À pleine vitesse

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Satisfait, j'abandonne la salle de sport, mon sac suspendu sur l'épaule. Je prends mon temps pour regagner l'hôtel avant de retrouver Elliot, comme convenu, en vue d'une visite guidée. Bien que je n'aie plus rien à découvrir de San Francisco, parce que tout me revient inlassablement en mémoire. Chaque recoin, chaque endroit que j'ai fréquenté pendant ma jeunesse. Les lieux où j'ai traîné avec des potes de galère. Le quartier général que l'on avait créé dans un vieil entrepôt désaffecté et où nous nous retrouvions après notre journée. Bière à la main et cigarette dans l'autre, à refaire le monde.

Même si la vie n'était pas facile, c'était une sacrée époque et la nostalgie de ses instants d'insouciance me fait arrêter devant une vitrine. Mon regard se perd sur une moto exposée sur un plateau tournant. Avec mon permis obtenu à Boston, le film de mes déplacements est comme une évidence dans ma tête. Une cylindrée de ce genre correspond exactement à ce dont j'ai besoin pour me faufiler dans la circulation. Je jette mon dévolu sur cette Custom et rentre pour l'admirer de plus près. Mes doigts glissent sur le réservoir d'essence noir, mes yeux caressent ses courbes et je finis par poser mon sac au sol, grimpe sur la selle, double place en cuir, pour faire corps à corps avec la machine. Les deux mains sur le guidon, je me laisse surprendre par un raclement de gorge qui vient de derrière et j'envoie un regard par-dessus mon épaule.

— Je vois que vous semblez installé confortablement. Alors, elle vous plaît ?

Je me redresse et observe une nana avec quelques dreadlocks bariolées, emprisonnées dans un bandana, encadrant un visage métissé avec un sourire badin. Vêtue d'un slim cuir sur les fesses, un top trop serré pour camoufler sa poitrine généreuse, chaussée d'une paire de Doc Martens qui monte à demi-cheville. Elle est en train de s'essuyer les mains sur un chiffon plutôt dégueulasse et se dirige dans ma direction. Son look est assez original, mais elle a l'air d'assumer complètement ce côté biker féminin ou garçon manqué. Je ne saurais pas trop bien définir son style et je suis loin d'être au goût du jour en ce qui concerne la mode, puisque j'ai tendance à vouloir me fondre dans la masse, pour être comme monsieur et Madame tout le monde.

— Y'a moyen de faire un essai ? demandé-je.

Elle joue avec l'anneau qu'elle a sur sa lèvre inférieure avec le bout de sa langue et me scrute de la tête aux pieds.

— Si je grimpe derrière vous, pourquoi pas ? mastique-t-elle son chewing-gum bruyamment.

Quoi ?

Interloqué, je la regarde se pencher au-dessus d'un comptoir pour en sortir deux blousons et deux casques intégraux, planqués derrière, offrant à ma vue ses fesses rebondies. Elle s'avance vers moi et me tend une panoplie, sourire aux lèvres, en train de me reluquer ouvertement de la tête aux pieds.

Pour la discrétion tu repasseras...

— Et vous, ce que vous voyez, vous plaît ? m'agacé-je.

Encore une qui fantasme sur ma plastique et je sens que ça va vite me casser les burnes. Qu'est-ce qu'elles ont toutes à baver comme des limaces ? Franchement, ça me dépasse.

— Tu as un truc en trop chéri, pouffe-t-elle en regardant mon entre jambe. Mais je pense que c'est à ta taille. Mieux vaut être prudents. Suis-moi, il y a la même dans le garage derrière la boutique.

Ah ben merde alors !

Je ne m'y attendais pas du tout et la suis la queue entre les jambes, après avoir fermé la porte de la boutique. Que répondre à ça ? Absolument rien, mais apparemment je n'ai pas d'autre choix que de l'avoir sur le dos. À sa place, je me méfierais aussi et m'assurerais que la machine revient en un seul morceau.

Beyond The Scars (publié chez les éditions shingfoo)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant