Consignes : Dans un genre et un format absolument libres (une mini dissertation, une nouvelle, une fable, une poésie, un dialogue, un monologue, une chanson, un freestyle, etc.), sans aucune contrainte exigée, vous tâcherez de répondre à la question que pose Robert Nozick à la fin de l'extrait ci-dessous. Il va de soi que répondre à cette question réclame une vraie réflexion sur son enjeu, que vous exprimerez librement selon le genre et la forme que vous choisirez.
« Supposez qu'il existe une machine à expérience qui soit en mesure de vous faire vivre n'importe quelle expérience que vous souhaitez. Des neuropsychologues excellant dans la duperie pourraient stimuler votre cerveau de telle sorte que vous croiriez et sentiriez que vous êtes en train d'écrire un grand roman, de vous lier d'amitié, ou de lire un livre intéressant. Tout ce temps-là, vous seriez en train de flotter dans un réservoir, des électrodes fixées à votre crâne. Faudrait-il que vous branchiez cette machine à vie, établissant d'avance un programme des expériences de votre existence ? [...] Bien sûr, une fois dans le réservoir vous ne saurez pas que vous y êtes ; vous penserez que tout arrive véritablement. [...] Vous brancheriez-vous ? »
Robert Nozick, Anarchie, État et utopie
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France, 2070
Comme à son habitude, après une longue et exténuante journée de travail, l'homme se dirigea vers la pièce la plus immaculée de sa maison, où ni ses enfants, ni sa femme n'avaient le droit d'entrer. Cette salle aux murs blancs, au sol blanc et sans fenêtre comportait un seul objet : une étrange machine que l'homme surnommait « L'Exutoire ». Chaque soir, cet homme se dirigeait vers cette salle, où il pouvait y rester trente minutes comme trois heures, sous les yeux impuissants de sa femme et de ses enfants. Comme à son habitude, il déverrouilla précautionneusement la porte, s'infiltra dans cette salle mystérieuse et prit soin de verrouiller la porte, de crainte de voir apparaître, malgré l'interdit, un des habitants de la maison. Comme à son habitude, il programma l'Exutoire, la fameuse machine qui permettait de faire vivre à son utilisateur n'importe quelle expérience, de sorte qu'il se croit en vacances dans un pays exotique et lointain, où il était un riche homme adulée par de nombreuses femmes. Pendant ce temps, sa femme attendait patiemment que son mari sorte de la salle et comme à son habitude, elle s'endormit avant qu'il ait fini.
Comme à son habitude, après une longue et exténuante journée de travail, l'homme se dirigea vers sa pièce fétiche, sous les yeux impuissants de sa femme et de ses enfants. Comme à son habitude, il déverrouilla la porte, s'infiltra dans la salle et verrouilla la porte. Comme à son habitude, il programma l'Exutoire de sorte qu'il se croit à la tête d'une grande multinationale qui lui faisait gagner des millions.
Comme à son habitude, après une longue et exténuante journée de travail, l'homme se dirigea vers sa pièce fétiche, sous les yeux impuiss... son fils aîné vint briser son habitude sacrée.
- Papa, que fais-tu dans cette salle ? Tu nous manques à maman et à ma soeur. À chaque fois que tu y sors, tu n'es plus pareil. Tu changes, papa. - Ça ne te regarde pas, il ordonna à son fils de partir d'un geste de la main.
Comme à son habitude, il déverrouilla la porte, s'infiltra dans la salle et verrouilla la porte. Comme à son habitude, il programma l'Exut... une nouvelle fois, quelqu'un vint briser son habitude en toquant à sa porte. Et cette fois-ci, c'était sa femme, les traits marqués par la fatigue, le suppliant de lui dire ce qu'il se passe dans cette pièce. L'homme finit par céder, se rendant compte du supplice qu'il lui faisait vivre. Il lui expliqua comment il avait eu accès à cette machine, dans quel but il l'utilisait et pourquoi l'Exutoire était si importante pour lui.
Sa femme se posait des questions. Pourquoi ressentait-il le besoin de s'éloigner du monde dans lequel il vivait pour aller évoluer dans un monde irréel, faux qu'il programmait lui-même ? Quel était le but ? Le monde réel n'était-il pas la priorité de tout homme ? Elle ne comprenait pas l'addiction de son mari à la machine.
Comme à son habitude, après une longue et exténuante journée au travail, l'homme se dirigea vers sa pièce fétiche. Comme à son habitude, il déverrouilla la porta, s'infiltra dans la salle... Et vit que la pièce ne comptait plus aucun meuble. L'Exutoire n'était plus là.
France, 2072
Après la séparation forcée entre la machine et l'homme, ce dernier réalisa que sa femme avait agi d'une telle manière dans le but de le préserver des nouvelles technologies, qui envahissaient d'une manière considérable la vie privée des personnes. L'homme avait perdu tellement de temps dans cette machine, au détriment de profiter de la vie, de voir ses enfants grandir, de passer d'importants moments en famille ou tout simplement de vivre. À plusieurs reprises, il avait pensé au fait de se brancher à vie à la machine en établissant d'abord un programme qui ressemblait à sa vie actuelle, mais en supprimant les moindres aspects négatifs. Il aurait vécu une vie parfaite, sans se rendre compte que ce n'était pas une vie. Il aurait manqué les échecs de la vie qui font ce qu'elle est.
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CONTE DE FAITS
Non-FictionDes faits. Étalés sur ces pages blanches. Peut-être incompréhensibles. Mais qu'en ai-je à faire ? C'est mon jardin secret... pas si secret.