LES AVENTURES DE MIGNANE

Partie 3_La fillette et le vieillard

Mignane était encore perdu dans ses réflexions, qu'il n'avait pas vu le petit serpent qui se dressait sur son chemin. C'était un petit serpent marron. Mignane, en le voyant, s'arrêta soudain. Les poils de sa tête se dressèrent et une onde inexplicable semblait coulait de sa nuque à sa colonne vertébrale. Il était comme tétanisé car il avait toujours peur des serpents. Pourtant, on lui avait toujours répété lors de son initiation, que le serpent avait peur de l'homme et que si on ne le mettait pas en danger, il s'en va sans problème. Malgré cela, il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur. Que lui voulait ce petit serpent ? Il ne fuyait pas et il avait levé sa petite tête vers lui, avec ses yeux malicieux, il le regardait comme s'il voulait l'empêcher de continuer son chemin. Mignane avait une impression bizarre, comme si quelque chose le liait à ce serpent. Il voulut le contourner, mais le serpent lui barra la route, tout décidé à ne pas le laisser passer. Mignane ne savait plus quoi faire, mais il devait garder son sang-froid s'il voulait dépasser la situation et sortir vainqueur. Mais là, il n'avait aucune solution en ce moment. Il ne pouvait pas affronter frontalement ce serpent. Soudain, il se souvient de la poignée de sable que lui avait remise le vieux Sobel.

« Prends en soin et chaque fois que tu ne trouveras plus aucune solution, laisses-en tomber quelques grains sur terre », lui avait répété le vieux Sobel. Mignane sortit la motte de terre qu'il avait enveloppée dans un morceau de tissu. Il en prit une petite pincée de ses grains noirâtres entre ses doigts et les laissa tomber à terre. Alors subitement, comme par enchantement, une grande voie s'ouvrit devant lui. Elle était bordée à gauche et à droite de grands arbres et des fleurs multicolores qui dégageaient un parfum qu'il n'avait jamais connu auparavant. Le serpent avait disparu, mais devant lui se tenait une petite fille. Elle était habillée d'une tunique faite d'une seule pièce comme si elle n'avait pas été cousue. Elle était pieds nus et de tout son corps se dégageait une telle grâce que Mignane semblait être hypnotisé. La petite fille était d'une noirceur d'ébène. Cette noirceur dont le corps déborde de mélanine et n'est pas encore agressé par les cosmétiques des temps modernes. Elle respirait la santé et était toute naturelle. Mignane ne pouvait pas se l'expliquer, mais il lui semblait avoir connu cette petite fille. Celle-ci lui tendit la main. Mignane lui prit le bras et la fillette s'engouffra avec elle dans les bois, quittant ainsi le chemin.

Mignane marchait depuis un bon moment à travers les bois. Les herbes, arbustes et branchages semblaient faire la révérence à cette petite fille magnifique. Malgré les épines, la fillette marchait avec insouciance et ne semblait pas être dérangée outre mesure par elle malgré ses pieds nus. Mignane avait du mal à la suivre. Enfin, au bout de trente minutes de marche à travers la forêt, la fillette ralenti son pas et quelques mètres après elle s'arrêta de marcher. Elle tourna la tête vers Mignane et lui jetant un regard furtif mais profond, lui intima de la tête de s'avancer. Sa mission était terminée et il allait devoir continuer seul sa route. Il traversa un petit bosquet et soudain un chemin sinueux s'ouvrit à lui. Mignane l'emprunta et au bout de cinq cents mètres de marche, il tomba pile sur une grande clairière. Il n'en revenait pas. Ce qu'il voyait était tout simplement magnifique. Réunis tout autour de la clairière, il y avait beaucoup d'animaux de tous genres. Des bêtes sauvages comme des animaux domestiques. Des lions, des hyènes, des loups, des chevaux, des ânes, des chameaux. Toutes les espèces étaient représentées. Il y avait également tous les types d'oiseaux jusqu'aux moineaux. Le décor était indescriptible, tellement magnifique et riche en couleurs que Mignane ne saurait le décrire. Jamais de sa vie il n'a vu un tel décor, même pas dans ses rêves. Mais le plus impressionnant, c'est qu'il régnait un silence d'or. Pas de cris ni piaillement. Chaque être vivant qui était là semblait attendre quelqu'un. Même les animaux dont on ne pouvait jamais imaginer qu'ils pourraient habiter ensemble était là côte à côte. Personne n'attaquait personne et personne ne se regardait en chien de faïence.
Mignane restait là un moment à observer le décor. Que pouvait signifier tout ceci ? Qu'allait-il lui arriver ? Il se posait toutes ses questions, mais il n'avait pas peur, car depuis un certain temps il avait appris à dominer sa peur. En effet, il était sûr que quoi qu'il puisse arriver dans la vie, cela devrait arriver. Le hasard n'existe pas et pour lui toutes choses concourent au bien être de l'humanité. Soudain, comme sortit de nullepart, un homme apparu au milieu des animaux. Mignane pensait que c'était un homme, mais en réalité c'était un esprit et il le savait. Mais il avait pris la forme humaine pour pouvoir se faire voir des humains. Mais dans son for intérieur, Mignane savait que c'était un esprit. Il pensait que c'était un homme, mais en réalité il n'était ni homme ni femme. Ou bien si, il était homme et femme à la fois. Mignane se perdait en conjectures et dans ses réflexions, tellement cet esprit sous forme humaine était indescriptible. Il (elle) avait tous les attributs d'un homme et d'une femme, et en même temps n'en avait aucun. Cet « homme » était vraiment conforme à l'image qu'il se faisait de Dieu, Roog Sen. A l'arrivée de l'homme, qui était fort et dégageait une telle grâce qu'il hypnotisait tout ce qui était autour de lui, l'assemblée des animaux se leva comme une seule bête. A côté de l'homme, il y avait la fillette qui avait conduit Mignane de la lisière de la foret à la clairière. Elle fit signe à ce dernier de s'avancer. Mignane s'avança et plus il approchait, les animaux lui faisait du chemin et tous se tournait vers lui. Il sentait que ce jour allait être exceptionnel.

Mignane continua à s'avancer et arrivé à un mètre de l'homme et de la fillette, ce dernier étendit la main, lui faisant signe de s'arréter. Il s'arrêta pile et regarda le vieux en face. Mais il baissa aussitôt la tête car il ne pouvait soutenir le regard perçant et quasi hypnotique de cet homme. Il se dégageait de lui une telle aura et un tel charisme que Mignane se sentait très petit à ses côtés. Alors, le vieillard lui dit d'une voix grave et magnifique à la fois :

-Jeune homme, qui es-tu et d'où viens-tu ? Mignane avait de la peine à répondre, tellement il était intimidé par ce personnage atypique. Il débita d'une voix hâchée qui montrait nettement qu'il n'était sûr de lui.

- Je, je....m'ap....pelle Mi...mi...migane.

-Ha, ha, ha, ha,ha, ricana le vieux. Il semblait se délecter de la confusion dans laquelle se trouvait ce jeune homme. Alors, il lui dit :

-pourquoi as-tu peur ? De quoi as-tu peur ? De moi ou de l'inconnu, parce que tout simplement tu ne sais pas ce qui t'attends ? Tu as raison d'avoir peur jeune homme. Mais le problème pour toi, c'est que l'objet de ta peur en ce moment est imaginaire. Tu as peur de moi et de l'inconnu. Or, moi je n'existe pas parce que je suis. Tu as peur d'une personne qui n'existe pas et tu ne peux m'échapper car je suis en toi depuis la nuit des temps. J'ai voulu que tu sois là aujourd'hui en ce moment précis pour accomplir une mission précise. Tu as peur de l'inconnu ? Ce n'est que perte du temps, car tu n'as aucun pouvoir sur ce qui doit arriver et d'ailleurs tu ne sais pas même pas ce qui t'adviendra demain. Alors pourquoi te torturer avec une peur inutile ? Ce qui doit te faire peur c'est toi-même. Tu ne connais pas qui tu es et tu ne sais pas d'où tu viens. Comment pourrais-tu prétendre connaitre le monde et ce qu'il renferme si tu ne te connais pas toi-même ? Tu es en voyage d'initiation mon fils. Alors ouvre ton cœur et que ton esprit s'inspire de la Maât, car la Maât est la vérité et la justice. Je suis la Maât et tu es là parce que je l'ai voulu. Durant ton parcours tu apprendras à connaitre le monde et ce qu'il renferme et l'homme et ce qu'il contient.

Vois-tu mon fils, J'ai accompli quatre bonnes actions à l'intérieur du porche de l'horizon. J'ai créé les quatre vents afin que chacun puisse respirer dans son environnement ; ce fut une des actions.

J'ai créé le grand flot (la crue) afin que le petit comme le grand s'en emparent ; ce fut une des actions.

J'ai créé tout homme égal à son semblable, je ne les ai pas autorisés à commettre le mal ! Mais leurs cœurs ont contrevenus à ce que j'avais dit ; ce fut une des actions.

J'ai fait que leurs coeurs n'oublient pas l'Occident, afin de faire des offrandes divines aux dieux des nomes; ce fut une des actions.

J'ai créé les dieux de ma sueur et les hommes des larmes de yeux (...) !»

«Les hommes sont les larmes de mon œil !».

«Les larmes, c'est ce que j'ai produit à cause de la colère (suscitée) contre moi!; les hommes appartiennent à la cécité qui est derrière moi!».

«Il (= le dieu Chou) sait faire vivre «celui qui est dans l'œuf !» dans chaque ventre, à savoir les hommes qui sont issus de mon œil, que j'ai envoyé (contre eux) !»

«Alors que la terre était dans des nuées obscures, il donna à voir à tout œil, repoussant les visages «anéantis !» (C'est-à-dire ! «Aveugles !»), faisant apparaître «les visages !» (= les hommes) hors de l'œuf mystérieux, en qualité de Nourrisson-de-l'Ogdoade. Il a construit les hommes (à partir) des larmes de son œil, (et) il a préparé ce dont avait besoin les dieux (...!)»

Mon fils, sache que chaque individu compte en lui une dizaine de composantes matérielles et immatérielles qui l'intègrent dans la sphère terrestre du et dans la sphère impalpable des et . Après la mort, grâce à ses composantes éthérées, l'individu peut espérer une survie posthume dans la tombe et une existence immortelle auprès des puissances surnaturelles qui règlent les phénomènes cosmiques. La conservation du souffle de vie est cependant conditionnée par le respect, la vie durant, des principes de la (Vérité-Justice) et par la maîtrise efficace de la magie-. Cette dernière est à la fois une puissance intérieure et un savoir livresque qui permettent aux humains de s'assimiler aux dieux.

Mignane écoutait religieusement l'enseignement du vieux. Tout autour de lui, tous les animaux et oiseaux étaient également tout ouïe

Extrait des Textes des Sarcophages ( env. 2000-1780 av.J.-C .)

Ostracon Caire 25207 (tombeau de Ramsès IX) (env. 1126-1108 av. J.-C.)