CHAPITRE 2 - Shio

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Je pensais avoir vécu le pire jour de mon existence, mais bien pire est arrivé après ce jour-là. La journée avait pourtant bien commencé. Comme tous les jours depuis deux ans, je me levais assez tôt pour profiter de la fraîcheur du matin. Je ne sortais presque plus de chez moi. Je me mis dans le jardin pour m'étirer et m'assouplir. C'était un réflexe dont je ne pouvais me débarrasser. Après ces exercices matinaux je rentrais prendre un petit-déjeuner. À ma grande surprise, mon père se trouvait dans la cuisine et semblait attendre quelqu'un. Lorsqu'il me vit, il me demanda de venir m'asseoir à la table, en face de lui. Ce que je fis sans poser de question.

– Shio, me dit-il sérieusement. Je voudrais que tu reprennes le patinage.

J'ouvris de grands yeux et le regardais, sans comprendre où il voulait en venir. Je le savais parfaitement. Cela faisait deux ans qu'il voulait que je patine de nouveaux. Pourtant, c'était la première fois qu'il me le demandait directement. En fait, cela sonnait comme un ordre.

– Moi aussi j'aimerais reprendre, commençai-je hésitante, mais tu sais comme moi que je ne peux pas. Le simple fait de mettre des patins me fait horriblement peur.

Je détournais les yeux pour ne pas croiser le regard de mon père. Il était le président de mon club de patinage et il attendait beaucoup de moi. Je savais que le fait que j'arrête le patin avait été douloureux pour lui. Mais après mon accident, impossible pour moi de remonter sur la glace.

– Écoute, Shio, reprit mon géniteur. Je sais que tu as souffert de cette blessure et que tu as peur. Mais je sais aussi que le patin est ta passion et je vois bien que tu tournes en rond dans cette maison. Je vois aussi qu'au fond de toi, tu veux reprendre.

Je levais les yeux vers lui, écoutant la suite.

– C'est pour cela que j'ai appelé ta mère pour qu'elle t'aide à surmonter ton traumatisme.

– Comment ?
– Nous allons combattre le mal par le mal. Tu iras sur la glace.

Il se leva et se dirigea vers la porte d'entrée.

– Dans trois jours je t'accompagnerais au Japon voir ta mère.

Sur ce, il sortit, sûrement pour aller travailler.

Trois jours après, en effet, nous sommes partis rejoindre ma mère. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Elle passe beaucoup de temps au Japon pour entraîner les jeunes patineurs débutants. Je me suis toujours demandée comment mon père et elle s'étaient rencontrés. Lui, un coréen qui vit pour son travail et elle, une japonaise passionnée par le patinage. Bref, nous avons retrouvé ma mère devant sa maison à Osaka. Elle était très contente de nous voir. Nous avons installé mes affaires dans ma chambre puis, pour la première fois depuis une éternité, nous avons passé un peu de temps tous les trois. Finalement, mon père est retourné en Corée le lendemain matin. Ma mère m'a laissé quelques jours de tranquillité pour que je puisse me préparer psychologiquement à monter sur glace.

Le jour fatidique était finalement arrivé. Ce jour qui allait être un grand tournant pour ma vie. Je m'étais levée tôt et préparée assez vite. Ma mère nous avait ensuite emmenées à la patinoire d'Osaka. Bizarrement, il n'y avait pas un chat là-bas. Juste nous deux. Elle est allée me chercher des patins et m'a forcé à les mettre. Je sentais son regard insistent pendant que je nouais les lacets au ralenti. Une fois les patins au pied, il allait falloir se lever. C'était déjà un exploit en soit que j'ai réussi à les mettre. J'ai quand même tenté de me lever. À l'instant même où je faisais basculer mon poids sur mes pieds, j'eus un vertige, mes oreilles bourdonnèrent et j'eus envie de vomir. Je me suis immédiatement rassise.

Les patins du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant