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Encore une porte. Les portes sont sensé être un passage, un accès, un ouverture au monde. Ne dit-on pas : "cela t'ouvrira des portes" ? Et pourtant, pour moi les portes étaient devenues des ennemies redoutables, des obstacles à surmonter. Je ne devais plus ouvrir cette fois, mais fermer. Tourner la clé dans la serrure. Verrouiller, à jamais. Les portes sont plus dur à fermer qu'à ouvrir. Croyez-en ma récente expérience.

- Lys ? C'est bon, on peut y aller ?

- Oui Max. Cinq secondes, je ne trouve plus les clés.

- Tu as toujours été une piètre menteuse tu sais... ?

Je sentais son souffle dans mon cou... Je ne le croyais pas aussi proche. Sans me laisser le temps d'esquisser un mouvement il attrapa ma main tendue devant le verrou et d'un mouvement sec fit rentrer la clé dans la serrure, la fit tourner. Mon souffle se coupa. Elle était fermée maintenant. Je ne l'ouvrirais peut-être plus jamais. C'était peut-être mieux ainsi...n'est-ce pas ?

- Tu vois, ce n'est pas si difficile de fermer une porte, rigola-t-il doucement.

Je levais les yeux au ciel et soufflais en le bousculant. Il rigola franchement et me suivi.

- Au lieu de te moquer de moi aurais-tu l'obligeance de me dire où se trouve ma sœur ?

Il s'arrêta de rire. Net.

- Je vais finir d'aider Talleyrand avec les bagages... Emma est dans le jardin... Tu sais, près de l'arbre...

Oh... Cet arbre avait toujours été important pour Emma. Une sorte de refuge... Petite elle disait qu'il menait vers un autre monde... C'était peut-être vrai... Qui sait ? Je passais donc derrière la maison, il pleuvait aujourd'hui, la neige avait fondue et l'herbe était  boueuse ... Le temps était gris et humide... Ce même gris qui remplis l'âme de ceux qui perdent tout ce qu'ils possèdent. L'âme d'Emma. Ses doigts frôlaient délicatement le tronc, sa tête était légèrement penchée, ses yeux clos ... Un dernier adieu. Une prière peut-être ? Emma a toujours été très sensible, attachée aux lieux, aux souvenirs, aux symboles. Cet arbre, c'était elle, c'était son enfance, c'était l'écho d'un souvenir tendrement chéri... Je décidais de rester en retrait même si je savais qu'elle avait senti ma présence, elle sentait toujours ce genre de choses. Puis elle ouvrit les yeux et me regarda, me faisant signe d'approcher.

Je la rejoignis et la pris dans mes bras, caressant doucement son dos. Je savais tous les sacrifices que lui demandait de quitter notre cocon... Je m'en voulais de l'arracher ainsi à notre vie, mais je devais penser à notre survie... Et si pour l'instant elle n'était pas en jeu, elle ne tarderait sûrement pas à l'être.

- Lys. Je vais bien. Enfin, je ne vais pas « bien » mais ça va... Ne t'en fais pas. Ça ira à Paris. Je sais que tu fais ce qu'il convient de faire... Ne t'en fais pas grande sœur, tu as toujours su prendre les bonnes décisions...

- Je ne sais pas Emma... Et si tout était plus compliqué là-bas ? Et si je n'arrivais pas aussi bien à contrôler Talleyrand que ce que je pense ... ?

- Lys'... Je te fais confiance, Max aussi. Tu n'es pas seule. Tu n'as pas à me protéger sans cesse. Nous sommes sœur ... Nous sommes une famille. Même si ça ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui... C'est important pour moi

Nous avions desserré notre étreinte et je vis son regard se voiler.

- Emma, bien sûr que si, bien sûr que cela veut dire quelque chose.

Je glissais une mèche de ses cheveux derrière son oreille. On doit simplement apprendre à reconstruire ce mot, le faire correspondre à notre réalité, et aux valeurs auquel il nous raccroche. Aller, viens, les autres nous attendent.

HumainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant