Les nouvelles ne sont pas bonnes. Nous le savions depuis longtemps mais la réalité est plus dure encore pour mon cher Jean. Les médecins ne nous avaient donné aucun espoir fugace qui nous aurait détruit par la suite. C'est indéniable ; la maladie est là et elle détruit tout. Mon cher mari, mon Jean qui se tient à mes côtés et continue de sourire, souffre. Il peut essayer de le cacher à nos enfants mais je le connais assez pour lire dans ses gestes sa douleur et sa tristesse.
Assise à l'avant dans le bus, je repense à leur réaction quand leur père leur a annoncé. Ma plus jeune fille a pleuré dans les bras de mon Jean pendant ce qui semblait des heures. Mes deux garçons ont gardé tout leur sang-froid mais j'ai bien vu les mains qui tremblaient et les larmes retenues. Ils n'ont rien dit mais j'ai entendu toutes leurs questions comme s'ils les avaient directement oralisées. Nos petits enfants n'ont pas tous compris la maladie de leur grand-père mais je les voyais tous timides, ne sachant pas comment réagir. Il n'y a rien de plus triste que d'annoncer à sa famille sa mort prochaine. Certes, ils ont le temps de dire au revoir et de profiter des derniers jours, semaines ou mois de mon Jean mais la douleur s'éternisera au-fur-et-à-mesure des jours qui passeront.
- Notre petite fille est magnifique, tu ne trouves pas ? Regarde cette photo. Elle est adorable !
Je ne réponds rien parce que je ne sais pas faire semblant. C'est ce qu'il m'a demandé dès notre sortie de l'hôpital. Il veut que rien ne sorte de l'ordinaire, que tous le traitent de la même manière. J'ai essayé de toutes mes forces mais le voir faible le matin quand il se lève ou fragile quand il monte les escaliers me rappelle constamment son état. Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour lui.
Mon cher Jean, l'homme de ma vie, celui qui m'emmenait danser les samedis soirs à la ginguette, celui qui m'a fait rire avec des blagues parfois hésitantes, celui qui jouaient des heures avec nos enfants, celui qui m'a fait visiter les plus beaux endroits du monde, celui qui n'oublie jamais de m'offrir une rose rouge pour notre anniversaire, celui qui est toujours partant pour aider ses amis, celui qui est un exemple pour ses petits-enfants, oui cet homme que je pensais imbattable est aujourd'hui un homme fatigué qui me demande de faire comme avant sa maladie.
Son souhait est de profiter le plus possible de ses derniers jours. Il veut voir notre progéniture, il veut visiter l'Egypte et ses pyramides mais aussi partir sur un bateau et aller de port en port le long des côtes bretonnes. Je me suis fait la promesse de lui faire réaliser tous ses rêves avant sa mort.
Je le vois me regarder. Il doit se douter de ce qui occuper mes pensées puisqu'il me prend la main et la serre doucement.
- Mon Elisabeth, tout va bien se passer. Je suis encore là et je compte bien rester encore un moment avec toi. Nous avons encore beaucoup de choses à faire ensemble.
- Je sais bien, Jean, mais je ne peux pas m'empêcher de recasser tout ça.
- N'y pense plus et profitons chaque jour sans penser à demain. D'accord ? Tient parlons plutôt de notre dernière petite fille. Ils ont bien travaillé les jeunes tu ne trouves pas ? Je suis sûr que cette petite sera aussi caractérielle que son père.
- Ou alors elle aura la douceur de sa mère. Elle fait déjà des sourires à tout bout de champ. Elle pourrait être très joyeuse comme enfant plus tard.
Voilà mon Jean, toujours à penser aux autres. Il serait bien capable d'aller donner une bonne leçon à ces enfants turbulents au fond ou bien parler avec les étudiants étrangers pour apprendre de leur culture et connaitre leur impression sur leur voyage. Les gens autour de nous sont jeunes et actifs dans la vie. Il y a encore quelques années j'étais comme ces secrétaires, bien habillées et maquillées. Aujourd'hui, je serre la main de mon mari qui me sourit toujours et continuera à rire jusqu'à son dernier souffle.
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Indigo
Mystery / ThrillerUn bus, un trajet, des passagers, une explosion 11h28 - Arrêt Liberté