Partie une.

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Un cri, un flash, puis rien. Le vide.

J'ouvris péniblement les yeux et après quelques secondes d'ajustements, je fus en mesure d'apercevoir ce qui m'entourait : l'obscurité. La pièce avait pour seule source de lumière une fenêtre minuscule, trop haute pour que je puisse voir au travers. Confuse, j'essayais de me relever, mais je fus violemment retenu par des espèces de bracelets en métal. Je regardai et constatai que les objets autour de mes poignets étaient reliés à des chaînes qui elles-mêmes allaient s'ancrer dans le mur derrière moi grâce à un petit cercle en métal. Je tirai le plus fort possible pour m'en dégager, mais rien. Je commençais à crier. Une fois, deux fois, vingt fois. Personne ne semblait m'entendre.

Mon esprit était trouble, je n'arrivais pas à me souvenir de ce qu'il s'était passé.

Je tentai une énième fois de me défaire des chaînes lorsqu'un bruit éclata autour de moi.

Paralysée par la peur, je m'extirpai du coin dans lequel j'étais recroquevillée dans l'espoir d'identifier la source du vacarme ; mais même en allant aussi loin que mes attaches me le permettaient, le son paraissait toujours distant. On aurait dit des pleurs ou peut-être des cris.

De ma vie, jamais je n'avais été aussi terrifiée. Puis le capharnaüm s'estompa, laissant place à un silence des plus pesants.

J'étais là, seule, pleurant à chaudes larmes tout en essayant de reconstituer la journée d'hier. Mais encore une fois, rien. La dernière image dont je me souvenais était quatre oiseaux volant dans un ciel d'hiver.

Chaque minute qui s'écoulait me paraissait durer une éternité, ma vue était brouillée par les larmes et ma voix exténuée par mes cris.

J'ouvris les yeux : la panique avait probablement eu raison de moi. Pendant une minuscule seconde, j'avais complètement oublié l'enfer dans lequel je me trouvais. J'aurais tout donné pour que ce sentiment perdure, mais la réalité me frappa au visage.

En essayant de me détacher, j'entendis un petit clic et vis que la fixation sur mon poignet gauche s'était légèrement desserrée. Je pris la chaîne reliée à l'attache avec mes deux mains tout en posant mes pieds contre le mur de pierre pour me donner plus de force, mais rien. C'en était trop. Sur une dernière poussée d'adrénaline, j'agrippai le petit cercle en métal qui me rattachait à la cloison et tirait de toutes mes forces. Je sentis la pression se relâcher, j'avais réussi, mon bras était libre.

Avec la mobilité en plus que m'offrait ma petite libération, je fus capable d'atteindre l'entrée de la pièce. Même si je ne pouvais toujours pas m'échapper, le fait de pouvoir ne serait-ce que toucher la porte me donnait l'impression de me trouver près du but ; comme si tout espoir n'était finalement pas mort.

Une vingtaine de minutes devaient s'être écoulées et mon unique issue était toujours scellée : la poignée restée hors de ma portée, peu importe à quel point j'essayais. La seule solution était d'enlever l'attache qui retenait encore ma main droite. Je repris mon combat contre cette satanée chaîne, une partie des bras en sang et le front en sueur lorsque je fus interrompu par des bruits de pleurs, les mêmes qu'avant.

Encore une fois, j'étais absolument incapable de déceler l'origine des sons ou même de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Chaque lamentation me faisait trembler de tout mon être, je n'avais jamais ressenti une émotion aussi forte de ma vie. La panique m'envahissait de nouveau me laissant incapable de former la moindre pensée. Tout ce que je voulais était que ça s'arrête.

La température de la pièce tomba d'un coup au même rythme que les bruits s'éloignaient jusqu'à disparaître complètement.

Le froid devint vite insoutenable, une sensation de fourniment envahissait tout mon corps. Ce fut ensuite la fatigue qui s'imposa à moi ne me laissant d'autres choix que de succomber.


- Alexis t'es où ? Ça fait des plombes que je suis arrivée !

-Mais pourquoi j'me suis embarquée là-dedans ?

-C'est toi qui à proposer qu'on sorte pour changer !

-Ouais, mais j'étais fatiguée, je pensais pas qu'on le ferait vraiment

- Moi non plus mais c'est ça la vie ! Rappelle-moi quand t'y es presque que j'aille t'attendre devant.

-À vos ordres capitaine !

Je pris un raccourci histoire de ne pas me mettre encore plus en retard. La petite brise du soir me caressait doucement le visage et me fit réaliser qu'au final, la vie n'était pas si mal.

Un cri, un flash, puis rien. Le vide.

Je fus réveillée en sursaut. La sueur coulant de mon front m'indiqua que la température avait encore une fois complètement changé, mais ça m'importait peu, car je me souvenais de quelque chose. Je fis un énième bilan et en arrivai à la même conclusion : il s'est passé quelque chose de grave, mais quoi ?

« T'auras tout ton temps pour te souvenir quand tu seras sortie d'ici. » Pensais-je.

La peur me tordait les entrailles tandis que je repris mes efforts pour me délivrer de la chaîne qu'il me restait. Mon énergie s'écoulait au rythme de tirs répétés et inutiles, car rien ne daignait bouger.

Un silence assourdissant pesait sur la pièce et malgré l'état délabré de l'endroit, pas un seul bruit ne surgissait : pas de goutte d'eau tombante en dépit de l'odeur nauséabonde d'humidité ni même de couinements de rats ou d'animaux du genre.

J'étais prisonnière avec comme unique compagnie ma terreur.
Mes pensées alternaient constamment entre « Tu vas t'en sortir » et « C'est sans espoir ». J'étais complètement absorbée par ma détresse, mon esprit était flou et mes membres trop encombrants pour être bougés. Mon regard divaguait, mais finissait toujours par venir se poser sur la seule source de lumière. Je sentis mes paupières s'alourdir au fil des minutes jusqu'au point où je n'étais même plus consciente de l'endroit où j'étais ; je voulais me laisser emporter et ne jamais me réveiller. Je voulais juste que tout s'arrête.

–   Elle vient d'où celle-là?

–   J'l'ai ramassé dans une ruelle pas loin du centre.

–   Va l'installer, j'me prépare et j'te rejoins.

Je repris doucement connaissance et vis que rien n'avait changé. Est-ce que c'était une hallucination auditive due à la fatigue ou un rêve sans images ?

Mon raisonnement fut coupé net par des tremblements. Par réflexe, je couvris mon visage du mieux que je pus et sentis des morceaux de plafond tomber sur moi. Chaque fibre de mon être luttait pour ne pas laisser la panique prendre le dessus, chaque muscle de mon corps était contracté au point que mes ongles me rentraient dans la peau. Mais à ce stade, mon esprit me faisait encore plus souffrir que n'importe quelle blessure physique ne l'aurait pu.

Je ne pourrais dire si les secousses avaient duré dix secondes ou une heure, dans tous les cas ils m'avaient paru sembler toute une vie. Ils étaient plus frénétiques que les premiers, il ne me restait plus beaucoup de temps avant que toute la pièce ne s'effondre.

Je n'avais pas d'autres choix que de m'échapper, mais entre le peu de lumière, la poussière dominante suite aux écroulements et l'endolorissement de mes muscles dû à mes efforts précédents il m'était impossible de trouver une issue de sortie. Je fis donc la seule chose qui me vint à l'esprit : tirer une énième fois sur la chaîne. Je pris l'objet à deux mains pour l'extraire du mur :

« Ne lâche pas »

« Tire plus fort ! »

Un cri m'échappa lorsque mon corps lâcha prise, mais en touchant le sol ma main libre sentit quelque chose : un petit bout de fer, probablement un morceau de tuyau tombé durant les secousses.

Sans réfléchir, je saisis l'objet et le plantai dans le mur espérant pouvoir faire un trou au niveau de l'attache du lien.

Mon esprit devint complètement vide, je ne pouvais pas échouer une fois de plus.

Un coup.

Mes échecs étaient sur le point d'avoir raison de moi lorsque je sentis la chaîne céder. Je fis un bond en arrière me retrouvant allongé de tout mon long. J'étais libre. J'avais réussi.

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