Chroniques de l'ombre

Épisode 1 - Tout perdu

Poirauter dans une file d'attente pendant plus de deux heures collée-serrée avec des inconnus devant et derrière elle était l'une des choses que Varden exécrait au plus haut point. Elle aurait tellement aimée pousser la ranger de pétasses devant elle et écraser le pied du macho derrière elle avec ses talons aiguilles pour avoir un peu d'air et d'espace mais malheureusement elle ne pouvait s'y résoudre. Freiner ses pulsions de violence était l'une des résolutions de la jeune-femme, jusqu'ici elle avait plus ou moins réussi à tenir le coup, cela aurait été dommage de tout foutre en l'air juste pour ça. Pourtant... cela la démangeait énormément. Prend ton mal en patience... souffle un bon coup et visualise ta soirée en perspective, ça va passer, tenta-t-elle de se convaincre.

Alors que Varden commençait sérieusement à remettre en question son rendez-vous de ce soir et d'aller voir ailleurs, la file commença enfin à avancer petit à petit. A la bonheur ! d'ailleurs, qu'est-ce qui avait fait retarder son flux ? Est-ce que l'ascenseur de la cité souterraine était tombé en panne ? Non. Impossible. L'énergie démoniaque avec lequel il fonctionnait ne pouvait pas tomber en panne. Les mécanismes humains tombaient en panne, pas ceux des créatures obscures. Mais peu importe la raison dans le fond, seul le soulagement de bientôt entrer dans celui-ci incombait à la jeune-femme. Elle réussi même à rester positive et neutre lorsqu'elle se retrouva une nouvelle fois collée-serrée entre les pétasses et le macho aux mains baladeuses dans le petit espace de la cabine. Varden inspira à fond – ce qu'elle regretta immédiatement – et tritura le bracelet en pierre d'obsidienne et d'arc-en-ciel que sa sœur lui avait offert pour rester calme. Généralement cela la calmait, mais le parfum bon marché et des plus mauvais goûts des pétasses, sans compter l'odeur caractéristique de l'excitation du mâle derrière elle mettait ses propriétés calmantes à rude épreuve.

Lorsque le « ting » de l'ascenseur annonça la fin de leur descente elle cru presque exulter de joie et tant pis les bonnes manières ! Varden joua des coudes pour sortir le plus vite possible de cette maudite cabine et le plus loin possible de ces énergumènes. Les femelles pestèrent et lui crièrent des injures d'avoir été très légèrement écraser contre les parois de l'habitacle. Peu lui importait. Le plus important pour elle à présent était de se rendre au lieu de rendez-vous en espérant que son rendez-vous lui-même soit encore là. Que Satan lui-même la châtie bon sang ! elle avait une sainte horreur d'être en retard et là ce n'était pas un petit contre temps de 10 petites minutes, non, le retard frôlait les deux heures ! La jeune-femme avait bien tenté d'envoyer des sms à son rendez-vous pour le prévenir mais le réseau passait mal du monde terrestre à celui du monde souterrain. Il ne lui restait plus que la prière. En parlant de prière... elle se retourna et fit volteface, ce qui surprit le mâle qui la suivait en toute discrétion – enfin, le croyait-il jusqu'alors.

— Qu'est-ce que tu me veux ? lâcha-t-elle de bout en blanc avec des éclairs dans ses yeux bleu indigo.

Le mâle de près de deux mètres de haut et tout aussi large en muscles se contenta de lui sourire et de la reluquer de haut en bas et de bas en haut en prenant tout son temps. Varden siffla, elle avait horreur de ce genre de démonstrations lubriques – enfin seulement lorsqu'elle se trouvait face à un type qui lui donnait la nausée. Elle fit claquer ses doigts devant le visage du mâle et lui désigna son visage.

— Mon visage est plus haut que ça.

— Je préférerais de loin parlementer avec ces deux-là, répondit-il avec un grand sourire. Je suis sûr qu'ils seraient ravis de me rencontrer.

Beurk. Même pas en rêve ! Il y avait plus de chance qu'elle avale un rat des enfers que de faire « plus ample connaissance » avec ce type. D'autant plus que tout cela la mettait en retard !