Prologue

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« Je suis actuellement en direct devant la place de la Liberté où l'explosion d'un bus de la ville a fait plusieurs dizaines de morts il y a quelques heures. Pour le moment, nous avons peu d'informations sur l'origine de cette explosion mais la piste d'un attentat terroriste n'est pas écartée. »

Un bruit strident me perce les oreilles. Je ne sais pas où je suis. Le sol est dur sous moi et je sens quelque chose ou quelqu'un me secouer. J'arrive à percevoir des voix autour de moi. J'entends des cris, des pleurs. Il y a un homme près de moi qui essaye d'attirer mon attention.

« Pourquoi ! Pourquoi ! Je l'ai vu monter dans ce bus ! J'aurai dû lui dire de ne pas y aller ou l'appeler ou le retenir plus longtemps à la maison! Pourquoi ! Pourquoi lui ! C'est mon fils ! Mon petit garçon ! »

C'est une mère qui pleure. Elle n'est pas la seule mais elle, je la vois. Elle est là, devant moi, agenouillée par terre, recroquevillée sur elle-même. Des pompiers tentent de la calmer. Je sais qu'ils n'y arriveront pas. Eux aussi le savent. Comment calmer une mère qui a perdu son fils ?

« Encadrez le périmètre de l'explosion et faites sortir toutes les personnes qui ne sont pas des victimes de l'accident. Je ne veux plus de journalistes près du bus. Il faut également coordonner les secours pour que les victimes les plus importantes soient traitées en priorité. Pour les décès, vous connaissez la procédure. »

Il y a des morts. Le bus, j'y étais. J'étais dans le bus mais c'était mon arrêt. Des images surgissent devant mes yeux mais tout est trouble. Je dois forcer pour me souvenir. J'étais juste devant la porte et quand elle s'est ouverte j'ai été soufflé à l'extérieur. Mais ça veut dire que derrière moi... Les autres passagers... Non. Non. Non. Il y avait des enfants au fond qui faisaient trop de bruit... Non. Et un couple de retraité qui parlait de leur nouvelle petite fille... Non. Je crois me souvenir d'un bébé dans sa poussette avec ses parents... Non. Ce n'est pas possible ! Le souffle me manque. Je sens la panique me prendre soudainement.

« Madame ! Madame ! S'il vous plaît, il ne faut pas rester là. Vous devez venir avec nous. On doit vous emmener à l'hôpital. Je vais vous aider. Prenez appuie sur moi. Oui, voilà comme ça. Doucement. Ça va allez, ne vous inquiétez pas. Vous êtes en vie. »

Oui, c'est vrai. Moi je le suis. Mais les autres, tous les autres. Leur visage, je ne m'en souviens déjà plus. C'était un jour comme les autres, un moment dans ma vie qui n'était pas différent d'hier. Et pourtant, ma vie a rencontré celles des autres et s'est fracassé de manière fulgurante. Dans le bus, dans la rue nous rencontrons des centaines de personnes chaque jour. On ne les reverra peut-être jamais ou peut-être le lendemain à la même heure et au même endroit. Nous sommes programmés comme des machines à refaire éternellement des trajets identiques et des actions répétitives. Je ne fais plus réellement attention à qui s'assoie à côté de moi ou qui vient de me croiser. Mais aujourd'hui, j'aurai aimé connaitre ces gens qui ont pris le même bus que moi. Ils avaient une vie eux aussi avec une famille qui pleura ce soir. Tout s'est passé si vite. Mes pensées fusent dans tous les sens. Je ne comprends plus rien et puis soudain la lumière s'éteint.

IndigoWhere stories live. Discover now