens à la compréhension complète de l'histoire, la culture russe étant en grande partie méconnue. Ne vous étonnez donc pas de détails historiques ou culturels : ils seront utiles au moins pour l'histoire dans laquelle ils figurent, voire même pour d'autres histoires à venir.


Cette première histoire est liée à des esprits aquatiques du folklore local : les syoulyoukyounes.


La religion traditionnelle en Yakoutie était le paganisme classique : tous les lieux et les domaines d'activité importants étaient reliés à des esprits qui en étaient responsables. Par ailleurs, après l'intégration de la Yakoutie à la Russie au 17e siècle, la croyance locale s'est en quelque sorte assimilée au christianisme orthodoxe et a subi des changements importants, notamment l'introduction d'éléments de théisme. Néanmoins, les esprits de la nature n'ont pas subi cette assimilation. Certains d'entre eux correspondent aux fameux syoulyoukyounes. On raconte qu'ils demeurent presque tout le temps sous la surface dans différents points d'eaux et n'interagissent absolument pas avec les humains. La croyance traditionnelle yakoute ne les dépeint pas comme des esprits maléfiques. Toutefois, dire que ce sont des esprits bienfaisants serait une erreur. Leur apparence n'est pas mentionnée, mais ils étaient probablement imaginés comme des démons aquatiques : anthropomorphes, mais affublés de traits propres aux poissons. Dites bonjour aux créatures lovecraftiennes de Cauchemar sur Innsmouth.


Venons-en maintenant à la rencontre avec un de ces syoulyoukyounes. Ils ne remontent à la surface qu'une seule fois par an : pendant la période dite des douze jours de Noël, soit du 25 décembre au 5 janvier. Bien évidemment, ils ne sortent que la nuit, et se réunissent dans toutes les maisons et bâtisses abandonnées à distance des villages habités pour jouer aux cartes. Ils parient de l'argent "aquatique" qui ressemble à des pièces d'or. On disait aux personnes particulièrement téméraires de se rendre dans une maison vide durant ces nuits et de se dissimuler sous une table ou autre chose en se recouvrant d'un tissu. Il fallait simplement penser à s'habiller chaudement, car les maisons vides n'étaient bien évidemment pas chauffées, et le froid de janvier en Yakoutie peut parfois atteindre -50°C. Si l'on avait de la chance, la fête des syoulyoukyounes du coin se déroulait bien dans la maison choisie. Lorsque la mise avait bien augmenté, il suffisait de renverser la table en hurlant de toutes ses forces, et les syoulyoukyounes, effrayés, s'enfuyaient. On pouvait ensuite ramasser l'argent qu'ils avaient abandonné. Il fallait toutefois tout dépenser dans les trois jours suivant, car l'or des syoulyoukyounes se changeait ensuite en algues, ce dont il était constitué initialement.


Mais assister au rassemblement de ces créatures ne servait pas uniquement à l'enrichissement matériel. Pendant leurs parties de cartes, les syoulyoukyounes, bien loin de se taire, discutaient avec véhémence de l'avenir et du destin de la nature environnante, de sorte que si l'on ne dérangeait pas leur fête, il était possible, en écoutant bien, de découvrir de précieuses informations sur son futur et celui de ses proches. D'une certaine manière, ils étaient des sortes de voyants locaux, mais il faut bien s'imaginer à quel point il fallait être courageux pour aller se glisser seul dans une maison abandonnée la nuit par -50 pour attendre sans bouger un attroupement de créatures surnaturelles.

Alphabet des CreepypastasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant