1 - Mysterious Stranger

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Je tournais en rond dans ma chambre, j'avais effectué toutes les tâches que ma mère m'avait donné ce matin avant de partir. J'avais appris mon allemand avec brio et copié ma leçon de mathématiques avec soin. Ma chambre était si bien rangée qu'elle paraissait inhabitée. Les peluches étaient alignées sur l'étagère, les livres classés dans la bibliothèque et mon lit tiré à quatre épingles. Mes parents étaient stricts et rien ne devait jamais dépasser, d'après ma mère « une maison rangée est un esprit ordonné ». Je faisais tourbillonner ma chaise de bureau en regardant le plafond. De petites étoiles fluorescentes y étaient collées, du temps où j'espérais encore pouvoir toucher les astres.

Ma chambre de petite fille était pour moi comme un sanctuaire dans lequel je me sentais protégée du monde extérieure. Je ne sortais pratiquement jamais dehors. Je n'avais jamais fréquenté l'école, privilégiant les cours à domicile, ne faisant que raréfier mes sorties, mes parents pensaient avoir tout contrôle sur moi. Ma situation m'avait permis de connaître beaucoup de choses notamment grâce à mes lectures. Alors je lisais, pour passer le temps et parce que c'était mon refuge, là où personne ne pouvait me dire quoi faire.

Ma mère avait un poste très important auprès des dirigeants du pays. Son bureau m'était une pièce interdite, mais en dix-sept ans j'avais eu plusieurs l'occasion de m'y rendre clandestinement, assouvissant ma curiosité. J'avais pu parcourir des tas de livres aujourd'hui interdits et j'avais pu laisser mon esprit imaginer à travers les pages ce qu'était le monde avant. La société dans laquelle je vivais était dénuée de toute éthique et de tout sens moral. J'avais bon nombre de fois questionner ma mère sur les changements qui avaient été opéré ce dernier siècle et qui avaient changé notre monde. Malheureusement les seules réponses que j'obtenais étaient vagues et nourrissaient l'esprit patriotique « Ce monde est bien meilleur, tu es en sécurité grâce à notre politique ma chérie ».

Elle pensait que j'ignorais tout mais j'avais lu les articles de journaux cachés dans les immenses étagères de son sanctuaire, j'avais pu imaginer les horreurs décrites dans ces documents confidentiels. Après avoir été secoué par la guerre civile, le terrorisme, les pandémies, la pollution et les attaques nucléaires, notre pays revivait peu à peu de ses cendres. Combien de fois aurais-je voulu parler de tout ça avec un ami, mais j'étais comme retenue en otage entre ces murs dorés. Nous avions une maison, immense, sur la colline comme ps mal de riches et personnes importantes. Mon père était chercheur à l'institut international de la santé, en bref il trouvait des remèdes aux maladies qui rongeaient encore nos campagnes et les zones les moins développées de la planète.

Dès que je n'avais plus rien à faire je ressassais sur ce monde qui fut auparavant le notre. Je décidai de me lever pour choisir un livre dans la bibliothèque, afin de chasser mes pensées moroses. Du bout des doigts je caressais les côtes usés des livres que j'avais lus et relus. J'aperçus alors le tatouage à l'intérieur de mon poignet droit. C'était une marque grise très fine et petite où était inscrit « 13 154 823 ». Mais ce n'était pas un tatouage comme les autres, du plus loin que je m'en souvienne, j'avais toujours porté cette marque. Lorsque j'avais interrogé mes parents, la seule réponse que j'avais obtenue était que je l'avais depuis ma naissance puis ils changeaient rapidement de sujet et je n'insistais pas.

Fatiguée de devoir lire encore une fois les mêmes livres, je pris une décision : sortir en ville pour me procurer un nouveau roman. Je ne sortais pratiquement jamais de chez moi et sûrement pas seule. Mais depuis quelques temps l'irrésistible envie d'aller à la librairie me gagnait. J'avais demandé à ma mère mais celle-ci ne m'avait pas vraiment écouté prétextant un travail monstre. Ma mère était membre du conseil. Un rôle important dont je n'avais pas encore saisie toutes les facettes.

J'enfilai un short en toile parfait pour les chaudes journées d'été. J'ignorais tout des autres enfants de mon âge, mes seuls amis étaient mon voisin Gregory âgé de douze ans et son lapin nain. Autrement dit, j'étais une jeune fille terriblement seule. Ainsi je m'habillais comme ma mère me le dictait. Mais dans quelques semaines j'aurai 18 ans, un pas de plus dans le monde des adultes. Mes parents ne pourraient pas me garder pour toujours prisonnière des murs de ma chambre.

CLOUDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant