Jeu double [BxB]

Retrouvailles

**PdV de Brian**

Hier, cela faisait exactement quatre ans que mon frère nous avait quitté.
Après le départ de Jason, j'ai cru que je ne m'en remettrais pas et j'ai même changé de ville. Malgré tout, Chloé était là et j'ai pu la voir changer radicalement. Je pensais qu'elle était très superficielle et finalement, elle a été là pour moi et a fait preuve d'une grande maturité. J'ai trouvé le réconfort que je cherchais auprès d'elle. Malgré un vide permanent, je me suis relevé, j'ai même commencé à travailler en classe. À l'heure actuelle, je viens de finir mes études pour devenir avocat. Depuis six mois maintenant, j'ai un bureau que je tiens avec Hugo. Lui aussi a été très présent lors de la dépression, il m'a encouragé dans tous mes projets et a su trouver les mots pour que je me sente mieux.

Je sens une main tirer ma manche ce qui me fais sortir de mes rêveries. Je regarde l'enfant qui a les mêmes yeux que moi et lui sourit en m'accroupissant à ces côtés :

Brian :
"Qu'est-ce qu'il y a Mathieu ?" Je demande tendrement.

Mathieu :
"Est-ce que je pourrais avoir du pop-corn dans le cirque s'il te plaît ?" Il me regarde avec son air de petite mange et je le prends dans mes bras.

Ah oui j'ai oublié de préciser : j'ai un fils, Mathieu. Il est adorable, c'est le parfait mélange entre moi et Chloé. Il a eu trois ans la veille, la date d'anniversaire de mort de Jason...
Mon fils a une passion inexplicable pour les cirques, à chaque fois qu'il y en a un qui passe dans notre ville, nous faisons une sortie en famille. C'est pour ça que nous attendons patiemment dans la queue de la billetterie pour pouvoir aller voir un cirque qui est considéré comme un des plus gros de France. Mon petit s'agite partout et il ne tient pas en place. Je caresse ces cheveux châtains de ma main libre, l'autre tenant celle de ma copine.

Enfin nous pouvons entrer sous le chapiteau déjà bien rempli. Nous nous installons en bord de piste sur les chaises attribuées. Mathieu est au comble de l'excitation sous la toile rouge en voyant la piste recouverte de sable et en entendant la musique bien caractéristique des cirques. Soudain la musique change et le spectacle commence. Acrobates, clowns et animaux s'enchaînent faisant bondir de joie Mathieu. Le présentateur annonce tout à coup au micro :

Présentateur :
"Et voici la plus grande fierté de notre cirque et notre numéro final, celui de main à main par le duo Julian&Yacine !" Crie-t-il avec entrain.

Mathieu se tourne vers moi et me dit tout excité :

Mathieu :
"Papa, c'est le même prénom que le roi Julian dans Madagascar ! Ce duo est super connu je les adore."

Quand je dis que mon fils est fan de cirque c'est pas une blague. À la maison, il passe son temps à regarder des films et des documentaires sur le cirque. Je souris attendri en pensant qu'il en sait déjà beaucoup plus que moi de ce côté là.
La musique habituelle très rythmée et très gaie est remplacée par une musique tribal. La scène qui s'offre à moi me saisit d'un coup. Je vois apparaître deux hommes. Ils sont jeunes, torses nus, majestueux. Il commence à faire leur chorégraphie après avoir salué. Les mains se collent et se décollent. Ils volent chacun leur tour par la force de l'autre. Je suis stupéfait et malgré moi, je cherche à capter le regard d'un des deux.

Finalement, le plus musclé et celui qui est plus porteur que l'autre sent mon regard sur lui et il tourne la tête vers moi. La ressemblance est frappante, je ne peux m'empêcher d'entrouvrir la bouche. Il interrompt son geste brusquement quand nos regards se croisent. Heureusement, cela n'a aucune conséquence sur la prouesse d'équilibre que réalise son partenaire à sa gauche qu'il effectue en transition. Le brun détache enfin son regard du mien et il continue à exécuter son numéro. Mes yeux sont fixés sur Lui. Lui que j'avais cru oublier, Lui qui avait fait battre mon cœur, Lui qui me faisait me remémorer de violents souvenirs, Lui que je n'avais pas vu depuis trois ans. Enfin, leur chorégraphie se termine et il sorte de la scène en saluant. Je reprends le contrôle de mes gestes et sort de ma torpeur temporaire.

Mathieu :
" Ils sont magiques tous les deux, je les adore. Julian&Yacine sont des dieux. " s'exclame mon fils.

Chloé :
"Allez viens on sort." Reprend Chloé en riant.

Nous sortons sans un mot de ma part et je les suis alors qu'ils discutent tranquillement devant. Nous passons près des camions de la troupe quand j'entends quelqu'un siffler entre ces dents pour m'interpeler. Je tourne la tête et découvre Julian qui me regarde avec insistance comme pour le demander de le rejoindre. J'annonce à ma famille que je vais marcher un peu seul et qu'ils peuvent aller faire un tour à la fête foraine de la ville qui se situe non loin de l'endroit où nous nous trouvons.
Ils acquiescent et je me faufile entre les camions pour rejoindre l'acrobate qui m'attends patiemment en fumant une cigarette, appuyé contre l'un des véhicules. Il se tourne la tête vers moi quand il m'entend arrivé. Nous nous scrutons en silence et j'en profite pour l'observer tant il a changé depuis que nous nous sommes vus. Sa peau habituellement pâle avait pris une teinte plus hâlée, ses yeux bleus semblent avoir quelque peu regagner de mer vigueur mais une tristesse nage toujours dans son regard couleur océan ; sa musculature s'était développée et il semble aussi plus assuré et sûr de lui. Le silence règne entre nous et la tension palpable est indéfinissable. Je fais un pas hésitant vers lui, puis deux puis trois et bientôt nous nous retrouvons à quelques centimètres l'un de l'autre. Il ne fuit pas mon regard, au contraire il semble hypnotisé par mon être. La faible distance nous séparant, il prend l'initiative de venir coller son front au mien. Ce simple contact m'électrise et un frisson me parcours le corps. Tous ces souvenirs que je croyais enfoui refont surface sans prévenir : l'accident, l'hôpital, le cercueil, le cimetière et les pleurs. Je me recule instantanément et repousse Julian me faisant reculer de deux ou trois pas. Il me regarde interloqué. Aucun mot n'est encore sorti de nos bouches comme si le simple fait de se parler briserait le moment. Comprenant mon erreur, je m'avance vers lui et prends sa main en tentant d'oublier les souvenirs douloureux qui reviennent en masse. Ses cheveux qu'il a fait un peu poussé depuis notre dernière rencontre tombent sur son visage baissé. Je lui relève le menton pour qu'il me regarde dans les yeux. Cette fois c'est son regard me choque : un malheur contenu depuis des années semblent ressurgir et je comprend que nous souffrons à l'unisson.
Et pour ne plus voir ses iris qui attisent la brûlure de mon chagrin, je l'embrasse en fermant les yeux. Ses lèvres ont le même goût que la dernière fois. Il hésite quelques secondes à répondre sûrement surpris puis, alors que je suis sur le point de me reculer, il m'attire à lui en m'embrassant. Nous nous perdons dans des sensations floues. Soudain, je sens un liquide salé venir glisser sur la commissure de mes lèvres. En reconnaissant le goût des larmes, je m'écarte doucement de lui. J'essuie de mon pouce ses pleurs. Je vois dans ses yeux une douleur trop longtemps. Je plaque alors son torse contre le mien l'enlevant dans une étreinte. Ça y est, je l'ai retrouvé. Pourtant tout ne s'annonce pas aussi simple que ce que j'avais espéré.