22 Février 2018
J'ai fait des recherches sur l'art minimal, le minimalisme. Je ne comprenais pas grand-chose au début, mais maintenant tout devient plus lucide et plus clair. Et il se trouve que je pratiquais, que j'ai déjà pratiqué plutôt, cet art. En effet, de ce que j'ai compris, cet art consiste à faire ressentir quelque chose juste à partir des simples formes, couleurs, textures, positions... ( ici de la sculpture ), sans que ces formes aient un message particulier, ou même un assemblage particulier. La pureté de la forme, si on sait la regarder, suffit à faire ressentir. C'est pour moi une très belle définition de l'art. Ressentir juste par la contemplation de formes. L'art minimaliste comporte quelques critères possibles, comme l'intégration du spectateur dans l'œuvre, les formes pures et simples ( qui ici est un critère essentiel ), l'absence de message émotionnel explicite ou particulier. Les seules émotions ressenties sont celles de la forme, ou des couleurs, des lumières ( Dan Flavin ) observées. J'ai donc déjà fait ça avec mes morceaux de verre, posés sur un miroir. Ils me faisaient ressentir tant de choses... C'est donc une forme d'art minimaliste : des matières brutes, simples, seulement elles, et surtout, la faculté de ressentir apr leur simple contemplation. Chaque matière me fait ressentir certaines choses, diverses, et je pourrais essayer d'exploiter ces ressentis, et de faire de l'art minimaliste. Je suis donc sans doutes, au moins en partie, un petit peu minimaliste.
J'ai mise de côté l'installation de la faille temporelle, que je compte bien évidement continuer et terminer, pour faire quelques expériences d'art minimaliste. J'ai enlevé tous les objets de la précédente œuvre, nettoyé le plus gros miroir, et je l'ai légèrement surélevé pour qu'on ne voie que du noir, et qu'on se concentre uniquement sur l'objet que je poserais sur ce miroir. J'ai ensuite décalé ne tube fluorescent pour qu'il repose sur le miroir. La simple vision de ce tube d'une blancheur étonnante, au milieu d'un vide noir, est magnifique, et procure nombre d'émotions et de sensations. Les fils pendants ressemblent à des éclairs qui se seraient échappés du tube. La simplicité de cette installation est ce qui fait sa beauté. Je vais maintenant essayer de rajouter de la fumée, pour voir si celle-ci est un atout qui mettrait en valeur la lumière.
La fumée transforme décidément le ressenti, ici elle met d'avantage en valeur la lumière, et fait moins ressortir le concept d'objet lumineux, ici on voit une lumière, moins familière, voire étrangère. Sans fumée, l'on voit un tube fluorescent, avec son reflet parfait dans un miroir. Je pense que pour la notion d'art minimal, la fumée est de trop.
23 Février 2018
Après mes expériences avec le tube fluorescent, j'ai décidé de revenir aux sources de l'art minimal ( je pense à l'exposition primary structures de 1966 qui est en quelque sorte un des pilier du minimalisme ) et d'exploiter d'avantage les formes géométriques. J'ai donc posé sur mon miroir quatre barres d'aluminium, bien blanches, de tailles variées ; la plus petite devait faire dans les 50cm, la plus grande près de 150cm. Les barres ne ressortaient pas assez du fond noir, alors j'ai utilisé le tube fluo pour que sa lumière se reflète dans l'aluminium. L'effet voulu était là : quatre lignes épaisses, blanches éclatantes, très droites et de tailles variées, posées sur un sol qui reflétait exactement la même chose. On avait l'impression que ces barres émanaient du miroir.
Après cela, la découverte de l'oeuvre Die de Tony Smith, m'a beaucoup étonnée et intriguée. D'un « simple » cube en métal, d'un mètre quatre-vingt, l'artiste « disait », sans pour autant faire passer de message, donc en tout cas provoquait beaucoup de choses. J'ai donc en tête de créer une œuvre aussi à base de cubes, aussi en métal mais pas nécessairement, mais qui serait constituée de plusieurs cubes de tailles très différentes, pour montrer notre différence d'approche et de perception en fonction de la taille d'un objet. L'art minimal explore cette question de la taille, et vise un objet intermédiaire entre l'objet, de petite taille, qu'on peut tenir, et le monument, qui nous surplombe. Je voudrais explorer cette question, et montrer les différentes perceptions que nous avons en fonction de la taille. Nous n'avons bien évidement pas la même vision d'un cube d'un demi centimètre qu'un cube qui est légèrement plus haut que nous. Et notre comportement envers ce même cube va aussi changer avec sa taille. Nous allons vouloir prendre ce petit cube dans notre main, et le grand va nous intimider. Je veux que le spectateur soit confronté à ça et qu'il se rende compte de la différence de son ressenti avec les différents cubes que je lui proposerait. On peut aussi mettre en situation les cubes : si tous les cubes sont au même niveau, sur le sol par exemple, sur un pied d'égalité, le spectateur va à peine voir le petit cube, et si on fait en sorte qu'il le voit, il va se pencher pour l'observer. A l'inverse, si les cubes sont posés sur un objet de taille différente en fonction de la leur, pour être à l'échelle humaine, comme un objet posé sur une table et un monument posé de plein pied sur le sol, l'humain va se sentir moins perdu, et pourra voir ce qu'il a l'habitude de voir dans sa maison par exemple. Toutes ces idées me sont venues hier, j'en ai prit des notes rapides :
Notes 22 Février 2018 23h : Des cubes. Noirs ou en fer. Finition industrielle. Différentes tailles : de 0,5 à 175cm ( 0,5 ; 3 ; 10 ; 25 ; 50 ; 100 ; 175 ) → même objet mais différentes perceptions selon la taille. Art minimal conceptuel ( mettre les petits sur une table, les grands sur le sol → humain ) ( Les mettre tous au même niveau : sol → vérité en dehors de notre perception habituelle ) ( réflexion sur la perception en fonction de la taille ).
L'être humain pense, et c'est normal, à partir de lui. Mon œuvre aura donc le but d'illustrer le relativisme : le cube d'un demi centimètre paraîtra petit pour un être humain, mais celui de 1 mètre soixante-quinze ou un mètre quatre-vingt lui paraîtra immense et imposant. Les cubes intermédiaires auront une notion de taille ( « petite » ou « grande » ) qui va varier en fonction d'où l'on se place : un cube de 25 centimètres est immense, est un monument pour le cube d'un demi centimètre, mais est minuscule pour le plus grand cube. Les différences de taille n'auront pas seulement cette vocation : on ne pourra voir qu'une ou deux faces du grand cube, et on pourra voir trois faces des plus petits. Nous avons donc une meilleure vue, une vue d'ensemble des petits cubes, car on les surplombe. Nous en avons donc moins peur : on les voit dans leur ensemble, on peut les manipuler, les porter... Alors que le grand cube fera contraste : il nous paraîtra imposant voire menaçant ; car nous avons plus de mal à le comprendre, et il nous est moins familier ( nous avons l'habitude des petits cubes, comme les dès, les rubix cube, ou même certaines valises, mais nous n'avons pas de grand cube dans notre vie courante ).
Vient maintenant, après l'idée, la conception. Comment créer sept cubes de tailles très différentes, tout en les gardant uniformes ? La matière idéale serait, pour reprendre Tony Smith, du métal. Le métal est dur et impersonnel, il correspond parfaitement à l'idée que je me fais du cube : droit, simple, dur, abrupt. Pour faire les cubes que je souhaite, il me faudrait donc 6x1802 + 6x1002 + 6x502 + 6x252 + 6x102 + 6x32 + 6x0,52 = 10802 + 6002 + 3002 + 602 + 182 + 32 = 2061cm2.. Plus de vingt mètres carrés de métal.
25 Février 2018
Après avoir étudié le problème, et regardé les prix du métal pour réaliser mon œuvre, il était évident que je n'aurais jamais l'argent nécessaire ( le prix s'élevait à plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'euros ). J'ai donc décidé de faire une maquette de mon œuvre, afin de quand même pouvoir la présenter, et dans les matières que je désirait. J'ai choisi une échelle environ dix fois plus petite, le plus grand cube fait ainsi vingt centimètres. Plus j'avance dans mes projets, plus je comprend ce que moi-même j'entends par « art » et je comprend mon propre style. J'explore les différents styles existants, et je créé avec ces connaissances sensibles qui s'empilent au fur et à mesure. La finition du grand cube me plaît vraiment, je suis impatiente de faire les plus petits, et de voir si, même avec une maquette, l'exposition du concept, et par conséquent le résultat escompté, est bien là.
J'ai fait le petit cube, tout est parfait, il correspond parfaitement à mes attentes et donne bien l'effet escompté, bien que, évidemment, la taille réelle aurait été encore plus flagrante.
Après avoir continué mes recherches sur Tony Smith, j'ai découvert une de ses œuvres ( Wandering Rocks (5/5) (1967) ) qui m'a beaucoup inspirée, ou plutôt cette œuvre a confirmé mon inspiration. Il s'agit de représenter un contraste de formes énorme mais unifié ( cette dualité entre contraste monumental et unification me passionne décidément ) : une « mer » ou plutôt un « lac » noir, donc lisse, mou, liquide, plat et calme, avec, émanant de sa surface lisse, des formes géométriques noires elles aussi, qui se rapprocheraient de celles de Wandering Rocks, mais peut-être avec vertaines plus complexes, créant ainsi ce fameux contraste, unifié par la couleur et la matière. Cette matière serait du plexiglass noir, facile à transformer, et pas si cher que ça.
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La faille
Non-FictionJournal de la faille temporelle, découvertes sensorielles, sensibles et artistiques ; et découverte d'un art nouveau.