Romain

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Romain était dans sa chambre. Il avait beaucoup pleuré comme en témoignait le cimetière de mouchoirs qu'il creusait depuis une demie heure. Il appelait Maxime au téléphone, en vain. Il regrettait tout. Ses paroles, ses actes, le coup de poing... Pourquoi est-ce qu'il avait fallu que tout se passe si mal ? Pourtant ça  aurait pu  être agréable...  Des partages de souvenirs, plus ou moins heureux,  avec quelques larmes évidemment  ! Mais ils auraient surmonté ça très vite ! Ils auraient été là les uns pour les autres. Ils auraient ri, seraient rentrés à Paris bras-dessus, bras-dessous, comme des frères et soeurs qu'ils sont quoi !
L'adolescent espérait pouvoir oublier tout ça très vite. Mais au fond, il savait que c'était impossible. Ça n'était pas lui, le plus petit, du haut de ses seize ans, qui allait mettre ses frères et soeurs en face de leurs erreurs, de la triste vérité de leur vie.
D'abord Maxime, jeune père de famille, avec une petite auto, un petit chapeau, un petit manteau, qu'aimerait bien avoir l'air, mais qu'a pas l'air du tout ! Puis, Emma, la jeune divorcée, déjà. À déjà vingt huit ans, un enfant, une fille, qui s'ennuie avec sa mère.
Jules, le scénariste raté, qui n'arrive pas à garder une seule fille plus de 2 semaines, qui clope sans arrêt et qui ne peut s'empêcher de faire des remarques cyniques hautement horripilantes ! Venait ensuite sa soeur jumelle, Rose, timide, réservée, avec cet éternel regard de lapin effrayé qui avait le don de l'agacer au plus au point.
Romain se souvint de la bouteille de rouge, qui n'avait pas été consommée. Il ouvrit la porte de sa chambre doucement, traversa le salon à pas de loup, et atteint le meuble de la cuisine sur lequel était posé le Saint Émilion. Il fallait un tire-bouchon. Il y en avait un dans le petit tiroir, en dessous des plaques de cuisson.
Merde ! Il a beau fouiller le tiroir de fond en comble, pas de trace de l'outil. Peut être dans le grand tiroir du bas... non. En revanche... qu'est ce que ça ? Une bouteille de Jack Daniel. Ça fera l'affaire. Romain prend la bouteille de Bourbon et se retourne dans sa chambre.
En passant devant la porte d'entrée, il entend les pas de Emma qui s'apprête à rentrer. Elle était donc sortie ? Il accélère le pas, il ne veut pas prendre le risque de la croiser.
Il entend sa soeur parler à Jules, par la porte de sa chambre. Bah, ça ne le regarde pas, ou  plutôt, ça ne l'intéresse pas. Maintenant, Romain allait réparer le mal que lui avait fait cette soirée. S'en remettre aux paradis perdus, c'était la solution. Il s'assit sur son lit, adossé au  mur. L'alcoolique en herbe ouvre la bouteille et boit quelques gorgées, au goulot. Rapidement, plus rapidement qu'il ne l'espérait, le néant se creusa dans sa tête. Il n'a plus de pensées, il plonge dans le stupre, à chaque goulée, c'est une partie de son esprit qui s'éloigne... . Il regarde les montagnes par la fenêtre. C'est beau. C'est calme. C'est puissant. La bouteille de Jack fini, à peine un quart d'heure  plus tard, Romain n'a définitivement plus toute sa tête.
    Seul, délaissé, saoul, il se met à pleurer à gros sanglots. L'alcool, le remord, la haine de ses frères et la mort de son père le torturent. Il étouffe, il est oppressé. Anéanti, Romain se noie dans un océan de tristesse infinie
    Un aboiement se fait soudainement entendre. C'est Cabu, le chien de papa...  papa... papa...
    Le jeune homme avale la dernière goutte de Jack  et s'effondre  sur son lit, ivre mort. 

Animalia Where stories live. Discover now