Chapitre 1

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     Cela faisait maintenant bientôt 11 mois que j'étais enfermée dans cette prison portant le nom d'hôpital. Enfermée avec ces 4 hommes étranges me donnant la chaire de poule. Enfermée sans la moindre chance de revoir un jour ma mère. Avec le temps, je ne m'étais toujours pas habituée à ces fous, pourtant très attachants. Il y avait ceux qui se prenaient pour des enfants, ceux qui ne vivaient plus, ceux qui avaient peur... Ils étaient tous étranges, déconnectés de la réalité, et j'avais du apprendre à faire pareille.

      Souvent, durant les premiers mois, je me faisais frapper par Harry. Il me criait que j'étais chez les fous, et que je devais agir comme tel. Que si je ne sortais pas, j'étais une personne inutile, et qu'il n'avait pas besoin des personnes inutiles. C'était toujours le même manège, jusqu'à ce que je m'énerve. J'ai crié, j'ai frappé partout, j'ai essayé de le frapper lui. Quand les gardiens m'ont sortie de la chambre, Justin a mit un doigt sur sa bouche avant qu'ils ne me sortent complètement du dortoir. Ils m'ont emmené voir la psychologue, Lim Ha-Rum. Une très jolie femme d'origine asiatique. Elle me posait des tonnes de questions, mais je ne voulais pas répondre. Il m'avait dit de me taire. Puis vint la question la plus importante : « Sais-tu pourquoi tu es là ? ». C'est là que compris ce qu'il voulait dire en mettant son doigt sur la bouche. Il ne voulait pas que je taise ma voix mais ma mémoire. J'avais répondu par une simple signe de tête négatif avant que je ne puisse retourner dans ma chambre. Quand je suis revenue, Harry avait dit qu'il était fière de moi, et il a arrêté de me frapper. Depuis, j'apprends, à crier. J'avais compris le message : si une personne m'humiliai, je devais crier, où c'était lui qui me ferai crier. Il était étrange, tout comme Justin. Ses réactions étaient à la fois lucides et folles. Des décisions que personne n'auraient prises, mais qu'il prenait après avoir mûrement réfléchi. Ici, j'avais appris à réfléchir. Savez-vous qu'un fou réfléchis plus qu'une personne saine d'esprit ? Il réfléchit tout le temps, toujours les même questions : Dois-je me taire où dois-je crier ? Dois-je mentir ou dire la vérité ? Suis-je fous ou ne le suis-je pas ?

      Les médecins me raccompagnaient tout les soirs à mon dortoir. Là-bas, Harry me posait des questions : Es-tu folle ? Je répondais non, un gifle. Es-tu folle ? Je répondais oui, une gifle. Es-tu folle ? Je ne répondais pas, un sourire. Lorsqu'il devenait trop violent, Justin intervenait. J'avais peur. J'avais peur car je n'avais pas peur. Je n'avais pas peur et ça me faisait peur.

      Parfois, j'allais voir Lim Ha-Rum, c'est notre psychiatre. Une très jolie femme aux airs asiatiques. Elle me disait des choses, des choses bêtes. Et des questions, des questions bêtes. Que vois-tu ? Un papillon, cette réponse m'aurait valu une gifle. Que vois tu ? Je ne sais pas, ce serai une autre gifle. Je vois tu ? Je ne répondais pas, ce serai un sourire.

      Aujourd'hui encore, je réfléchis : Suis-je folle ? Sortirai-je un jour ? Pourquoi ? Où ? Comment ? Que faisions nous là toute les deux ? Que s'est-il passé ce jour là ? Pourquoi t'ai-je tué ? T'ai-je seulement tué ? Je n'avais pas les réponses à ces questions. Chaque moment, chaque souvenir de cette journée, chaque détail, chaque image. Tout était dans un petit cahier, caché sous les plaintes de mon lit. Le moindre mot, le moindre son... Personne ne le savait, surtout pas Harry. Parfois, sur une page, il était marqué en grosse lettres : « JE NE SUIS PAS FOLLE ». Et sur la page suivante : « Quel est mon nom déjà ? ». J'y marquais toutes mes questions, mes interrogations, mes suspicions, mes doute et mes peurs. Je devais y répondre, trouver le pourquoi et chercher une solution. Parfois un mois plus tard la question revenait, et c'était le même rituel. À la fin, je marquai tout ce que je savais sur eux, les habitants du dortoir, les fous, ces fous, mes fous. Je différenciais les deux partie : « Les yeux croient ce qu'ils voient, le cerveau vois ce qu'il croit ». Je devais différencier mes pensés de ce que je voyais. C'est très important vous savez, là-bas. Parfois, à la fin de la journée, nous avons du mal à différentier nos rêves de notre réalité. C'est comme ça que l'on devient fous. Un fou n'est un fou qu'une fois enfermé.

      Aujourd'hui j'avais une visite. Les médecins venaient me voir, ils étaient heureux, ils me parlaient comme à une enfant : « Tu as de la visite, c'est bien, tu vas voir, c'est une personne qui vient de l'extérieur, c'est une personne qui connaissait la toi d'avant ! Il est policer. ».

      S'il était policier, pourquoi venir voir une incarcérée ? S'il me connaissait avant, pourquoi vouloir rencontrer la Sonia d'aujourd'hui ? J'étais dans la chambre avec eux, les habitants du dortoir, les fous, ces fous, mes fous, lorsque la psychologue vint me chercher. Une asiatique nommée Lim Ha-Rum, c'est une très jolie femme. Elle voulait me poser des questions avant que je ne vois pour la première fois cette homme.

     - Bien, peux-tu me dire si tu reconnais cet homme ?

Elle me montrait une photo, je tournai les yeux vers elle, mais je ne la regardai pas, ni n'y fis particulièrement attention. Ici il fallait parler. Mais parler de quoi ? Toujours, il me disait qu'il fallait toujours poser une question. Harry et Justin n'étaient jamais d'accord, l'un disait : « Pose une question sur toi » et l'autre répliquait : « Pose une question sur elle ». J'écoutais toujours Harry. Je lui faisais plus confiance car j'avais moins peur. J'avais moins peur de lui parce que c'était lui qui me faisait le plus peur.

     - Alors... Peux-tu au moins me dire comment te sens-tu

     - Mes cheveux... Je n'ai pas pu me laver ce matin... L'eau était froide, ce n'est pas comme d'habitude, alors je ne me suis pas lavé. Je ne suis pas bien lorsque je ne me lave pas, car d'habitude je me lave, et ne pas me laver n'est pas une habitude. J'aime bien mes habitudes, c'est plus claire à comprendre, et les choses sont plus simples à prévoir. Mes cheveux, devrai-je les attacher ? Ce serai mieux si je veux faire bonne impression non ?

      Notre psychiatre, Lim Ha-Rum, car elle s'appelait comme ça, souffla. Même fatiguée elle restait belle. C'était une très belle femme aux airs orientaux. L'ai-je déjà dis ? Elle se leva de son bureau et vint se placer derrière moi. Elle commença à me peigner les cheveux de ses doigts. Ma tête frissonnait, ça me faisait du bien. Et puis, une image me revint.

      Une dame et moi étions à une table de trois personnes, nous attendions sûrement quelqu'un. Cette dame bougea les lèvres, ce qui donnait des formes diverses et dénuées de sens, puis elle replaça une de mes mèches de cheveux avant de me sourire tendrement.

     Voilà, tu es très belle comme ça. Tu verras, tout ce passera bien !

Zan PoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant