L'éveil des ténèbres

Troisième partie

   Une frayeur inégalable s'empara de moi. Il ne me quittait pas du regard, je ne pouvais deviner aucune émotion sur son visage, il restait de marbre. J'avais l'impression que les secondes se transformaient en heures. Il détourna son regard afin d'observer le cadavre flottant de la jeune femme qui finit par disparaître. Lui qui m'avait connu lorsque j'étais encore innocent, devait penser que son but fut atteint, car il avait réussi à me corrompre. Il ne restait de moi que la dépravation qui constituait toute sa personne. Il s'était avancé vers moi, en survolant l'eau qui nous séparait, et se posa à quelques mètres de moi, puis se rapprocha. J'essayais de rester brave, gardant la tête haute, seulement, il fit ressortir de mon esprit mes peurs les plus enfuis. Personne ne pouvait lui résister. Résigné, je baissais la tête en signe de soumission pour me prosterner devant sa grandeur. Il déposa sa main large et puissante sur le haut de mon crâne qui paraissait si petit et insignifiant face à cette créature des ténèbres semblable à un véritable Dieu de la mort. Sans prononcer de paroles, il fit raisonner sa voix happante dans mon esprit et m'ordonna de me relever. Après lui avoir obéit, je le revis enfin, cet homme responsable de mon malheur mais aussi du seul bonheur que j'ai pu connaître sur cette terre ; il était d'un père ce qui s'en rapprochait le plus pour moi. Je perdais le contrôle de toutes actions, des larmes me coulaient à flots, le long de mes joues blafardes. En voyant cela, il me prit tendrement dans ses bras et me serra comme jamais personne ne l'avait fait. Petit à petit, je sentais le poids sur les épaules s'alléger, comme si j'avais reçu l'absolution conditionnelle en promettant de commettre toujours le crime le plus odieux, celui d'ôter la vie d'êtres humains innocents ou pas. Tout devint clair pour moi, je pouvais sentir qu'une partie de moi venait de disparaître et que plus jamais je ne serais le même, plus aucune peur ni hésitation, seules la force et la soif de sang restaient éveillés en moi. Il me lâcha et me lança un dernier regard, sur son visage se lisait la fierté, celle de l'être accompli que je suis devenu, puis il s'en alla. Ce fut la dernière fois que je le vis et cette image restera jusqu'au jugement dernier et au delà encore, gravée dans ma mémoire.
  J'aimerai vous conter plus longtemps mon histoire, cependant les rayons écarlates du soleil réveille se monde endormi et comme la nuit, je dois m'en aller. Puissiez-vous ne jamais me rencontrer, adieu.