1 - Pourquoi ?

10 2 0
                                    

     
       Ma tête posée sur la paume de ma main maintenue par mon coude laisse paraître mon ennui pour ce foutu cours d'histoire-géographie.
Je n'écoute qu'à moitié, les yeux rivés vers l'extérieur de la structure.
Certains cours font effet somnifère sur mon cerveau et le mettent en mode "off".

- Mademoiselle Greene, dehors est plus intéressant que mon cours ?

À l'appellation de mon nom, les yeux mi-clos, je la vois mains sur les hanches et les sourcils froncés.

- Vous devriez écouter plutôt que de rêvesser. -reprend-t-elle.

Je soupire en me redressant sur ma chaise, les mains jointes sur la table en attendant la dernière sonnerie avec impatience.

      La journée est ENFIN terminée. À l'arrêt de bus, je sors mon téléphone pour vérifier si mon frère m'a envoyé un message -ou pas-. Il le fait lorsqu'il rentre avec ses soit-disant "potes" -ce qui est assez souvent-.
En effet, il m'en a envoyé un il y a quelques minutes me disant de ne pas l'attendre.

Le bus arrive, les portes automatiques s'ouvrent et tous les gens s'engouffrent à l'intérieur en validant leur carte ou prenant un ticket en saluant le conducteur.
Je les imite et vient m'asseoir sur un siège près de la fenêtre, laissant sortir l'air accumulé dans mes poumons.

Le trajet s'est fait dans le silence, malgré des discussions tout de même présentes.

Le soleil vient caresser mon visage en marchant dans la rue. L'air du printemps va bientôt laisser sa place à celui d'été ce qui me réjouit un peu plus avec le fait d'être en week-end.

En m'approchant de ma résidence, la voiture de mon père est garée dans l'allée. Il a quitté plus tôt aujourd'hui, comme certain jour.

      Je referme la porte derrière moi et enlève ma veste kaki.

- Papa ! Je suis rentrée !

Mais la maison est sans bruit, calme et il semble n'y avoir personne.

Je marche prudemment vers la cuisine mais personne. Juste quelques fruits et un yaourt nature entamé ça et là sur le comptoir.

- Papa ?

Je tourne la tête vers le salon relié à la cuisine et y vois des pieds chaussés d'une élégante paire, sa paire.

J'avance d'un pas rapide vers celui-ci et contourne le canapé sans le regarder.

- Papa qu'es que tu fais allongé su...

Mais à ce moment là, à ce moment précis, je me suis dit : pourquoi.
Je reste stoïque comme une statue en pierre.
Je ne peux plus bouger, plus aucun son ne sort de ma bouche. Les larmes dévalent à flot mes paumettes jusqu'à tomber sur mes lèvres et y donner un goût salé sans pouvoir les stopper.
Soudain, je me mets à hurler, à hurler tellement fort qu'on aurait l'impression que je hurle la mort. Sauf que ce n'est pas moi qui suis morte, c'est mon père.

Une immense flaque de sang sur le tapis bordeau ainsi que sur sa chemise blanche déchirée à plusieurs endroits. Je tousse, sur le point de vomir et me tourne de cet immonde image qui me hantera à jamais.

La conscience reprenant un peu le dessus, je cours comme jamais je l'ai fait jusqu'à ma veste et sors mon portable d'une main tellement tremblante que je manque de le faire tomber.
Les larmes me brouillent dangereusement la vue. J'ai la nausée, les jambes qui peuvent lâcher à tout moment, je suis désemparée.

Sous la pression et l'angoisse, je n'arrive plus à appeler mon frère.

Concentre-toi.

Après quelques tentatives foireuses, j'y arrive enfin.
Les petits sons qu'émet mon téléphone m'indique que le sien est entrain de recevoir mon appel.

MolniyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant