partie 3

15 3 2
                                    

La plupart des garçonnets de six ans auraient fait irruption dans la pièce en courant.
Christopher lui entra calmement d'un pas prudent mais sûr le dos bien droit.un large sourire illuminait son visage.
À sa vue , Peter sentit la fierté et l'émotion l'envahir.

-papa ?

L'enfant ignorait bien entendu que son père ne l'avait pas quitté des yeux depuis qu'il l'avait aperçu à l'autre bout du couloir. Il captait parfaitement la présence de Peter devinait ses moindres mouvements mais hélas était bien incapable de percevoir l'amour qui brillait dans le regard paternel.

- je suis là fiston.

-je le sais bien. Je sens l'odeur de votre Porto. Avec un petit rire Peter baissa les yeux sur le verre intact posé sur son bureau. Un verre rituel quotidien auquel il ne touchait jamais fût-ce du bout des lèvres.
L'odeur douceâtre de l'alcool lui chatouillait les narines. Il ferma les yeux inspira profondément....
et crut ressentir la brûlure familière le long de son œsophage.
Était-ce réel ou simplement une réminiscence?
Christopher pouvait-il ressentir la même chose lui qui n'avait jamais bu une goutte de Porto?
Il reporta son attention sur son fils.

- êtes-vous en train de travailler, papa? Je ne vous dérange pas?

-tu ne me déranges jamais, répliqua Peter sans hésiter. Viens entre fiston.

Christopher obtempéra avec un regain d'assurance. Peter prenait soin de ne jamais placer d'obstacle entre la porte et son bureau. La décoration de la pièce était relativement spartiate comme d'ailleurs toute la maison. Pourtant l'enfant ne se précipitait jamais dans les bras de son père, au grand désappointement de ce dernier. Des murs invisibles semblaient s'élever entre le monde de ténèbres dans lequel évoluait son fils et le reste de l'univers et l'empêchaient également d'accorder toute sa confiance.
Pour l'heure le visage de l'enfant exprimait un enthousiasme inhabituel.

- j'avais tellement hâte, papa ! Puis-je rester durant l'entretien?

-christopher...

- je serai sage je vous le promets!
Peter n'en doutais pas une seconde. À six ans son fils avait le maintien et la dignité d'un vieux lord siégeant au parlement!

- je le sais bien, répondit-il. Mais je ne vois pas l'intérêt pour toi d'assister à entrevue . Rien ne dit que ce candidat sera le bon.
Il ne souhaitait pas non plus que son fils entende ce qu'il avait entendu de la bouche de certains postulants . Nombre d'entre eux n'avaient aucune considération pour le handicap du petit garçon. Une telle attitude mettait Peter hors de lui . Néanmoins peut-être se montrait-il trop protecteur . Christopher était beaucoup plus patient et tolérant que lui et il était très mature pour son âge.

- bon si tu veux, concéda -t-il.
Rayonnant, Christopher s'enquit:

- où dois-je m'asseoir?

- pourquoi pas sur mes genoux?
Christopher qui ébauchait déjà un mouvement en direction du bureau, s'arrête net et croisa les bras avec indignation.

- ah nn! Sinon le monsieur va croire que je suis encore un bébé!

- impossible tu n'as jamais été un bébé rétorqua Peter en riant.
Dès son plus jeune âge, Christopher avait fait preuve d'une grande soif de connaissances et d'une grande précocité. À six ans il s'exprimait avec une aisance surprenante et possédait un vocabulaire très étendu. Qui plus est Peter avait rarement vu un esprit aussi logique sa mémoire était phénoménale dès l'âge de trois ans il était capable de réciter par cœur un texte qu'il n'avait entendu qu'une seule fois. Peter ne voyait donc aucune raison de ne pas lui enseigner l'alphabet braille le plus tôt possible.

pour les yeux de DayooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant