Prologue.
Mai, 1713
Voilà plus de deux mois maintenant que Clare n'avait vu les doux rayons du soleil. Cloitrée entre les quatres murs de sa minuscule cellule dans la tour du donjon, rien ne lui parvenait. Deux mois... Peut-être plus que cela. Elle n'avait pu que se référer aux chants des quelques animaux présents dans la région. Les oiseaux chantonnant joyeusement au lever du jour et les chouettes chantonnant également à la tombée de la nuit. Grâce à ces quelques repères, la jeune femme marquait à l'aide d'une pierre un bâtonnet indiquant le jour. C'était la soixante et unième fois qu'elle pratiquait cet étrange rituel.
Qui l'aurait cru ? Passer si vite d'une dame de la haute noblesse londonienne à une prisonnière. Passer d'un palais doré à un donjon lugubre et poussiéreux. Passer des toilettes les plus tendances de la mode londonienne à une tunique qui couvrait à peine ses parties intimes. Qu'avait-elle donc fait au bon Dieu pour mériter un tel châtiment ? N'avait-elle pas été bonne durant les trente-deux ans de sa triste existence ? Chaque mois, Clare faisait l'aumône à des pauvres. Elle revendait une toilette pour offrir les gains à des mendiants. Elle avait sauvé de nombreuses femmes d'une existence pitoyable de catin. Chaque Dimanche, Clare partait à la messe. Donc... Comment tout cela avait-il pu lui arriver ?
A quoi bon blâmer un être supérieur qui n'avait rien à voir avec son malheur ? Le Saint Esprit ne l'avait en aucun cas mis dans cette situation délicate. Le seul et unique responsable de ses malheurs n'était autre que Terrell Bridge, son propre époux. Un homme qui l'avait lâchement traité de sorcellerie et d'hérésie après avoir assisté clandestinement à un rituel sacré de sa famille. Il n'avait rien voulu entendre depuis ce jour. Il l'avait faite emprisonnée dans un cachot et interdisait à sa fille de lui rendre visite. Un jour où celle-ci eut le malheur de lui désobéir, Terrell l'avait battu sous ses yeux. Quel monstre il était devenu !
Des bruits pas résonnèrent entre les murs clos des couloirs sombres. Sûrement les gardes de Terrell. Ceux-ci étaient soit là pour lui donner cette nourriture imangeable qui lui servait de petit-déjeuner. Clare aurait mieux fait d'avoir raison sur ce point. Malheureusement, ce qui l'attendait était bien pire que ce qu'elle s'imaginait. Effectivement, des gardes firent leur apparition devant sa cellule. Leurs visages exprimaient de la tristesse et de la haine à la fois. Un mélange curieux et tétanisant. Ne comprenant guère pourquoi, Clare fut paralysée par la peur. C'était comme si elle avait deviné ce qui l'attendait. Quand elle remarqua tous les gardes armés de lances, d'épées et de fourches, la jeune femme eut un mauvais pressentiment. Comme envoyé par une force maléfique pour anéantir tout ce qui lui restait d'espoir, son mari fit son apparition retenant fermement sa fille. Comme elle avait pu le remarquer, un traitement de choc avait été également infligé à la chair de sa chair. Celle-ci avait énormément maigri et ne revêtait qu'une simple tunique semblable à la sienne. Même des chaussures, elle n'en possédait pas. Sa tendre Callie avait un air honteux et désolé affiché sur le visage. Nul doute qu'il s'agissait d'une marque apparente des mauvais traitements et des agressions sexuels que lui portaient son beau-père.
Terrell, sans poser un regard à celle qui était sensée être son épouse, enfonça une clé dans la serrure de la cellule.
- Qu'il y a t-il ? Tu te rends enfin compte de l'énorme erreur que tu as commise ? dit Clare d'un ton arrogant et narquois.
Son époux, bien que conscient de son arrogance, ne lui porta aucune attention. Callie restait immobile derrière lui, incapable de regarder droit dans les yeux sa génitrice.
- Eh bien, Terrell, il me semble bien que c'est à toi que je parlais. Tu pourrais au moins avoir l'amabilité de répondre.
Toujours aucune réponse de ce dernier. Il sortit la clé de la serrure. Il semblerait que ce n'était pas la bonne. Il rechercha une clé semblable sur le trousseau puis la remit à nouveau dans la serrure.
