Le Bossu du ciel

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    C'est par l'une de ces fins d'après midi pluvieux laissant apparaître malgré tout quelques soupçons de lumière venant du soleil derrière les nuages gris et aigris comme les gens de la ville atteints par la monotonie de leurs vies.

On marche, les yeux baissés sur nos pieds, droit devant soit, on discerne tout de même le bruit irrégulier des pas d'un sans abris qui s'est sans doute saoulé l'heure d'avant, titubant sur le trottoir d'en face. La pluie dégouline lentement le long de nos cheveux quels qu'ils soient, puis de nos vêtements, se sont des larmes froides pourtant naturelles, elles ne proviennent pas de nulle part. Tout est gris, les bâtiments, les gens, tout semble mourir lentement, mais sûrement. Quand soudain, tout est ralenti, le rayon de soleil arrive alors sur les alentours, donnant aux larmes de la triste pluie les milles couleurs de la douceur et du bonheur. On s'en étonne mais on aime ça. C'est vrai que c'est si agréable, ce craquement, cette fissure venant renverser le gris monotone...

Et là pourtant l'expérience n'est pas encore finie, une présence se fait sentir, ce n'est pas le claudicant de tout à l'heure, non ce n'est pas lui : c'est une aura plus mystérieuse et incompréhensible que celle plus poisseuse que l'on avait senti auparavant.

Se retourner ? Non, quand même pas, et là on se retrouve coincé, la pluie colorée tombe toujours au ralenti, la lumière amène avec elle cette nostalgie, elle ramène des souvenirs alors oubliés, empêtrés et cachés parmi la toile de nos soucis de futur adulte (ou d'adulte) ces souvenirs ensoleillés où on se revoit enfant en train de jouer avec nos amis imaginaires, sans se soucier de nos actes, du sens des paroles, où l'on profitait juste du moment. Ces étoiles avaient disparus depuis, et là soudainement elles sont réapparus, on se sent revivre et entraîné par tout cela on se retourne.

Nos yeux se rivent alors sur l'étrange être accroupi à terre, à la silhouette trapus il porte un long manteau de fourrure blanche immaculée et un chapeau de haute forme noir. En se penchant de plus près, on s'aperçoit qu'il a un nez recourbé et une peau blanche tachetée de petites tâches violettes, ses cheveux noirs et épais... et ses yeux, ses yeux nuancés du bleu ciel au vert émeraude, et cette lueur si particulière. Ses mains sont grandes, osseuses dotées de doigts longs et crochus. Et ce qu'il fait vous détourne alors de tout le reste, il tient un sac à la main et de l'autre main il attrape les goûtes de pluies qui se transforment au contact de sa main en de magnifiques pierres précieuses à l'éclat pur. À peine a-t-on le temps de soupirer d'étonnement que tout s'accélère brusquement, la pluie se remet à nous marteler tristement, et l'étrange personnage a disparu, à la place , c'est le sans abris, perdu qui se balade nonchalamment dans la direction opposée à la notre.

« A quoi ai-je donc assisté? »

En général, cela s'arrête là, on se dit qu'on a halluciné et l'on repart chez soi.

En revanche, lors de mon expérience, le tout ne s'est pas fini dès le temps revenu à la normale. En rentrant à la maison, après avoir donné à mon chat quelques caresses, sans le comprendre, je me suis penchée par la fenêtre, je l'ai vu, le bossu, il n'était plus vêtus des vêtements luxueux mais de vieux haillons, et en regardant de plus près, je me suis rendue compte d'une chose :

Il s'agissait des même vêtements que portait le sans abris.

Nous nous sommes regardés pendant quelques secondes, il m'a sourit et m'a salué avant de repartir. Le soleil faisait son apparition juste après que le Bossu soit parti. J'ai retenu alors le message qu'il m'avait transmis : Quoiqu'il arrive,  quoiqu'on te dise, ne laisse rien, ni personne éteindre les étoiles dans tes yeux.

Et le Bossu et son message resteront à jamais gravé dans mon cœur. 

Le Bossu du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant