Anima

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En retard. Le dirigeable était en retard. Thorn réprima un soupir. Ces dirigeables étaient toujours en retard.  Ils manquaient totalement d'organisation. 

"Plus que quelques minutes avant d'arriver à Anima, Monsieur, lui annonça le capitaine. Il vit le regard assassin que lui lança Thorn. Monsieur l'intendant, crut-t-il préférable de corriger. 

-Pourquoi êtes vous en retard?l'interrompit Thorn.

-Les perturbations atmosphériques Monsieur l'intendant. Elles ralentissent le dirigeable, expliqua le capitaine en souriant.

-J'ai calculé le trajet avec toutes les perturbations et difficultés que pouvait rencontrer le dirigeable, et vous êtes en retard même par rapport à mon calcul. Alors je repose ma question: pourquoi le dirigeable est-il en retard?

-Et bien,.. Vous êtes sûr de ne pas vous être trompé dans vos calculs?demanda le pauvre capitaine en perdant son sourire. Sous le regard implacable de Thorn, il se recroquevilla sur lui-même et bredouilla:

-Hum, non, bien sûr que non. Hum, il est possible que nous transportions une cargaison d'objets en cristal de grande valeur et que pour éviter de les abîmer, nous allions plus lentement". Thorn le fixa d'un regard inflexible et le capitaine se rappela soudainement qu'il avait d'autres affaires à régler que de discuter avec un passager mécontent. Il s'éclipsa donc le plus discrètement possible et retourna à sa cabine en suant à grosses gouttes. 

Thorn grogna et s'assit, ou plus exactement se plia sur sa chaise. Il saisit sa petite valise et l'ouvrit. Des dossiers lui occuperait l'esprit. Car dès qu'il restait inactif, son plan envahissait ses pensée, lui rappelant les risques incroyables qu'il avait pris et allait prendre. Lorsque un haut-parleur annonça aux passagers l'arrivée imminente à Anima, Thorn se leva, rangea soigneusement ses dossiers dans sa petite valise et saisit la fourrure d'ours polaire, immaculée, qui lui servait de manteau. Une fois devant la vitre du grand salon, il vit Anima. Une demi-heure de retard. Cela fait une demi-heure que j'aurai du voir ce quai, songea-t-il. Des dizaines de silhouettes sous des parapluies s'agitaient, pointant du doigt le dirigeable qui s'approchait. Bien. Ils l'avaient donc attendu. Thorn n'éprouva aucun regret devant les silhouettes qui attendaient depuis plus d'une demi-heure sous une pluie battante. La famille de sa fiancée! pensa-t-il d'un ton ironique. Ils allaient vouloir l'emmener dans une fête pour célébrer l'union des deux familles et des deux arches. S'ils savaient à quelles familles il appartenait, il ne se réjouiraient sans doute pas autant.

Il descendit rapidement la passerelle du dirigeable, après avoir lancé un regard froid au capitaine qui avait dégluti, lui avait demandé d'une voix faible s'il avait passé un bon voyage, et s'était tu, conscient de l'absurdité de sa question. Aussitôt des Animistes lui demandèrent s'il avait fait bon voyage, et d'autres questions ineptes. Thorn ne répondit pas, se contentant de fendre la foule. Une femme se précipita vers lui.

"Bonjour Monsieur, se présenta-t-elle. Je suis la maman d'Ophélie. Ah, la mère de sa fiancée. Il haussa un sourcil. Ainsi donc elle se nommait Ophélie. Il s'arrêta et écouta le discours de sa future belle-mère. Vous avez passé un bon voyage? Bon voyage, bon voyage. Ils n'avaient que ces mots à la bouche? Le reste n'avait plus d'intérêt. Voici Ophélie, Monsieur. Oh, flûte, où est encore passée cette gamine?  Ah la voilà." Thorn fixa d'un regard sévère sa promise. Petite, ses cheveux bruns emmêlés, elle gargouilla un misérable "Bonjour". Thorn la jaugea du regard. Elle ne tiendrait pas un jour sur l'arche. Sa future belle-famille le conduisit jusqu'à la voiture, conduite par un homme souriant qui le salua d'un vulgaire signe de tête. Il monta dedans, suivit par la mère de sa fiancée, sa fiancée, et une des Doyennes, qui avait arrangé le mariage. 

"-Je veux voir Madame Artémis, éructa-t-il.

-Pardon? s'exclama la mère de sa fiancée. Cette dernière ne put retenir un début de sourire. 

-Je veux voir Madame Artémis, répéta-t-il. J'ai un présent à lui remettre de la part de Farouk. La mère d'Ophélie esquissa un sourire forcé et répliqua:

-Madame Artémis est occupée. Nous pourrons la voir demain si vous le souhaitez, proposa-t-elle diplomatiquement. Nous avions prévu une fête et...

-Non, la coupa-t-il. Je veux voir Madame Artémis. Maintenant. La Doyenne et sa future belle-mère se concertèrent du regard. 

-Cocher? appela l'Animiste de mauvaise grâce. Conduis-nous à l'Observatoire."

Du point de vue de ThornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant