Final

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 La porte s'ouvrit et il pénétra dans son appartement silencieux. Ses pieds firent craquer quelques morceaux de verre éparpillés au sol. Lentement, il alluma la lumière dans l'entrée et constata à nouveau l'état dans lequel il avait laissé son habitation. Un soupire s'échappa d'entre ses lèvres pincées, il se souvenait à présent pourquoi il avait décidé de ne pas revenir ici. Des souvenirs lui revenaient en tête et un sentiment de mal être, une douleur lui prenant fortement le ventre s'empara de lui. Ils avaient vécu tellement de choses ici, entre ces murs. Il se sentait à nouveau tellement vide, comme si les quelques émotions qui avaient pu le traverser le temps où il s'était éloigné de ce lieu maudit étaient à présent loin.

Sans se soucier des débris de verres et autres choses gisant au sol, il s'avança jusqu'à la cuisine sans cette fois-ci se donner la peine d'allumer la lumière. La fenêtre ouverte laissait une fine brise voyager dans la pièce et celle-ci était parfaitement éclairée grâce à la luminosité de la pleine lune ainsi que des quelques étoiles présentes dans le ciel. Serrant les dents, il se retint de fermer les volets, comme s'il avait l'impression d'entendre les lumières du ciel se moquer de lui.
Il s'installa sur une des chaises en plastique et observa le paquet de cigarettes à peine entamé gisant au milieu de la table. Les siennes. Les cigarettes de Yoongi.
La réalité le frappa à nouveau. Pourtant, le brun n'avait aucunement oublié l'absence de son amant. Il ne l'avait pas accepté. Se repliant sur lui-même, il se prit la tête entre les mains sans lâcher le paquet qu'il serrait à présent fort entre ses doigts, il se laissa à nouveau aller à ses émotions, pleurant à chaudes larmes pour la première fois depuis la disparition du blond.

Faudrait que t'arrêtes de fumer Yoongi. J'sens plus ton odeur sur tes fringues. Mais tu dis que la clope te calme, alors j'te laisse faire. En vérité, t'es toujours aussi stressé. Tu ne le montres pas, tout simplement.
Tu m'fais chier, à cause de toi j'ai commencé aussi. J'me suis étouffé au bout de la deuxième taffe et tu t'es tellement foutu de ma gueule que j'me suis énervé comme un con. Et quand j'suis énervé, j'fais des grands gestes. Tu t'es mis à sourire et là, j'ai compris que j'avais encore une fois, fais n'importe quoi. J'entendais le voisin hurler qu'on était des sales gosses. Alors j'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu que j'avais fais tomber la canette-cendrier sur son linge propre.
T'as pas arrêté de rire comme une hyène et j'me suis joins à toi. C'était drôle pour nous. Pour le voisin, moins. Mais on s'en foutait. On s'en fout toujours de lui. T'as voulu encore plus le faire chier alors t'es parti chercher un autre paquet. Moi, j'ai balancé le bac à fleurs de ma grand-mère dans ses salades. T'es revenu, t'étais fier de moi. Moi aussi, j'étais fier de moi.

- La prochaine fois, j'vais lui balancer la litière de Patate sur la gueule, à cette tête de fouine.

J'ai rien répondu, j'me suis juste contenté de sourire comme un attardé. Puis tu t'es tourné sur le côté vers moi et moi vers toi. Tu m'as regardé, je t'ai regardé, on s'est regardé comme deux gros cons un peu trop niais. Et moi, j't'ai trouvé beau, dans les rayons du soleil. T'étais illuminé par eux et moi, par ton sourire qui venait de naître. J'ai dis que t'étais beau, tu m'as dis de la fermer et j't'ai mangé la bouche sous les cris du voisins d'en bas qui venait de se recevoir ta clope encore fumante sur la chaussure.


C'en est trop pour lui. Il va étouffer si il reste dans cette pièce, dans cet appartement. Alors il se lève et s'apprête à sortir avant de s'arrêter devant la porte de la chambre. Il avait faillit oublier leur petit monstre. Une boule de poils. Tout roux, tout doux, tout con. C'était le chat de Yoongi, son petit trésor. Il ne peut pas le laisser tout seul. Le brun se dit qu'il ne reviendra peut-être pas ici. Il ouvre la porte blanche et trouve l'animal replié sur l'oreiller du blond, dormant, envahit par l'odeur de son maître. Lui aussi, il a mal. Yoongi lui manque aussi.
À pas de loup, il s'approche de la bête endormie, s'agenouilla à ses côtés et vient doucement lui gratouiller les poils du haut du crâne.

- Je suis désolé Patate. J't'ai laissé tout seul quand Yoongi... est parti. J'me suis pas occupé de toi. Mais toi, t'es toujours là. T'es resté. Mais tu peux pas, je peux pas revenir ici.

Le chat remue et finit par se réveiller, regardant le grand brun avec ses petits yeux jaune. Alors il reprend son petit récit, un léger sourire se faisant de plus en plus triste trônant sur ses lèvres. Il se sent idiot de parler au chat même si celui-ci ne comprendra jamais. Mais il se dit qu'il est le seul à pouvoir partager sa douleur. Il a besoin de parler. Et il n'y a que lui.

- Je vais devoir partir alors toi aussi. Mais j'vais pas te prendre avec moi. Parce que j'sais pas où je vais aller encore... Et je sais pas si je vais revenir un jour. Mais on va prendre soin de toi, Yoongi n'aurait pas voulu que tu sois livré à toi-même et que tu redeviennes sauvage. Il a trop galéré pour t'avoir, espèce de boule puante.

Sans s'attarder d'avantage, il se redressa et, rapidement, se saisit de l'animal ainsi que de l'oreiller lui servant de lit. Enfin, il pouvait s'en aller. Refermer cette porte à jamais comme il pouvait refermer cette page de sa vie. De toute façon, jamais il n'aurait pu retrouver ce qu'il avait perdu à jamais.

Une fois en bas, il lança les clés d'un geste fort, les envoyant bien plus loin et il plaça le chat ainsi que son coussin dans le panier à l'avant de son vélo. Rapidement, le brun vérifia les poches de la veste de cuir qu'il portait tout en souriant tristement. Tout était encore là.
Il était à présent certain de ne pas revenir.

Il pédala sans penser. Il chercha à faire disparaître la douleur qui pouvait se lire sur son visage. Ils allaient le deviner, sinon. Et il voulait rester seul. Sans les inquiéter. Alors une fois arrivé devant la porte de chez son meilleur ami, il se frotta les joues et reprit son habituel sourire.
La porte en question s'ouvrit et un grand homme aux cheveux noirs vêtu d'un baggy gris foncé et d'un sweat aux manches légèrement relevée, laissant alors entrevoir certains des tatouages présents sur les avant-bras du jeune homme, apparu devant lui. Ses lunettes étaient posées de travers sur son nez et il avait des traces de stylo sur la joue.

- Te moques pas, j'me suis endormi sur mes cours...
- J'me moque pas, promis. J't'apporte Patate.
- ...T'es sûr de toi, Hoseok ?
- J'ai jamais été aussi sûr de quelque chose...

Il avait compris. Pourtant, il ne dit rien pour le faire changer d'avis. Peut-être qu'il savait déjà que c'était chose impossible. Sans un mot de plus, le tatoué prit l'animal et son petit lit dans ses bras. Il ne savait pas quoi dire. Résonner son ami n'aurai aucun sens. Il savait tout autant que les autres devaient le savoir, qu'Hoseok était fini sans Yoongi.

- Jiwon... Les autres...
- Je vais m'en charger. Mais tu sais, Jungkook va t'en vouloir.
- Je sais, mais je peux pas faire autrement.
- Si, tu peux. Mais tu ne veux pas faire autrement, c'est différent.

Sans un mot de plus, Hoseok tourna les talons et la porte se referma. Ils s'étaient tous retrouvés tellement de fois, chez Jiwon. Toute la bande. Pour faire les cons. Et putain, ce qu'ils avaient pu tous être heureux dans ces moments.


L'anniversaire de Jungkook, c'était y'a un mois. Pourtant, comme des gros glandus, on le fête seulement maintenant. On avait la flemme, qu'avait dit Namjoon. Mais en vrai, on avait surtout oublié. Mais c'était pas grave. Parce que Jungkook aussi, il avait oublié. Alors on a fait une fête digne de ce nom.

J'me souviens que Jiwon voulait pas qu'on mette de la musique au début, il devait réviser pour son contrôle du lendemain. Mais on lui a gentiment dit d'aller se faire foutre. Alors il a râlé mais c'était drôle. Jimin avait voulu faire un gâteau mais il avait oublié la moitié des ingrédients. À la place, on a fait une sculpture en fromages. Ça puait pour les narines de Seokjin mais personne n'en avait rien à foutre. Parce que Jungkook était heureux. On était tous réunis et ça lui allait largement.
Et puis je t'ai regardé. Quelque chose n'allait pas. Tu ne souriais pas. T'étais pâle. Tu semblais tracassé par quelque chose, encore plus que d'habitude. Tu semblais même triste. Et puis, t'as vu que j'te regardais alors tu t'es mis à sourire. Moi, comme un con, j'ai oublié de m'inquiéter d'avantage.


- J'aurais dû m'inquiéter...

Hoseok sait où aller, maintenant. Alors il se rendit à la plage. Cette petite plage de sable blanc, silencieuse. Il avait toujours aimé cette plage, le calme qui y régnait toujours l'aidait depuis son enfance à apaiser les tensions de son cœur.
Il se laissa glisser et atterri au sol. Il avait besoin de parler. Alors son visage se tourna vers le ciel et il ouvrit la bouche. Les étoiles allaient l'écouter. Et même s'il sentait sa gorge commencer à se serrer, il avait besoin d'extérioriser une dernière fois ses sentiments. Alors, il prit une grande inspiration et s'adressa aux astres lumineux qui avaient toujours semblé prendre du plaisir à regarder souffrir le monde.

- Hey, Yoongi... Tu te souviens, du jour où t'es parti pour toujours ? Tu m'avais dis de partir sans m'inquiéter, que je pouvais te laisser ici tranquille et qu'il allait rien t'arriver de toute façon. Mais en vérité, tu savais que ton heure était venue, hein ? Moi, j'ai pas pu le sentir... J'ai jamais rien vu venir. Cette fois encore, j'ai rien vu. Et toi, t'as rien voulu me laisser voir, ni savoir.


On savait pas quoi faire, ce soir-là. On avait passé la journée à s'emmerder devant la télé. T'étais tout fatigué et tu avais la tête ailleurs. T'avais de la peine à bouger. J'me suis dis que c'était un jour comme les autres finalement. Alors j'me suis pas inquiété. Et puis, en début de soirée, t'as voulu sortir. Alors j'ai accepté. On s'est prit un café en chemin et une fois arrivé, on est resté bloqués devant l'océan. J'ai sorti le plaid de voyage du coffre et on s'est mit à regarder les vagues faire des allées et venues sur le sable fin. C'était paisible. J'te tenais contre moi, ton dos contre mon torse et toi, tu fumais tranquillement la je-sais-plus combientième clope de la journée. Je sentais ta peau étrangement froide et sèche contre mes doigts chauds mais j'me disais juste que tu devais pas être suffisamment couvert. J'ai voulu faire un feu pour te réchauffer mais tu m'as très justement fais remarquer que j'allais réussir à foutre le feu au plaid. Alors au lieu de m'inquiéter, j'faisais que te serrer encore plus fort en rabattant un peu mieux ledit plaid sur toi.

Mais t'avais la tête ailleurs, une fois encore. J'avais beau te parler, tu me répondais à peine. T'as levé les yeux au ciel comme si tu parlais aux étoiles. Moi, je t'ai regardé. J'ai pas compris. J'sentais un truc me prendre les tripes mais j'ai pas su quoi. Tu t'es mis à trembler alors je t'ai mis ma veste sur les épaules. T'as râlé en disant que j'allais tomber malade mais tu ne l'as pas retiré pour autant. Et tomber malade, j'en avais rien à foutre t'en que toi, t'étais bien.
Et puis, l'air encore plus triste qu'avant tu m'as dis que t'avais plus de clopes, alors j'suis parti t'en chercher. J'avais oublié que t'avais ouvert ton paquet même pas une heure avant et que tu venais à peine d'en finir une. J'aurais dû m'en souvenir.

J'ai pas été si long pourtant. Une petite dizaine de minutes à peine. J'avais trop froid pour faire plus lentement et je voulais pas te laisser seul trop longtemps. Mes tripes, mon âme entière me hurlait que si j'te laissais trop longtemps, quelque chose allait t'emporter sans que je n'ai le temps de te sauver. Effectivement, j'ai jamais pu te sauver.
Mais en revenant, je t'ai pas vu tout de suite. J'me suis senti mal d'un coup. J'ai pas compris tout de suite pourquoi j'avais envie de pleurer comme ça. Je regardais là où on se tenait avant mais c'était bizarre. J'ai pas compris pourquoi j'avais envie de pleurer. Et puis j'ai réalisé que ce que je regardais, c'était toi. T'étais au sol. Une clope même pas allumée coincée entre les doigts, couché sur le côté comme si tu t'étais laissé tombé en sentant tes forces te quitter. J'ai voulu croire que tu dormais mais dans le fond, seul un con aurait pu croire à cette idée. Je t'avais perdu. T'avais pas pu te battre plus contre cette saloperie de maladie qui te rongeait. Et elle t'avait emporté cette nuit là. Je t'avais laissé tombé et on t'avait arraché à moi.


J'me suis agenouillé au sol. J'me suis mis à pleurer. Ma douleur s'échappait. J'ai hurlé ton nom. J'ai voulu te toucher mais j'avais peur de te briser encore plus. Mais je voulais t'avoir contre moi, une dernière fois.
Je t'ai pris dans mes bras, ta joue glaciale reposant dans le creux de mon cou. J'me suis mis à jouer avec ta chevelure que j'aimais tant et j'ai hurlé au ciel de renoncer à t'emporter. J'ai supplié les étoiles de ne pas t'enlever mais c'était trop tard de toute façon, tu étais déjà parti bien loin de moi. Tu es mort cette nuit-là sans que je puisse être avec toi.



- J'm'en suis tellement voulu, de ne pas avoir été là. J'pensais qu'à toi et j'ai pas remarqué que t'en pouvais plus. Mais ce qui m'fait encore plus mal, c'est que t'as pas voulu de moi à tes côtés pour ça. Jusqu'à la fin, t'as refusé de me montrer ta faiblesse. Et moi, j'peux pas continuer à faire croire que j'arrive à vivre sans toi. T'étais tout pour moi. Mon tout. J'ai besoin de toi Yoongi, alors laisse-moi te retrouver...


Dans sa veste, il restait encore une petite boite contentant les médicaments qui avaient permit au blond de rester debout aussi longtemps. Le brun en vida rapidement le contenu, sachant qu'il pourrait rapidement atteindre son but ainsi.
Puis, il s'avança vers l'eau calme, prête à l'accueillir. Arrivé au milieu de l'océan, ses forces commençant déjà lentement à sombrer, il s'adressa à une étoile particulièrement brillante. Juste au dessus de lui. Elle brillait si fort qu'il avait l'impression qu'il s'agissait d'un soleil. De celui qui avait donné un sens à ce qui, avant, n'en avait pas. Cette étoile, il avait l'impression d'y voir Yoongi qui lui demandait de venir le rejoindre. Alors Hoseok hocha la tête et ferma les yeux avant de rejoindre son défunt amant, se laissant couler dans les abysses d'un océan calme et illuminé par le ciel étoilé.

Du chaos qu'avait été l'esprit de ce garçon était née une étoile magnifique, qui s'était empressée de rejoindre sa jumelle dans l'éternité paisible, que seule la mort pouvait leur apporter.

» DrowningWhere stories live. Discover now