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Contrairement à ce que l'on pouvait penser, "Le Zanzibar" était un bar intimiste. Le lieu, d'où s'échappait des sonorités jazzy, se situait au détour d'une rue discrète, éloigné du centre-ville. Autant dire qu'il fallait être un habitué pour en connaître l'emplacement. Et pourtant, c'était un repère qui valait de l'or pour certains.

-Ils vont sortir dans combien de temps tu crois?

-Une plombe, c'est toujours pareil avec eux.

Dans l'habitacle d'une luxueuse voiture garée en contre-bas, deux personnes faisaient le pied de grue. Voilà maintenant quelques heures qu'elles attendaient devant la façade discrètement illuminée. Les néons aguichaient subtilement l'oeil et éclairaient le vigile à l'entrée du bar. Une brise nocturne secoua les branches des arbres alentours et les effluves d'un marchand de café ambulant chatouillaient les narines.

-J'en ai marre de rester là Andy!

-Tu crois que j'en ai pas ma claque moi aussi?

-Je suis fatiguée en plus.

-Parce que je ne le suis pas, peut-être?

-T'es chiant!

-Toi aussi tu l'es Shannon.

Tout deux se fixèrent en chien de faïence, habitués à ce genre d'accrochage. Et comme à l'accoutumé, la première à renoncer fut Shannon. En passant son doigt sur la radio, elle combla le silence par un tube furieusement tendance. En plus de ça, elle avait besoin d' un remontant. S'il lui permettait de tenir sur pied encore quelques heures, il était le bienvenu.

-C'est ta cinquième canette aujourd'hui. Tu devrais lever le pied.

-Ça m'aide à tenir encore un peu, soupira-t-elle.

-T'aurais pas du venir. J'aurais du t'emmener un autre jour.

-J'ai pas cours demain.

Et avec précaution, elle manipula l'appareil photo d'Andy pour tester les options. Amusé, celui-ci tapotait le volant en rythme, gardant toutefois son attention en alerte. C'est qu'il fallait être attentif à chaque instant, une minute et ils risquaient de filer. Toute cette attente aurait été vaine.

-Y a personne, pas besoin d'être sur tes gardes, lui dit Shannon.

-Ouai, pas encore.

La jeune femme leva vers Andy un regard curieux. Son oncle était si nerveux qu'il lui faudrait d'un simple bruissement pour qu'il dégaine son appareil photo. La fatigue et la frustration qu'il éprouvait semblait n'être que pure adrénaline, courir après des célébrités ne devait pas être de tout repos. Cette soirée, ils s'étaient pourtant contentés d'attendre devant un bar. Pas très excitant comme première expérience. Elle lui en avait fait part au bout d'une demi heure d'attente à se ronger les ongles; Andy lui avait répondit que parfois, il fallait faire preuve de patience inouïe. Qualité dont elle n'était pas pourvue.

-Bon qu'est-ce qu'ils foutent encore?

-Dis Mini-Pouce, pourquoi t'es venue? Pour te plaindre?

-M'appelle pas Mini-Pouce déjà!

-Trop tard! Lui lança-t-il en lui ébouriffant les cheveux. Et pour ta gouverne, ils font leur vie. C'est à nous de nous plier à leur emplois du temps.

-Mais c'est pourri ton taff alors!

-Je ne trouve pas, avoua Andy en riant. C'est juste que ça ne convient pas à tout le monde.

-Nan c'est nul d'attendre comme ça. On dirait qu'on est leur esclave à les suivre partout!

Le jeune homme soupira, des vestiges d'hilarité sur son visage. Il baissa la musique pour complètement l'éteindre. Le silence les engloba à nouveau.

-Shannon... Plus nous sommes loin d'eux, mieux ils se portent. Tu le sais ça?

-C'est injuste, c'est grâce à vous qu'ils ont une pub quasi- quotidienne!

-Je peux comprendre que ça puisse les déranger, avoua-t-il à mi-voix. À force.

L'étudiante s'installa plus confortablement dans le siège en cuir et croisa les bras. Toujours personnes dans les environs.

-Ouai mais c'est de l'ingratitude quand même! Ça les arrange quand on parle d'eux, ça fait monter leur côte de popularité.

-C'est vrai, concéda Andy.

-Et après on ose vous appeler « Photographe à la sauvette »!

-Tu aimerais qu'on te prive de ton intimité, toi?

Shannon fronça les sourcils et secoua la tête tandis que le jeune homme soupira. Sa nièce devait bien se rendre à l'évidence qu' à vouloir traquer le moindre scoop, les autres de son espèce étaient la peste des célébrités. Andy le concevait tout à fait mais ne pouvait pas résoudre à changer de métier. Il était photographe de profession lorsqu'il recevait des commandes mais elles étaient si rares qu'il arrondissait ses fins de mois en s'improvisant paparazzi. À présent, cela lui collait à la peau mais qu'importe, il faisait taire sa morale. Se redressant soudainement, Shannon déclara toutefois:

-Oui mais moi, je ne suis pas une célébrité Andy. Quand on est une star, on doit tout accepter même ce qui nous déplait. Et quand on en devient une, on renonce à notre intimité.

CinédieWhere stories live. Discover now