Le bar

16 3 2
                                    

J'entrais en tremblant dans le bar la main sur la bosse qui dépassait de mon pantalon. Quelques clients se tournèrent vers moi et je sentis une goutte de sueur glisser le long de mon dos. Je m'avançais au comptoir et m'assis sur un des tabourets de libre en passant pour le plus normal possible. Je gardais ma main sur ma bosse de pantalon. Le barman s'approcha alors en me demandant ce que je voulais boire. Lorsque j'eus commandé je regardais autour de moi et le vit à une table au fond du bar entouré de ses amis. Dès que j'étais parvenu à le repérer je trouvais un moyen de le voir sans me retourner. Il se reflétait dans la façade réfléchissante où étaient exposées les bouteilles. Ainsi je pouvais garder ce vicieux en vus sans me faire repérer.

Le barman revint avec une jolie pinte blonde. Il déposa le sous-verre devant moi avant d'y déposer la pression. Je déposais un billet sur le comptoir et lui permit de garder la monnaie. J'attrapais mon verre de ma main libre et le porta à mes lèvres. Je sentis le liquide rafraîchissant se frayer un chemin dans ma trachée. Je reposais ma pinte sur le sous-verre déjà trempée par la condensation. J'essuyais alors ma main sur le devant de ma veste en jean. Le reflet de l'enflure bougea dans le miroir et ramena mon intention. Il se leva et se dirigea vers les toilettes.

C'était habituel, au bout de deux bières il allait aux toilettes, il en reprenait trois autres et recommençait puis encore une et partait. Son rituel avait lieu tous les mardi soir. Je vis le routinier ouvrir la porte et entrer dans la pièce exigüe qui servait de WC. Au bout de deux minutes il ressortit soulagé en remontant élégamment sa braguette. Il retourna à sa table où ses amis l'attendaient. L'un d'eux lui tapa sur son épaule en lui racontant une blague qu'il avait fait pendant son absence. Ce dernier éclata de rire en frappant son poing sur la table dans l'euphorie son verre glissa vers le sol. Cependant le gorille près de lui le réceptionna à temps et aucun verre brisé ne fut à déplorer. J'allais devoir faire attention à son pseudo garde du corps aussi débile que lui.

Le gorille faisait presque deux mètres de haut sur deux mètres de large. Il se positionnait toujours un peu en arrière de celui qu'il devait protéger, son frère. Je le voyais bouger la tête pour regarder les alentours tel un radar. Il avait habituellement les bras croisaient dans le dos ce qui lui faisait bomber le torse et lui donner un air plus imposant. Son protégé récupèra le verre de ses mains et le remercia d'une tape sur le pectoral droit. Il replaça ses bras dans son dos et repris sa position initiale tel un robot. Je baissais les yeux de la façade miroir pour boire de nouveau dans ma bière.

Le barman posa quatre bières sur un plateau accompagné d'un récipient rempli de noix de cajou. Il le souleva et d'un pas vif se dirigea vers la table que je surveillais. En arrivant devant la table il leur sourit et leur fit un brin de causette. Peut-être espérait-il avoir un pourboire pour une fois cependant il espérait beaucoup trop. Le barman récupéra les verres sales et les remplaça par quatre bières bien fraîches sur les dessous de verre. Il posa ensuite le bol de fruits secs et se tourna vers le gorille. Il essaya pour la énième fois de le convaincre de prendre un verre ou même une chaise sans succès. Il s'éloigna alors puis quand il fut assez loin lâcha un long soupir. Il retourna derrière le bar en posant le plateau dans un coin et prit les verres pour les laver. Il releva les yeux vers moi en esquissant un sourire.

Je détournais le regard vers le reflet de ma proie. Lui et ses amis semblaient hilares face à la mine déconfite du barman qui n'avait eu aucune réponse du garde du corps. Ils continuaient de se raconter maintes histoires plus débiles les unes que les autres et à rire à gorges déployés. La future victime tapa avec force dans l'épaule de son ami qui renversa de sa bière sur le sol. L'autre le poussa alors en signe de vengeance et tomba alors. Je sursautais légèrement et resserra ma prise sur la bosse de mon pantalon.

Le moment était venu. Je finis les trois quart de ma bière d'une traite pour me donner du courage et me leva. Je m'approchais de la table que je visais d'un pas sûr. Le gorille se tendit en me voyant venir, le barman releva les yeux vers moi paniqué, les amis du futur mort se retournèrent vers moi alors que l'heureux élu se mis à sourire narquoisement. Alors que quelques pas nous séparaient je sortis de mon pantalon une arme. Ma main était déjà positionnée sur la gâchette, le canon était tourné vers le plaisantin, j'étais prêt à tirer. Le garde du corps tenta un mouvement pour protéger son frère mais c'était trop tard. J'allais le tuer. Au prochain pas j'allais tirer. A peine j'eus posé le pied au sol que je sentis que la texture était anormalement glissante. C'était la bière récemment renversée qui était sur mon chemin. Mon pied glissa alors me fit partir en arrière j'eus à peine le temps de tirer. Mon corps tomba à la renverse non sans se cogner la nuque dans la table derrière moi. J'entendis un crac et mon regard se vida alors que mon corps devint lourd et inerte.

Le plus ironique dans cette histoire se fut quand la balle traversa le crâne du gorille et que son sang éclaboussa le mur blanc fraîchement repeint.

Les petits meurtres foireuxWhere stories live. Discover now