Alors qu'en Europe la vision d'une dentition noire évoque souvent la saleté, au Japon, elle fait référence à une technique de teinture très populaire, datant de plus d'un millénaire.
Dans la culture japonaise, le terme « Ohaguro » (お歯黒) désigne une pratique traditionnelle initialement utilisée notamment lors de la cérémonie de passage à l'âge adulte. Celle-ci concerne exclusivement les femmes et si l'on en trouve des traces ailleurs dans le monde, au sein de l'archipel, c'est une tradition qui a duré plusieurs siècles avant d'être interdite par le gouvernement le 5 février 1870.
Difficile de statuer sur la raison claire et précise qui a poussé l'expansion de l'Ohaguro au Japon. On peut avancer plusieurs pistes, toutes très diverses et variées : esthétisme, rang social, message à destination d'autrui ou encore santé. La plupart du temps, on associe la teinture des dents aux femmes mariées, qui veulent annoncer clairement à leur entourage et aux inconnus qu'elles se sont promises à un homme et qu'il ainsi est inutile de tenter les courtiser.
Cette tradition, Isao Takahata et le studio Ghibli l'ont très bien représentée dans Le Conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime no Monogatari), sorti au Japon en novembre 2013. On peut y voir la jeune Kaguya, forcée de se préparer pour accueillir son futur mari qu'elle ne connaît pas et donc invitée à se noircir les dents. Si la scène présentée dans le film est plutôt humoristique du fait du tempérament sauvage et libre de la jeune princesse, elle n'en reste pas moins un très bon témoignage de ce qu'était l'Ohaguro pour les jeunes femmes de l'époque : une pratique fastidieuse et contraignante à laquelle on n'avait pas toujours envie de se prêter, surtout lorsque l'on était obligée de s'y soumettre lors d'un mariage non désiré.
Pourtant, au-delà de ça, l'Ohaguro représente aussi la beauté, mais aussi et surtout le confort. Car, s'il s'agit d'une pratique que l'on peut détester, l'histoire montre que celle-ci était réservée à des femmes d'un certain standing. Ainsi, les femmes les plus aisées faisaient de la teinture un rituel de beauté quasiment quotidien tandis que les petites gens, eux, ne se noircissaient les dents que lors de cérémonies importantes comme le mariage, les funérailles ou encore les fêtes.
Une histoire qui remonte à l'ère Kofun (250 - 538 ap. J.-C.)
Utilisée dans de nombreux pays d'Asie dont la Chine, la Thaïlande le Vietnam ou encore le Laos, on trouve les premières traces de l'Ohaguro au Japon il y a plus de 1 000 ans. Des fouilles ont en effet permis de mettre en évidence l'utilisation de cette pratique, très certainement plus archaïque, durant l'ère Kofun (250 - 538 ap. J.-C.), grâce à des poteries en terre cuites. Le temple Todai-ji, situé à Nara, connu pour les nombreux trésors et documents gardés dans le bâtiment Shoso-in, conserve actuellement les enseignements du moine bouddhiste chinois Jianzhen (688 - 763), qui évoquait déjà la pratique. Cependant, les premiers écrits "officiels" attestant de l'existence et de l'art de l'Ohaguro se trouvent dans le fameux ouvrage de Murasaki Shikibu (973 - 1025), « Le Dit du Genji » (Genji Monogatari) qui témoigne des mœurs et coutumes de l'aristocratie japonaise durant l'ère Heian (794 - 1185).
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Le Japon
De TodoPetit tour au pays du soleil levant ! Fan de la culture japonaise, vous êtes au bon endroit. Si vous avez d'autres informations que moi que je n'ai pas noté, n'hésitez pas à les mettre en commentaire. PS : les chapitres seront plus ou moins long se...