Chapitre 2

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Elle arriva devant l'école toute pomponée, encadrée par ses copines Sam et Milena, telles des militaires marchant au pas. Elles arrivaient prêtes à débuter cette nouvelle et dernière année d'école obligatoire. Nina n'en revenait toujours pas : lorsqu'elle était toute jeune, elle voyait les dernières années comme des adultes, et voilà qu'elle y était !
- Prêtes à décrocher le certif' ?
- Plus que prêtes ma poule ! répondirent Nina et Milena en chœur.
La semaine débuta alors gentiment, amenant les premiers devoirs et les premiers tests. Nina était une élève brillante, qui n'avait aucun soucis à se plonger dans le travail. Un vrai atout pour l'année difficile qui l'attendait.
Ce matin-là, sa classe débutait la journée avec deux périodes de gymnastique, les premières depuis la rentrée des classes. Impatiente, l'adolescente, qui avait désormais presque quinze ans, priait intérieurement pour que son enseignant soit Yann Ridalli, qu'elle avait déjà eu les deux années précédentes. Oui, elle l'appréciait beaucoup. Nina lui témoignait une grande affection, sans doute un peu trop d'ailleurs... Mais comment ne pas l'aimer ? Il avait été là, cet homme, quand elle broyait du noir et était recroquevillée sur elle-même au fond du vestiaire. Il avait été là quand elle ne pouvait empêcher les larmes de descendre le long de ses joues. Il était un pilier, un allié dans cette bataille qu'elle tentait de remporter chaque jour. Contre elle-même, contre le monde aussi. Elle s'accrochait à lui comme elle l'aurait fait avec une bouée de sauvetage.
Et c'est de cette façon que la jeune fille avait commencé à se perdre dans ce sentiment si fort, pénétrant, si puissant qu'aucun remède ne peut en stopper l'avancée : l'amour...
Assis formant un cercle parfait, tout le monde recevait son carnet de gymnastique. Les uns chuchotaient, d'autres ricanaient. Ils sentaient bien que la sonnerie ne tarderait pas à retentir. Et c'est ce qui arriva, finalement, quelques minutes plus tard. Chacun se retira dans les vestiaires, mais alors qu'elle se retournait, une délicieuse voix masculine la retint d'un mot :
- Nina ?
Se retournant, l'adolescente comprit de suite que le professeur de sport, cet homme qu'elle avait honte de regarder dans les yeux à cause des sentiments profonds qu'elle avait à son égard, l'avait bel et bien appelée.
- Oui ?
- Je peux te parler cinq minutes ?
La jeune fille étant bonne élève, elle acquiesça et s'approcha de Yann. Intimidée par la promiscuité de son corps et du sien, Nina regarda son professeur dans les yeux. Des yeux profonds...
 Et il se passa soudain quelque chose. Pas une action en soit, mais quelque chose de psychique : elle se perdait dans son regard, lui dans le sien. Ils avaient la même lueur qui dansaient dans leurs yeux, la même envie intarissable qui sommeillait en eux.
Il reprit la parole, la sortant de son état végétatif :
- Serait-il possible de te voir en dehors de l'école, cet après-midi à 17h00 ? Nous avons à discuter de ton année future, affirma-t-il sans détourner les yeux.
La jeune fille bafouilla quelque chose, qu'elle même ne comprit pas. L'homme la laissa partir, un sourire expressif sur les lèvres.
Sur le chemin du retour, Nina y pensa et repensa. Elle était partagée entre joie et honte : c'était comme un bruit silencieux qui lui traversait l'esprit, lui disant que c'était mal et en même temps que cela ne faisait rien.
Dans les films on ne nous montre jamais les gros imprévus que nous réserve la vie, on ne nous apprend pas que l'amour ne se trouve pas forcément dans un château de princesse.

Elle avait quinze ans, il en avait trente-cinq. Elle était sans-visage, il allait la faire devenir quelqu'un.

Sans-visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant