Maxime était décidé. Il rentrait à Paris, c'était sûr, personne ne pourrait rien y changer. Les montagnes, berceau de son enfance, lui plaisaient, mais l'ambiance y était, paradoxalement, trop toxique.
Au volant de son AUDI, il fulminait. Après tout, c'était lui l'aîné ! C'est à lui qu'ils devaient le respect ! Eux, ces cafards qui lui servaient de frères et soeurs. Le chef, le meneur, le commandant, l'autorité, c'est lui !
Perdu dans ses pensées, il n'est pas concentré sur la route. Roulé à cent-cinquante ou à cent-quatre-vingt lui était bien égal. Au pire, que risquait il ? Mourir serait peut-être préférable à l'obligation de faire partie de cette famille de fous! l A cet instant précis, tout son être transpirait la haine de sa famille. La haine était définitivement le bon mot.Oui, Maxime en était convaincu. L'idée que cette haine ne fut pas réciproque lui effleura l'esprit, mais il revint vite à cette certitude: il ressentait une haine profonde et indéfectible pour ce qui lui restait de famille.. Cette haine s'était installée en lui insidieusement telle une tumeur. Elle s'était élargie à chaque arrivée d'un nouveau "chiard" dans le berceau. C'était ainsi et aucun remède ne viendrait à bout de cette haine. Du moins, c'est ce qu'il pensait.
Assurément, de tous, les deux derniers l'agaçaient le plus: les jumeaux, Romain et Rose. Ils étaient les plus éloignés de lui, tant par l'âge que par le coeur. Ceux qui avaient été les sujets de toutes les attentions de père, mère et même des autres. Juste parce qu'ils étaient supérieurs en nombre ! Il ne reprochait rien à Emma, c'était une fille honnête, franche - un peu trop parfois - mais avec laquelle il avait passé de bons moments. Quant à Jules, il n'avait jamais essayé de lui voler la vedette... il avait toujours su rester à sa place. Mais les jumeaux... c'était Charybde et Sylla, Bonnie et Clyde, Satanas et Diabolo.
Son Audi TT fonçait depuis une heure déjà, quand Maxime eut un flash. Rioux ! Que ce soit à la mort de mère, il y a déjà six ans, ou à la mort de père, il y a à peine trois mois, la première personne qui était venue le voir pour lui parler, le consoler, c'était Rioux. Alors, Maxime se dit que non, rien que pour Rioux, ce simple concierge au coeur si généreux, il ne pouvait pas partir. Partir, c'était laisser ce pauvre homme, ce brave homme, aux griffes et aux crocs de ces fauves.
Maxime revint à l'hôtel, le veilleur de nuit lui rendit sa chambre pour un jour encore. Demain, à la première heure, il ferait ses adieux à Rioux. Il alluma un Davidoff gold et fuma à la fenêtre de la chambre, de chaudes larmes lui roulant sur ses joues. Il mit de la musique:
"Mourir, pour des idées..."