Chapitre 1 : Martin

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J'entends ma mère qui m'appelle du salon. Je la sens agacée car je ne sors toujours pas de ma chambre. Je dois voir mon père aujourd'hui et depuis quelques semaines ma mère ne peut plus m'accompagner alors j'y vais seul en bus. Mes parents ont divorcés depuis deux ans maintenant et mon père vient d'emménager dans un nouvel appartement avec sa copine. Ils ne veulent pas que je le sache mais j'ai compris qu'elle est la raison de leur séparation.

J'avais cinq ans quand mes parents se sont disputés pour la première fois. Je m'en souviens puisque j'étais là, à table, avec eux. Ma mère avait vu mon père devant un hôtel avec une autre femme plus tôt dans la journée. Elle était rentrée en pleurant et s'était enfermée dans sa chambre. J'avais beau frapper et l'appeler, elle n'a jamais ouvert. Ce n'est que bien plus tard qu'elle est ressortie. Elle m'a prise dans ses bras sans rien dire. Le câlin m'avait presque étouffé mais j'avais tant voulu la rassurer que je n'avais rien dit. Malgré son silence, tout avait été comme les autres soirs. J'ai mis la table et mon père est rentré. Il m'a embrassé puis s'est approché de ma mère. Elle l'a repoussé et surpris, il s'est assis. Je ressens encore la tension dans la pièce. C'était comme si le moindre bruit pouvait tout faire exploser. Mon père a fini par perdre patience au moment du dessert. Il n'aurait pas dû. Ma mère s'est levée en criant après lui. Ils se sont disputés ainsi pendant des heures. Moi, je n'avais pas bougé de ma chaise et j'ai tout vu et tout compris.

Tout n'a pas changé le lendemain. Mes parents se sont disputés ainsi tous les soirs pendant des mois. Je ne restais plus avec eux. Je préférais aller dans ma chambre et mettre mon casque avec de la musique très forte pour ne rien entendre. Parfois, mon père partait de la maison ou ne rentrait pas du travail. Ma mère pleurait alors toute la nuit dans sa chambre. Devant moi, elle faisait comme si tout était normal. Elle me disait que ça allait s'arranger à force mais elle mentait.

Un soir mon père est arrivé avec des papiers. Quand ma mère les a vus elle n'a rien dit. C'était comme s'il n'y avait plus rien à dire, que c'était trop tard. Plus tard j'ai appris que mon père était allé voir un avocat pour préparer le divorce. Ça n'a pas été long avant que mon père reprenne toutes ses affaires et s'en aille pour de bon. On a changé de maison avec ma mère pour aller dans un petit appartement. C'est là où je suis maintenant. J'ai rencontré beaucoup de personnes quand mes parents ont divorcé. On m'a dit qu'ils étaient là pour m'aider mais en réalité ils voulaient juste savoir avec qui j'allais vivre. Le juge a donc décidé que je vivrais chez ma mère et quelques week-end et vacances avec mon père. Je dois donc aller chez mon père ce soir.

Je finis mon sac et prend mon ballon de basket. Cette après-midi je vais faire un match avec mes amis avant d'aller chez mon père. On prend le bus ensemble comme ça nos parents ne sont pas trop inquiets. Enfin c'est surtout ma mère que cela rassure. Je suis sûr que les mères des autres n'ont pas autant peur que la mienne quand je prends le bus. D'ailleurs c'est la seule qui a insisté pour m'accompagner jusqu'à l'arrêt.

- Tu fais attention à toi ce soir d'accord ? Je ne veux pas te retrouver avec pleins de bleus partout comme la dernière fois, mon trésor.

- Oui, maman

J'adore ma mère mais je crois qu'elle ne se rend pas compte que je joue au basket et pas aux billes. Si je veux avoir le ballon je dois y aller à fond et c'est vrai qu'on se bouscule un peu. Mais je ne vais surement pas lui dire ça sinon je risque d'avoir encore un discours sur le danger du sport. Je suis grand maintenant mais ma mère me voit encore comme un petit garçon. Je ne veux plus qu'elle m'appelle par des surnoms mais pourtant elle le fait encore. C'est ma mère.

Nous sommes arrivés à l'arrêt Liberté. Il est à côté de la place où il y a une grande statue. Ma mère m'a toujours dit qu'elle représentait le moyen de s'exprimer comme on le veut. Grace à cette statue les gens ont le droit de tout dire tant que ce n'est pas insultant. J'ai toujours trouvé drôle qu'on ait besoin d'une statue pour avoir le droit de parler mais vu que c'est une jolie femme, ça ne me dérange pas qu'on la garde.

Le bus doit arriver dans quatre minutes et j'en profite pour regarder les personnes autour de moi. Beaucoup marchent d'un côté à un autre de la place sans s'arrêter et puis il y a des touristes qui prennent la statue en photo. Il y en a aussi qui rentrent et sortent des magasins tout autour de la place et d'autres qui discutent sur le trottoir. Au loin, j'entends une musique et des personnes qui rient. Il y a tellement de monde sur cette place. Personne ne semble me remarquer, à part ma mère qui s'occupe à remettre mes cheveux en place.

Le bus arrive enfin. Ma mère me prend dans ses bras et me demande d'être bien sage puis me laisse monter dans le bus. Je suis le seul à entrer. Je passe mon ticket et les portent se referment.

IndigoWhere stories live. Discover now