Adieu

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**PdV de Julian**

Une fois de plus, je mouille ma figure avec un gant humide après cette énième nuit d'insomnie. Je fixe mon regard dans le miroir de la salle de bain : mon regard brun a perdu son éclat, des poches violettes se sont formés sous mes yeux et mon teint est encore plus pâle qu'à la normale. Je fais pitié à voir. Cela fait maintenant trois semaines que Jason et Emma sont à l'hôpital entre la vie et la mort. Je m'apprête à partir pour la clinique. Ma soeur compte bien plus pour moi que je n'ai jamais pu l'avouer. Certes c'est une vraie peste mais elle a un cœur je le sais. Je referme la porte en soupirant encore une fois en pensant à elle.

En arrivant à l'hôpital, je me dirige avec un petit signe de la main à l'accueil. Ils me connaissent maintenant je viens tous les jours. Je monte au troisième étage, là où se trouve Emma. J'inspire un bon coup avant de rentrer dans le chambre. Jason a été placé dans la même chambre qu'elle. Leurs lits sont proches l'un de l'autre. Il est au fond de la pièce tandis qu'elle est du côté de la porte. Quand je pousse la porte, Brian relève la tête en m'entends entrer. Il est en train de discuter avec son jumeau qui n'est pas dans le coma. Il paraît épuisé tout comme moi. Je lui adresse un signe du menton puis vais m'assoir sur la chaise à côté du lit de Emma. Son visage trop paisible montre qu'elle va bientôt partir. Je passe ma main sur sa joue froide et blanche. Je ne pleure pas pourtant, quelque chose m'en empêche. Tout d'un coup, Jason arrête de parler ou plutôt de murmurer à son frère et il se tourne vers moi. J'ai l'impression qu'il va dire quelque chose mais sa main attrape simplement celle de ma sœur. Je ne comprends pas ce qui lui prend et je regarde Brian qui a l'air tout aussi interloqué que moi, et même légèrement choqué. Jason ferme les yeux et se laisse porter, son souffle de plus en plus lent comme si la vie le quittait petit-à-petit et c'était ce qui arrivait. Soudain les deux électrocardiogrammes se mettent à émettre un bip prolongé et retentissant. Je me recule tandis que les infirmières arrivent paniquées. Je ne réalise pas tout de suite ce qui se passe et une des dames en blouse blanche me demande de sortir ce que je fais, mon cerveau bloqué par ce qui se passe.

Bientôt un quart d'heure que nous avons été mis, Brian et moi, à la porte de la chambre. Nous collés assis dans un couloir sur des chaises. L'autre se lève et me demande si je veux un café. Je ne prends même pas la peine de répondre gardant ma tête baissée. Il soupire et part vers la machine automatique au bout du couloir. J'ai beau ordonné à mes larmes de sortir, elles refusent en l'obligeant à garder toute ma peine en moi dans un mélange explosif de tristesse et de stress. Brian revient avec son café, je relève à peine la tête. Il se force à boire mais le cœur n'y est pas. Il a beaucoup maigri et son visage a perdu son sourire en coin provocateur. Il tourne la tête vers moi se sentant observer mais il ne sourit pas. Enfin, une infirmière sort de la chambre et vient vers nous. Je la reconnais c'est celle qui nous a demandés de sortir. Nous nous levons d'un bond. La mine troublée de la femme n'annoncent rien de bon. Elle prend la parole en inspirant :

Infirmière :
"Je suis désolée mais ils sont partis tous les deux main dans la main, en même temps, nous n'avons rien pu faire." Elle déclare tristement presque honteuse.

Cela fait longtemps que je n'attends plus à rien et bizarrement la douleur est un peu atténuée. Je me contente de hocher la tête dans le silence le plus total. Je tourne la tête vers Brian qui reste muet. Tous les muscles de son corps se contractent puis il court dans le couloir pour pouvoir sortir sûrement et que l'on ne le voie pas pleurer, me bousculant au passage. Je suis le même chemin que lui mais plus tranquillement pour rejoindre l'accueil et signer l'avis de décès. La secrétaire me regarde avec compassion mais je reste de glace empêchant les émotions de s'afficher sur mon visage contracté.

Après avoir rempli toute la paperasse, je sors du bâtiment. Le vent s'abat sur ma peau violent et doux d'une même bourrasque. Machinalement, j'attrape mon paquet de cigarettes dans ma poche. Je sors un des bâtons de nicotine et l'allume en couvrant la flamme du briquet. Je tire dessus, la tête me tourne un instant et enfin je me sens décontracté.
Violemment, une main m'attrape l'épaule et la sers. Je me recule et me tourne vers mon agresseur. Brian m'apparaît, éploré, les larmes dévalant ses yeux noirs profonds. Sans prévenir, il se jette dans mes bras en éclatant en sanglot. Je ne réagis d'abord pas mais je finis par ouvrir les bras et laisser ceux-ci entourer les épaules du garçon. Je tente de dire quelque chose mais il prend la parole avant moi et se détache vigoureusement de mon étreinte.

Brian :
"Est-ce que tu m'aimes ?" Me demande-t-il de but en blanc.

Je reste de marbre ne sachant que répondre devant sa question si soudaine. J'ébauche une phrase mais elle n'a rien de former ni de logique.

Julian :
"Écoute, je sais pas c'est trop tôt, on se connaît à peine..." Je réponds en hésitant.

Brian me dévisage la colère apparaissant petit-à-petit sur sa figure. Il fait grincer ses dents et sers ses poings. Je sens que sa respiration se fait plus irrégulière et il me répond sèchement :

Brian :
"J'en était sûr !" Avant de m'envoyer son poing dans la figure.

Je me masse la joue et ne peut m'empêcher de penser que l'on réagit comme des gamins de 14 ans. Ma réflexion à peine terminée que je vois qu'il est déjà reparti, furieux, vers sa moto. Je soupire et me dis que ce n'est pas la peine de le poursuive et qu'il doit se calmer seul. Mais j'étais bien loin de m'imaginer que se serait la dernière fois que nous nous verrions...

Jeu double [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant