Un arc

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Reprenons. J'avoue un moment avoir perdu le contrôle. Mais est-ce celui qui crie le plus fort qui détruit l'autre? Je n'ai jamais cherché à t'écraser. Je voulais juste faire partie de ton monde, que tu me laisses exister avec toi. J'ai peut être été trop brutal en essayant de briser le mur qui nous séparait. Je songe à cette fête, où on riait tous les deux, et ton rire cristallin résonnait dans mes oreilles, s'élevait vers les cieux, et ça m'était insupportable, cette joie qui irradiait ton visage et écorchait le mien, pâle et triste. Je t'ai saisie à la gorge et plaquée contre le mur, et toi tu riais, te prenais au jeu, faisais mine d'appeller à l'aide. Je sentais ton sang battre contre ma main. Boum boum boum. Je me suis demandé ce que l'on pouvait ressentir quand on tuait quelqu'un, quand on éliminant son ange pour vivre en paix en Enfer. Tu as arrêté de rire. J'ai vu la peur dans tes yeux alors je t'ai lâchée. Je t'aime. Je ne te ferais jamais de mal.

Tu m'as appris que les anges pouvaient faire le mal. 
Nul ne sait où tu papillonnais la nuit, quand tu ne répondais pas à mes messages, quand je te suppliais de rester. Ta peau si douce, sur laquelle j'ai déposé tant de baisers, cette peau qui était mienne, d'autres mains l'ont touchée, s'y sont baladé comme en terre natale, pendant que le propriétaire avait le dos tourné. Et ta bouche carmin, combien l'ont possédée ? Combien ont profité de ce qui était mien ? Sais-tu ce que je pouvais penser le soir, quand tu invitais d'autres dans les cieux ? Combien de vases ai-je pu détruire, combien de cris ai-je pu pousser ? Et toi, toi, ange de la nuit, tu jouissais de la vie. En voulant t'approcher de moi je t'ai poussée vers les autres.  "Je suis libre, je fais ce que je veux !" tu criais. Mais chérie, en aimant tu as choisi de dire adieu à la liberté. Si tu tenais tant à la tienne, pourquoi m'as-tu dis "je t'aime", pourquoi as-tu signé ce pacte avec moi ? 

N'essaye pas de nier, je me souviens très bien de tes paroles. Tu m'as dit que tu étais tombée amoureuse de moi le jour où tu m'as vu jouer avec les enfants de mon quartier. Que tu avais vu ce jour-là une autre facette de garçon silencieux que tu trouvais si séduisant avec ces airs mystérieux, que tu avais discerné à travers mes gestes un garçon sensible qui avait de l'amour à donner. C'était la première fois que tu me voyais sourire, et qu'à cet instant tu avais compris toutes les idioties qu'on nous crache dans les romans d'amours parce que ces idioties, charmantes idioties, tu les ressentais.

Tu m'as dit je t'aime et je t'ai crue. Mais ce jour-là, tu n'as pas vu un garçon sensible mais un garçon vulnérable. Tu as vu une faille dans laquelle te glisser. Tout ce que tu veux c'est d'être aimée. 

Est-ce que les anges ont un cœur ? Parce que j'ai souvent eu l'impression que tu dérobais celui des autres pour avoir la sensation d'en avoir un. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas pu apercevoir le tien. Ce que je prenais pour inaccessible était peut-être simplement inexistant. Je t'ai donné mon cœur et tu ne me l'as jamais rendu. C'est peut-être pour ça que, par la suite, je me suis conduit de manière aussi cruelle. 

Ana, si tu savais, les pensées s'entrechoquent en faisant un bruit de métal. Plus j'avance dans cette lettre et plus leur bruit m'écorche. Je ramasse les éclats de verre de nos souvenirs et je me coupe les mains. Mon sang a une couleur noire. 

Ana, quand as-tu cessé d'être mon Anaële toute entière, quand ta statue s'est-elle séparée d'un de ses membres ? Quand ai-je eu envie de déchirer ton nom et t'arracher ton ële ?

Ca a sûrement commencé quand ton image d'ange s'est effritée. C'était la fin de la cristallisation. Tu m'est apparue telle que tu étais, si pleine de défauts, si humaine. Cette vision m'étais insoutenable. Ma raison d'être, mon idole, mon dieu, ne pouvait pas être un vulgaire humain. Je ne pouvais vivre en te sachant humaine. Alors j'entrepris de te détruire pour te reconstruire telle que je t'imaginais. Mes intentions, je te l'assure, n'étaient pas mauvaises. Mais c'est si simple de briser une personnes une fois que ses mains sont entre les vôtres. Il suffit de serrer un peu plus fort pour que les phalanges craquent.

Quand les anges n'ont plus d'ailes/VICE CITY 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant