Blood and Bones

Chapitre 3

  Il remplit consciencieusement la seringue, sifflotant tranquillement. A coté de lui, une femme allongée sur un lit d'un motel miteux, du genre Formule 1 avec des cafards. Son acolyte était pressé et particulièrement venimeux ce soir. Ses yeux sombres étaient brillants de larmes mais elle ne pouvait parler ni bouger.
- Tu sais, coucher avec ce mec a été l'erreur de ta vie. Mademoiselle... quel est ton nom déjà?
De sa main ne tenant pas la seringue, il farfouilla dans le sac à main et en sortit le portefeuille de la jeune femme.
- Ah, mademoiselle Akane Honda. Venue en France pour un échange Erasmus ou quelque chose du genre je suppose, d'après ta carte étudiante. Mourir à vingt-deux ans, c'est quand même triste.
Il haussa les épaules et jeta le portefeuille dans le sac, d'une façon nonchalante. Il lui assura que lui-même n'avait rien contre elle mais l'autre... Ah Dieu qu'il était remonté! Lui au moins courait après son «ex», puisqu'il ne comptait pas laisser la situation ainsi, mais l'autre n'avait encore jamais ne serait-ce que touché la cible de son cœur. Ce qui rendait sa haine envers celles qui y parvenaient brûlante. Il comprenait cette jalousie, son Amour ne cessait de se faire tourner autour par des nanas ne méritant nullement son attention. Il planta l'aiguille fine dans la veine adéquate et poussa lentement, jusqu'à vider la seringue. Il n'aurait jamais cru que d'aider son stupide cousin vegan à foutre la merde dans un laboratoire faisant leurs tests sur des animaux l'aiderait à trouver une drogue si intéressante. C'était pour une affaire de cosmétiques ou il ne savait quoi. Son frère étant occupé à une course de moto ce jour là, il l'avait saoulé pour qu'il l'accompagne à sa manif. Une manif à coups de batte à clous mais ça n'était qu'un détail. Lui en avait profité pour regarder ce qui se trouvait sur les étagères et le curare lui avait donné envie d'essayer. Puis l'autre taré avait commencé à éprouver de sérieuses envies de meurtres et il s'était dit qu'ils pourraient faire affaire ensemble. Leur collaboration se passait plutôt bien. Il se pencha vers Akane qui ne pouvait que fixer ces deux yeux si bleu, tellement bleu alors qu'il souriait tel un ange à la beauté démoniaque.
- Je suis désolé, je l'entend arriver. J'espère que tu ne m'en veux pas trop, j'ai besoin de lui pour me débarrasser de mes propres parasites.
La porte claqua et un homme brun entra, vociférant de tout son être avant de se taire, fixant la jeune femme. Il demanda d'une voix calme, contrastant avec son ton excité précédent, si elle était prête et il lui répondit que oui. Peu après, il était affairé à son carnage avec un air aussi concentré qu'extatique. Le bruit humide du corps farfouillé en interne fini par être interrompu par la voix de Katy Perry. Son collègue le réprimanda de le perturber alors il enfila son bonnet et sorti de la chambre, allant parler dans la nuit. Au bout du fil, il entendit la voix de son aimé et s'en sentit tout excité. Dommage que ça ne fut que pour le réprimander et non pour lui dire de revenir dans son lit mais même ça, ça le rendait tout chose. Ah comme il lui manquait!

A force de fouiller, ils tombèrent sur la piste d'un laboratoire détruit lors d'une manifestation pro animaux qui avait mal tourné quelques temps auparavant, presque un an. Les meurtres n'avaient commencé que depuis deux mois mais ça pourrait coller. L'institut n'était plus inscrit sur la liste et ils étaient donc passés à coté au début. Une erreur heureusement vite réparée. Francis et Arthur se rendirent donc dans les nouveaux locaux de l'ancien directeur de l'endroit. Ce dernier les accueillit plutôt froidement mais ça ne les découragea nullement, habitué à ce genre de réaction face à la police. Les inspecteurs s'assirent sur les fauteuils désignés et immédiatement, l'homme prit la parole.
- Nos installations étaient parfaitement légales et contrôlées par les autorités sanitaires. Ces sauvages sont entrés de force et ont tout saccagé, blessant au passage le personnel de sécurité et scientifique.
- La plupart ont été arrêté et condamnés, statua Francis après avoir relu ses notes.
- La plupart mais pas tous. Des substances ont été subtilisé, des animaux relâchés, des mois de recherches effacés. Un complet désastre pour notre filiale.
- Et cela ne vous a pas donné envie de changer vos méthodes?
- Non monsieur Kirkland, nullement. Notre ligne directoriale n'a pas été ébranlée par ce mouvement violent.
- La méthode n'était pas la bonne mais le message ne vous atteint-il pas?
- Ce que nous faisons est parfaitement légal, insista l'homme avec un regard froid.
Ils comprirent que ça ne servait à rien de parler davantage sur le traitement des bêtes dans ces salles d'expérience. Il était hermétique à toutes réflexions. Ce qu'il faisait était légal donc il n'avait pas à se remettre en question. De toute façon, ils n'étaient pas là pour donner leur avis personnel concernant les expériences sur les animaux, quelle que soit la méthode utilisée. Et encore moins si tout était fait dans le respect des limites légales et sanitaires.
- Vous pourriez nous fournir une liste des substances volées, leurs noms ainsi que les quantités?
- Que cherchez-vous précisément?
- Du curare.
L'homme hocha la tête puis appuya sur un bouton de son bureau, ordonnant à sa secrétaire de chercher les données que réclamait la police. Ils discutèrent encore un moment de l'affaire le temps que la jeune femme puisse réunir les informations puis elle vint leur apporter, ainsi que du café, qu'ils refusèrent poliment. Les documents en main, ils repartirent vers leurs propres locaux. Pour l'instant aucune disparition ni aucun corps n'avait été signalé. Dans ce genre de situation, ils étaient partagés entre espérer qu'il n'y eut plus de victimes pour la sécurité publique mais également qu'il y en ait une dans l'espoir de pistes solides pour chopper ces timbrés, pour la sécurité publique également. Mais à choisir, aucune autre femme sacrifiée était tout de même préférable. Leur devoir était de protéger et non d'espérer une mort pour faire leur boulot. Plus vite ils attraperont ces salauds, plus vite la population serait tranquille. Et la procureure Chun Yan Wang cesserait enfin de leur hurler dans les oreilles qu'ils n'avançaient pas assez vite. Comme si ils ne le savaient pas eux mêmes!