PHASE 2

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Il avait vécu quelque chose. Quelque chose qui l'avait changé, elle ne le savait pas. Mais elle voyait en lui ce que personne ne pouvait voir ; tout en se persuadant de ce tout le monde voyait. Elle avait appris à le connaître. Et bien qu'elle n'arrivait pas à cerner la complexité du personnage, elle le savait au fond d'elle : il n'était pas si mauvais... il n'était pas qu'un tombeur, insensible et infidèle . Il était bien plus que ça.
Elle ressentait dans son regard une tendresse inexpliquée, une vulnérabilité qu'il essayait de lui cacher. En effet, elle le rendait tout aussi différent que vulnérable ; son intérêt pour elle était inattendu mais tellement agréable. Il ne savait pas si c'était son côté maladroite, crispée, nerveuse à ses côtés, ou le petit sourire gêné qu'elle arbore en détournant timidement le regard lorsqu'il se perd dans ses yeux. Elle n'avait rien à voir avec ses ex, toutes ces jeunes femmes confiantes et suggestives à souhait, ces décomplexées dont la vie sexuelle se veut pleinement assumée. Elle était si différentes, si réservée et si mystérieuse. Il se vit pour la première fois, depuis longtemps, « se poser avec quelqu'un ». Mais avec ce genre de jeunes pousses, il faut faire attention. Il ne faut pas froisser la jolie fleur naissante.
Et oui, la froisser était sa plus grande crainte. Il a voulu renoncer à ce trésor : la décevoir, la blesser n'était pas un risque qu'il était prêt à prendre .

Alors qu'ils faisaient tous deux, un pas en avant, ils semblaient en faire deux en arrière. Il ne savait pas comment s'y prendre avec elle, il n'avait jamais fréquenté ce genre-là: timide et compliquée.
Elle, avait peur qu'il lui brise son petit cœur en milles morceaux. Elle avait passé ces dernières années à le rafistoler. Mais elle n'aurai jamais pensé qu'il puisse, lui, se sentir blessé.
On ne pense jamais que les mecs, même les plus charo, puissent ressentir de vrais sentiments.
Elle le blessa par ce manque de confiance qu'elle éprouvait à son égard . Malgré ses efforts de tolérance, elle restait réticente et pleine de jugements.
« N'écoutes pas ce que les gens disent » se répétait-elle sans cesse. Mais c'était plus fort qu'elle : les dires faisaient grandir sa crainte.
Il se sentait mal qu'elle ne puisse jamais voir au-delà de ce que les "autres filles" (probablement des ex jalouses ou blessées) racontaient à son propos. Changer, il le voulait vraiment, pour elle. Du moins c'est ce qu'il laissait entendre.
Mais en dépit de toute l'affection qu'elle pouvait ressentir à son égard, elle ne réussit à lui faire confiance.
Lui, n'a pas pris la peine d'essayer de changer, ou même de la rassurer. Alors finalement comment pouvait-elle avoir confiance ?

Elle s'était convaincu qu'il n'y avait aucune issue possible. Sûrement de peur de finir brisée, elle pensait qu'il ne pourrait jamais l'aimer ; et lui, allait finalement en ce même sens. Il s'était persuadé qu'il serait mieux pour elle qu'il s'éloigne pour de bon. En même temps, pensait-il perdre son temps ?

Ils finiront tous deux confus par la suite des événements : «mauvais timing». Quand enfin elle se décide à faire taire toutes ces critiques négatives à son sujet et à lui faire pleinement confiance, il est trop tard.
Elle y pensait pourtant jours et nuits, des mois durant, elle essayait de comprendre. Elle avait ces sentiments confus et inexpliquées qui la rongeait. Mais au fond elle le savait. Elle ne faisait que se mentir en cherchant d'autres explications. La vérité ? Elle ne voulait pas se l'avouer mais il lui plaisait vraiment. Énormément.
«C'est difficile de démêler le vrai du faux»...mais sur ce point, il n'y avait plus aucun doute. Elle prit sur elle et finit par lâcher prise. Elle s'abandonna à la vérité qui était la sienne. Et la pauvre, sous la pression de son entourage, lui avoua tout ce qu'elle croyait ressentir : chose qu'elle ne fait jamais.

Mais il avait passé les cinq derniers mois à l'ignorer un maximum. Il semblait être passé à autre chose. Perdue dans ce brouillard de pensées, elle ne s'en était pas vraiment rendue compte.

Lui, pensait sûrement faire ce qu'il y avait de mieux pour elle en l'ignorant, et lui disant ces mots graves :
" T'es une fille sympa, tu me plaisais bien, mais sans plus... Comme un fruit défendu, une fleur inaccessible..."
Elle, entendait :
"Aujourd'hui j'ai ton cœur dans le creux de ma main et tu sais quoi ? Je n'ai pas envie de le froisser davantage, le plaisir est passé. Toi et moi c'était un jeu, le jeu du chat et de la souris. Un défi relevé à peu de choses près. Et même si je le voulais, ça n'irait nulle part. Je suis vicieux, égoïste et avide, c'est ce que tu m'as toujours fait comprendre. Et, même si je t'aimais à en perdre la raison, laisse-moi te dire que j'en serre une autre... »

Elle n'eut même pas écouté la fin. Et ce à quoi elle pensait n'était rien à côté de la réalité. Mais ses oreilles se mirent à bourdonner, son esprit à divaguer. Jusque là elle essayait de se contenir, mais une larme vagabonde coula sur sa joue. Un frisson parcouru son être. Ces mots raisonnaient dans la tête de l'adolescente. Elle lui avait ouvert son cœur. Elle avait écouté ces abrutis : elle n'aurait jamais dû. Il n'y a pas de mots assez fort pour décrire la colère et la honte qu'elle ressenti ce jour là. Son ego en avait pris un coup, son esprit était d'autant plus confus que la veille. Mais tout ce qu'elle avait pu ressentir à ce moment-là n'était pas le fruit du rejet. C'était une colère grandissante, une frustration croissante, mais surtout plus de questions en suspend.
" Que vient-il de se passer ? Comment est-ce arrivé ? Pourquoi maintenant ? "
Avant lui, personne ne l'avait jamais intéressé. Et malgré le fait qu'elle venait de se faire jeter, elle ne pouvait  s'empêcher de ressentir de la culpabilité. Oui, cette culpabilité qui lui prenait aux tripes jours et nuits après ça. Elle s'en voulait d'avoir perdu pied.

À la veille des fêtes de fin d'année, elle se demandait comment elle avait  pu en arriver là.
«Aucun homme n'aura plus jamais le plaisir de me briser.» s'était-elle alors promis.
Mais cet abandon n'avait pas touché son cœur comme il touche le cœur de Roméo. Elle n'était pas prête à se laisser mourir pour ce jeune homme, alors même que son esprit se disait déjà mort. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle n' arrêtait pas d'y penser. Cela lui torturait l'esprit : en dépit de toutes les choses qu'il lui avait dites et tout le désarroi qu'elle avait pu ressentir, elle n'arrivait pas à passer au-dessus de ce sentiment étrange.
Et là, elle compris : elle en était amoureuse, éperdument amoureuse. «Comment puis-je être amoureuse de ce genre de type ? Il ne me mérite même pas. » se disait-elle.
Alors même de la confiance en soi n'est pas son fort, l'estime qu'elle a d'elle-même vis à vis des hommes ne peux être plus forte.
«Comment ? Alors même qu'il ne m'a jamais touché. Pas même une caresse, pas même un baiser. Pourquoi en rêver tous les soirs ? Pourquoi me languir de ses lèvres ? Pourquoi même ses mots me blessent-ils autant ? N'est-ce pas moi qui ai passé l'année à le repousser ? Alors pourquoi, en ce jour, chaque parcelle de mon corps réclame le sien ? Il était mon fruit défendu, et cette Eve à lutter autant d'elle le pu. Elle n'a pas croquer la pomme, alors même que son Adam était le serpent de la tentation personnifié.»

Elle & LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant