Conte chinois
Il était une fois l'Empereur du pays où se couche le soleil, qui avait de nombreux enfants. Quatre filles, et trois garçons, qu'il chérissait également. L'aîné de ces enfants, le prince Jiahao, allait bientôt fêter ses vingt-cinq ans et l'Empereur estimait qu'il était temps pour lui de songer à se marier. Cela faisait déjà quelques années qu'il lui enseignait l'art de gouverner, dans le but de lui léguer son trône lorsqu'il serait trop âgé, mais il voulait que son fils ait quelqu'un à ses côtés pour l'épauler avec amour, comme son impératrice. Alors il convia en son palais de nombreuses princesses et de nombreux princes, avec l'espoir que son fils trouve quelqu'un à son goût.
Ce qu'il ignorait, c'était que le prétendant idéal ne se trouvait pas du tout parmi ces belles gens qui se pressaient au palais impérial. Aux confins de l'empire, là où le grand fleuve prenait sa source dans les montagnes, vivait le premier prince du fleuve, un dragon puissant et magnifique qui répondait au nom de Hai-Ju. La réputation d'intelligence et de bonté du prince Jiahao avait voyagé dans tout l'empire jusqu'à lui, et la curiosité du dragon en avait été piquée. Voilà pourquoi, depuis une ou deux années, il s'assurait de rendre visite au prince Jiahao aussi souvent qu'il le pouvait, sans jamais lui révéler son identité.
Jusque-là, il s'était présenté au prince sous une forme sans cesse changeante, et Jiahao lui-même ignorait donc tout à fait que l'amitié et l'admiration du premier prince du fleuve lui était acquise. Il était loin d'imaginer que ce puissant dragon avait emprunté l'apparence d'un chat boiteux pour lui rendre visite, ou bien celle d'une vache amaigrie, d'une pauvre femme, ou encore d'un enfant malade. Et à chacun, il avait prodigué la même attention et la même douceur, se montrant prompt à soulager la misère et à respecter la vie et la sagesse d'autrui. Il écoutait toujours avec attention les doléances du peuple qu'il serait amené à gouverner un jour, et suivait les conseils que Hai-Ju lui transmettait indirectement, devenant chaque jour plus avisé et plus généreux.
À chaque fois, le dragon s'en retournait chez lui, par-delà les forêts et les montagnes, heureux de sa visite au prince Jiahao. Il se disait que cet homme était digne de commander aux autres et de régner sur le vaste empire du soleil couchant, mais déplorait que les dieux ne permettent pas aux humains d'avoir la longévité des dragons. L'idée de continuer à vivre toutes ces longues années sans son charmant voisin à ses côtés lui brisait le cœur et il cessait vite d'y songer pour ne pas se faire plus de mal que nécessaire.
Un beau jour, alors qu'il avait pris la forme d'un canard mandarin blanc pour s'en aller se poser sur le bassin du jardin où les enfants de l'empereur avaient coutume de venir se détendre, il vint à passer au-dessus d'un groupe d'enfants de la capitale. Ces derniers, avec la cruauté de leur âge, trouvèrent amusant de lui jeter des cailloux pour le faire tomber à leur portée. S'ils s'étaient contentés de le poursuivre, Hai-Ju aurait pu sans peine prendre un instant pour changer de forme et s'échapper, mais ces garnements préféraient de loin les pierres. À la première lancée, son aile gauche fut sérieusement touchée et son sang perla, tachant d'écarlate la blancheur neigeuse de ses plumes.
Hélas, cette première goutte de sang emporta avec elle la force du dragon et lui, le premier prince du fleuve, si puissant et fabuleux, ne fut plus qu'un malheureux oiseau apeuré et meurtri, fuyant la mort. Tant que son sang coulait, il ne pouvait user de ses pouvoirs et se retrouvait condamné à n'être que ce canard ébouriffé au vol harassé et aux plaintes douloureuses. En cet instant, ses solides écailles de nacre, ses griffes acérées et sa gueule bardée de crocs lui manquaient cruellement, il aurait pu d'un seul regard faire fuir ces gamins et se poser pour guérir en paix. Maladroit et blessé, il ne pouvait que se sauver pour échapper à ces enfants dont les petites mains peu assurées étaient pourtant parvenues à le blesser plus sûrement qu'une lame aguerrie.
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Contes d'Orient
ParanormalIl était une fois, dans des royaumes de sable brûlés de soleil, dans des contrées verdoyantes où la jungle bruisse de mille bruits, au pied des montagnes où se couche le soleil, de courageux princes, de sages princesses, de valeureux soldats et de g...