L'Enfer

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Un marteau-piqueur semblait s'acharner sur mon pauvre cerveau. Je sentais que mon œil droit était tout enflé et ça, c'était anormal. Prudence. Je gardais les paupières closes et conservai une respiration régulière. S'il y avait un ennemi, il ne saurait pas que j'étais réveillée.

Première chose. Où étais-je? Certainement pas dans ma cache, car je ne me souvenais pas d'y être redescendue... Les événements me revinrent d'un seul coup. Merde! Il m'avait eu, ce salaud. Je sentais sous mon dos une surface molle. Un matelas? Il y avait longtemps que je ne m'étais pas étendue sur un truc aussi confortable.

J'étais dans le pétrin. Mon seul avantage était mon réveil discret. Ça n'était pas grand chose, me direz vous, mais on fait avec les moyens dont on dispose. Je ne connaissais ni mon emplacement, ni le nombre de démons qu'il pourrait y avoir aux alentours. Je n'entendais aucune respiration, mais Arrow aurait pu être à quelques centimètres de mon visage sans que je ne le sache. Ces créatures pouvaient se passer de respirer durant des heures. Que faire?

En tout cas, je ne pouvais pas rester immobile éternellement. Imprévisible étant mon second nom, je me redressai brutalement, poings prêts à frapper. J'étais seule. Pas de temps à perdre! Je sondai les alentours du regard. Un de mes yeux refusait de s'ouvrir. Beurk, je détestait ce genre de blessure. Ça me coupait la vision! Rien de pire pour une chasseuse.

Je me trouvais dans une pièce énorme, richement décorée. Il y avait sur les murs des tentures de velours et des fresques distinguées. Un roi il avait dit? J'étais dans un immense lit, allongée sur les couvertures et, heureusement pour les couilles d'un certain démon, toujours habillée.

Je me mis debout sans tarder. Je n'avais plus mes armes. Même les mieux cachées, si l'on peut dire, avaient disparues. Bon, changement de programme pour les bijoux de famille de ce pervers. Je devais m'enfuir. Correction, le tuer et m'enfuir ensuite. Il y avait un balcon. Je m'y précipitai afin de savoir si j'étais encore sur Terre. J'en doutais, la décoration de l'endroit étant typique d'un résident de l'Enfer. Ainsi que d'un mec célibataire. Quoi? J'avais vraiment pensé ça? Je secouai la tête pour en chasser ce genre d'idée. Il était juste un démon, pas un mec canon qui m'avait embrassée et souhait faire de moi sa reine, nan? En fait, il était ça aussi, constatai-je. Je déglutis. Faut se reprendre, Kimberly.

J'étais à une vingtaine de mètre du sol, sur un balcon, et sous moi s'étendait un désert noir et rouge. Noir pour la cendre qui recouvrait l'endroit et rouge pour les fleuves de lave qui sillonnaient la plaine. L'Enfer. Au sens propre. À ce que je sache, il n'y avait aucun moyen de s'enfuir de cet endroit tout seul. Il fallait un être capable de se téléporter. J'étais dans la merde jusqu'au cou, moi.

Le niveau monta un peu plus quand j'entendis la porte s'ouvrir. Je jurai dans ma barbe mais ne cherchai pas à me cacher. Dans le domaine d'un démon, il ne fait pas espérer un combat d'égal à égal. C'était plutôt comme être une mouche prise dans la toile d'une araignée. En gros, il fallait espérer un miracle. Ou le provoquer. Sans que je m'y attende, une main rugueuse se posa doucement sur mon épaule avant de glisser sur mon cou, menace à peine voilée. Il se déplaçait trop vite à mon goût, celui là.

-Alors, on aime la vue koomie?

Un frisson délicieux, mélange d'angoisse et d'autre chose me parcourut. Il avait soufflé ça à mon oreille, son souffle rauque dangereusement sexy. Il est l'ennemi, me sermonnai-je. Je me tournai pour lui faire face. Je levai les yeux (enfin, celui que je pouvais ouvrir) pour croiser les siens. Comme il était grand! Il posa ses mains sur mes hanches.

-J'ai déjà vu mieux, mentis-je

À la vérité, ce paysage reflétais assez mon âme. Morte. Ça me plaisait bien. Il retira ses mains de sur moi, vexé. Tant mieux, je n'arrivais presque plus à réfléchir. Une mèche sombre retombait sur son front et je résistai à l'envie de la replacer. Au lieu de quoi, je le poussai et retournai dans la pièce. Il grogna, derrière moi.

-Un peu de respect, beauté. Ici, c'est chez moi et je ne te laisserai pas faire n'importe quoi.

Il déraillait ou quoi?

-Premièrement, je n'ai jamais demandé à venir ici. Ensuite, ne viens pas me dire de te respecter, monsieur j'embrasse les filles sans leur accord!

Un rictus moqueur apparut sur ses lèvres. Il fit quelques pas vers moi. Sa démarche était juste... wow.

-T'avais pourtant l'air d'apprécier. C'est vrai que je suis un pro, alors c'est peut-être normal en fait.

Quel crâneur! J'avais envie de lui foutre mon poing dans la gueule à celui-là! Je fis un pas vers lui.

-Ce que j'apprécierais, Démon, c'est de te voir crever. Et de ma main.

-Essaie toujours, koomie, dit-il en s'approchant encore.

-Ne. M'appelle pas. Comme ça!

Nous étions quasiment nez à nez, tous les deux très en colère. Sous ses sourcils froncés, ses yeux dorés étaient parcourus de noir. Il agrippa ma nuque et je mis une main sur son torse. Il était musclé. Je croyais qu'il allait encore m'embrasser. Au lieu de quoi, il se pencha vers mon oreille et murmura un phrase qui eut le don de me pétrifier.

-Au fait, le blondinet qui t'apprécie tant est enfermé dans mes catacombes. Tente quoi que ce soit et il y passera, koomie.

Cal. Arrow me lâcha avant de quitter la pièce sans se retourner. J'allais le détruire. Je m'en fis la promesse.

La chasseuse et le démon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant