2 - L'Audace

7.2K 61 1
                                        


Soixante-huit jours déjà. Soixante-huit jours que je n'ai pas ressenti l'étreinte soyeuse et nervurée d'un foutu vagin. Sans pouvoir entendre le claquement frénétique de ma virilité bataillant une paire de fesses dégoulinantes de sueur et de plaisir. Sans voir l'objet de mon désir se dilater sous les coups de ma fureur libidineuse.  Laura était une jeune femme formidable, pleine de grâce, pulpeuse, généreuse, ne refusant rien de ce que son corps béni pouvait m'offrir. J'eus même le droit à l'exclusivité de son antre défendu, de son petit bourgeon brun, de cet honteux orifice dont trop peu de gens s'autorisent à en jouir. Une première pour nous deux. Mes derniers souvenirs érotiques remontaient au temps où nous étions encore ensemble. Je revois encore aujourd'hui très distinctement les courbes de sa chair, les sublimes imperfections qui pouvaient parcourir sa peau, ses seins ballottants, ses cuisses vibrantes

Je regrette de ne pas me souvenir de l'expression qui inondait son visage tandis que nous ne faisions plus qu'un une dernière fois. Je n'avais jamais connu d'expérience comme celle-ci, elle dépassait le cadre du simple plaisir physique. Au cours d'une seule et même baise, je pouvais tout aussi bien tomber dans la folie de l'envie, exploser de joie et finir mélancolique. Plus grand est le plaisir, plus rude est son absence. Ah Laura, pourquoi fallait-il que tu sois ainsi ? Ou plutôt, pourquoi fallait-il que tu cesses de l'être ? Est-ce moi qui suis allé trop loin ? Ai-je repoussé les limites de ta lubricité ? Ou ne m'aimais-tu juste pas assez pour y consentir ? Quelques que soient les raisons qui l'aient poussées à partir, je ne pourrais jamais cesser de repasser en boucle les images du meilleur coup de ma courte vie dans mon petit cinéma intérieur.

Après m'être soulagé, sans vraiment l'être toutefois, il était temps pour moi de regagner l'appartement que je louais à Porte de Clichy. Je pris le premier métro et m'assis au milieu de toutes les effluves désespérées des travailleurs estivaux. Depuis quelques jours, je me surprenais à faire passer l'attente immobile de mon trajet en reluquant les femmes qui partageaient ma rame de métro. Pendant une vingtaine de minutes, je parcourais d'un œil vif tout le wagon afin de trouver la figurante de mon futur fantasme. Une fois décelée, je passais le reste du voyage à m'improviser physionomiste, voire même psychanalyste. Quelle devait être sa taille ? Son poids ? Son tour de poitrine relevait-il du bonnet C ou d'un D bien dissimulé ? Était-elle timide ou sauvage ? Dominante ou soumise ? Combien de rendez-vous accordait-elle à son soupirant avant de le laisser pénétrer son intimité ? Séparait-elle le sexe et l'amour ? Allait-elle se masturber en rentrant pour se soulager de cette étouffante journée de juillet ? Ou bien retrouver son amant et suer ce qu'ils leur restaient de liquides corporels ensemble ? Même si je supportais mal la chaleur caniculaire, je devais au moins lui reconnaître l'aimable faveur de faciliter mon imaginaire en poussant aux tenues les plus légères. Robes d'été à fleurs virevoltant aux vents engouffrés des fenêtres ouvertes du métro.

Justement, six arrêts avant le mien vient s'installer une déesse métisse aux cheveux bruns roussis, frisés, affublée d'une robe jaune, assez courte,  à col blanc, alliant à merveille deux styles à l'opposé. Elle s'assit à trois mètres de moi, sort ses écouteurs et son portable et ne le quitte plus du regard. Âme analogique coincée à l'ère du numérique.

En outre de sa peau café au lait et sans aucune imperfection, ce qui retient mon attention, c'est son visage. Plus particulièrement sa bouche. Elle est petite, presque ronde mais dotée de lèvres bien charnues. Épaisses même. Elles sont la promesse de baisers d'une tendresse sans pareil mais ce ne sont pas les miennes que je souhaite faire rencontrer. Non, cet orifice semble avoir été forgé, moulé, destiné à accueillir le plus chaleureusement du monde n'importe quelle verge, petite ou grande, large ou fine, en exerçant la parfaite pression, la parfaite succion, tout le soin et l'attention que demande cet acte. Cette bouche est faite pour aimer les hommes. Et je ne suis pas le seul à l'avoir remarqué. Un homme plutôt gras, presque chauve alors qu'il n'est que dans la trentaine, au regard vitreux où se reflète une érection de cheval, ne cesse de fixer ce qu'il imagine être le prochain saint Graal du foutre. D'ailleurs, l'attraction est telle qu'il s'enhardit, lui qui a dut cesser d'attiser le désir des femmes depuis l'apparition de son troisième menton. Il se lève, se racle la gorge et lui fait un signe de la main. Elle ne daigne même pas lever les yeux de son écran. Il s'impatiente, et se met à tendre la main vers sa cuisse nue pour lui signifier sa présence. Ni une, ni deux, le pied de la demoiselle se retrouve planté entre ses bourses, le gars s'effondre par terre, fait tomber une vieille dame et se cramponne les burnes en glapissant de douleur. Elle n'a même pas, durant tout ce temps là, jeté un seul regard au pauvre type qu'elle venait de châtrer.

Lait et SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant