Prologue

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Nos actes ne définissent pas forcément qui nous sommes réellement. Ils peuvent éventuellement renvoyer une certaine image, une de celles qui serait préconçue afin de faire croire tout et n'importe quoi à n'importe qui. Nos pensées nous définissent. Ce qui se passe à l'intérieur. Nos côtés sombres, ces pensées inavouées... elles reflètent la réalité. Reste à savoir si nous nous avouons avoir cette part d'ombre, et si nous l'avouons au reste du monde. La réalité peut être laide, elle peut renvoyer à l'opposé de ce à quoi nous aurions aimé ressembler. À partir de quel moment un acte ou une pensée devient anormale ? Comptez sur un psy, comme moi, pour vous dire qu'avoir envie de buter son patron n'est pas normal. Évidemment, je le savais, notez ici l'ironie de la réflexion. Et ne prenez pas ces petites pilules qu'il ou elle vous conseillera pour mieux dormir, ou pour mieux gérer votre anxiété. Elles vous assomment et vous font faire des rêves étranges. Des rêves où vous tuez ledit patron. Ou des rêves où vous le laissez-vous faire des choses que vous n'auriez jamais imaginé. Et que vous n'avez jamais, ô grand jamais désirez...

Ma vie est loin d'être à l'image de la plupart des femmes, elle ne l'a jamais été, dès le commencement. Mon enfance et mon adolescence n'ont pas été parfaites, mais en devenant adulte, je n'ai rien fait pour me poser. J'ai commencé des études, j'ai détesté ça. J'ai tout de même obtenu mon diplôme, j'ai intégré une école de commerce et j'ai trouvé un boulot dans une banque. Puis dans une autre. Et dans une autre. J'ai failli changer de voie, mais je n'ai jamais su quoi faire d'autre, rien ne m'a jamais vraiment intéressé. J'ai quitté chacune de ces banques en espérant que la prochaine serait la bonne, que je trouverais une super équipe, un super patron... J'ai rêvé en plein jour. Je suis capable de prendre sur moi, de supporter beaucoup de chose et de me focaliser sur mon boulot. Et les personnes qui connaissent ce milieu-là ou pas seulement ; ceux qui connaissent la difficulté de travailler avec des gens insupportables, savent qu'on peut avoir tout le courage du monde... Tôt ou tard, on finit par craquer. Certains le font en se contentant de démissionner, d'autre pètent carrément les plombs. Pour ma part, et malgré mon caractère sanguin, je suis toujours sortie de scène en gardant la tête haute. Mais je ne suis pas du genre à traîner chez moi. Après avoir quitté mon dernier job, j'en ai cherché un nouveau. Ma copine Molly, que j'avais rencontré cinq années auparavant durant mes études, bossait désormais dans une grosse boîte au sud de Manhattan. Elle m'avait conseillé de postuler sans m'en dire plus. Je ne savais pas avec exactitude de quel poste il s'agissait. Je savais seulement que j'avais besoin d'un changement, peut-être pas radical, mais de changer néanmoins mes habitudes. Les trois sociétés dans lesquelles j'avais travaillé jusque-là étaient de simples banques, très traditionnelles. Molly m'avait vendu du rêve en m'expliquant que la banque privée dans le quartier financier était une entreprise florissante. Évidemment, vu l'emplacement, je savais à peu près à quoi m'attendre. Et j'aurais certainement eu un gros coup de pression si je n'étais pas du genre à tout prendre à la légère. Je pars du principe que le travail, bien qu'étant une majeure partie de nos vies, ne doit pas être responsable d'un chamboulement total, jusqu'à en avoir des envies de suicide. Je ne me suis jamais pris la tête pour le travail, et je ne comptais pas le faire. Ce que je voulais surtout, c'était de l'action. Et je n'allais pas être déçue.

Ce matin-là, je me suis levée comme tous les autres matins. Quand on ne sait pas à quoi s'attendre, il n'y a pas vraiment matière à stresser. Et puis si ce n'était pas ce job, ce serait sûrement un autre. Je suis sorti de mon lit en m'étirant bruyamment, le soleil passait déjà à travers mon volet et je pouvais entendre la foule extérieure s'affoler. Il était seulement 7h, mais Manhattan ne dort jamais. Après avoir pris mon petit-déjeuner, j'ai filé sous la douche pour pouvoir me préparer sans plus attendre. Stressée, peut-être pas, mais prévoyante, ça oui. J'ai filé vers mon placard pour sélectionner l'une de mes nombreuses « tenue spéciale entretien d'embauche » ; une robe grise près du corps arrivant juste au-dessous du genou, à manches courtes et col rond. Une tenue très professionnelle, associée à des escarpins noirs. J'ai laissé mes longs cheveux châtain clair lâchés, sous les conseils de mon colocataire, David, et je me suis maquillée. Je suis sortie de chez moi aux alentours de 7h50, j'ai marché jusqu'à ma voiture et j'ai observé une dernière fois mon visage avant de démarrer le moteur. Mon rendez-vous avec le boss de la Bennett Compagnie avait lieu à 8h45 mais comme j'ignorais où la banque privée se trouvait, j'ai décidé de partir bien en avance. Le quartier où je vis n'est pas très loin, mais une fois sur la route, prise entre toutes ces voitures, j'ai finalement été heureuse d'avoir suivi mon instinct. Je me suis garée dans un parking et j'ai marché à pieds jusqu'au bâtiment plutôt imposant qui se trouvait devant moi. Je n'ai pas réfléchi et je suis entrée en constatant qu'il était presque 8h30. Une fois à l'intérieur, j'ai pris une minute pour observer ce qui se trouvait autour de moi. La foule, le bruit, les employés stressés et affolés d'être en retard à une énième réunion. Molly ne s'était pas trompée, ce building et moi étions fait pour nous rencontrer. Un sourire à étiré mes lèvres, mais avec du recul, si j'avais su à quoi m'attendre avec mon futur patron, j'aurais probablement fait demi-tour.

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