La complainte de la serveuse

Le client - trop - gentil

Aujourd'hui, on va parler d'un client un peu particulier, celui qui est un paradoxe à lui tout seul. Parce qu'en fait, je ne peux pas tellement dire grand chose de lui, je ne peux pas le détester ou dire quoi que ce soit sur lui, lui donner des conseils pour s'améliorer parce qu'en fait, il l'est déjà, parfait.

C'est ce client, souriant, qui nous salue, qui nous dit merci, s'il vous plaît, oh non pas de problème, vous vous êtes trompée, mais je comprends vous savez ? Et vous, comment allez-vous, et patati patata.

Le client parfait, du genre Dylan O'Brien. Croyez-moi, lui il est parfait.

Non mais bon, n'allez pas croire que je ne l'aime pas, ce client. Bien-sûr que je le préfère à celui qui m'engueule parce qu'il a dû attendre trois minutes, Mais en général le client trop gentil n'a absolument jamais le bon timing. 

Visualisez vous : la terrasse est pleine, il y a du monde partout qui nous appelle en faisant de grands gestes. Et là, il y a ce client - trop gentil - qui est assis depuis 20 minutes et que moi j'ai absolument pas vu. Il me fait un sourire timide pour m'apostropher, et moi, catastrophée, je m'excuse.

-  Mais non, ne vous inquiétez pas, ce sont des choses qui arrivent, et puis je ne suis pas pressé. J'aimerai bien un petit café.

Et en général, c'est à ce moment qu'il commence à te raconter sa vie, que ses enfants ont le même âge, et qu'ils sont à l'université, et que lui, bah il y a 10 ans, il avait aussi fait un peu de service, donc qu'il connaît ce métier. En 10 minutes, tu connais plus de choses sur sa vie que toi même tu n'en connais sur toi... Le petit soucis là-dedans ? Ben du coup, en l'écoutant, je ne travaille absolument pas, et le reste des clients attend toujours. Voilà, c'est tout. 

Et puis je sais pas, cette table, avec le client trop gentil, elle est toujours maudite. On lui apporte un express à la place d'un café, on oublie le verre d'eau ou le deuxième sucre, on oublie carrément de lui amener sa commande, on se trompe en rendant la monnaie. Mais lui il ne s'énerve jamais. Il reste tranquille, il sourit, il rigole, il prend son temps, il laisse même un généreux pourboire. 

Alors n'allez pas croire que je n'aime pas quand les clients sont sympathiques (même si vous vous dîtes sûrement que je suis un peu bipolaire, vu que je viens de passer trois chapitres à critiquer les clients et que j'arrive à me plaindre du client sympa...), mais des fois, c'est énervant de le voir aussi calme, parce que justement on peut pas se plaindre de lui, je peux pas retourner dans la cuisine énervée en disant "quel con, je me suis trompée, oui, mais s'il me l'avait juste dit gentiment, ben je l'aurai juste changé, mais non, il a fallu qu'il m'insulte..." 

Ça nous met devant notre propre faute, et on est obligé d'assumer toute la responsabilité. C'est pas drôle, croyez-moi...

Donc je n'ai pas vraiment d'astuces, parce que bien-sûr, j'aimerais que tous les clients deviennent comme ça, et en même temps, bah... Non. Parce que je peux pas m'énerver contre lui...

Allez, à tout bientôt pour un nouveau chapitre, où, je vous le promets, on pourra bien critiquer de nouveau !